Le lien donné par ptifrise est clair...
Jean-yves Delitte écrit une lettre ouverte à Casterman
Lettre ouverte à Casterman.
Ainsi donc Casterman a définitivement perdu son âme.
Cette si jolie et prestigieuse maison d’édition a donc bien en son sein des êtres sans honneur qui mangent leur parole !
Des irresponsables qui choisissent même, par lâcheté, de déléguer à d’autres la tâche ingrate d’expliquer à un auteur l’arrêt d’une série !
Que d’aucun ne perde son temps à évoquer maladroitement de futiles prétextes et la découverte fortuite d’un prétendu manque de rentabilité pour se justifier ! Les comptes d’exploitation de tout ouvrage sont consultables quotidiennement. La série du Sang des Lâches a été traduite et éditée dans plus d’une langue et plus d’un pays, oser évoquer une perte soudaine de rentabilité alors que la veille encore, on insistait pour que la série se poursuive et qu’on se vantait d’un nouveau format d’édition, ne fera que souligner davantage un consternant je-m’en-foutisme, un réel manque de professionnalisme ou encore un exécrable cynisme.
J’ai encore en mémoire les mots échangés en avril de cette année quand je mettais la main aux dernières pages du quatrième épisode du Sang des Lâches. J’avais été témoin du brusque licenciement de mon éditeur responsable, Reynold Leclercq. Au-delà des motifs de ce départ précipité, je me posais des questions sur l’éventualité d’une nouvelle politique éditoriale qui exclurait des titres et séries. La réponse à mes interrogations avait été sans équivoque : « Bien entendu, Jean-Yves, nous comptons sur une suite aux Sang des Lâches et les éditions Casterman sont honorées de vous avoir comme auteur…». Il y a quelques jours encore, on m’assurait et renouvelait le soutien de Casterman pour la suite, on insistait pour connaître le scénario des tomes suivants ! Et puis subitement, ce matin… C’est tout le contraire ! Quelques mots embarrassés, bredouillés au téléphone, Casterman a décidé d’arrêter la série! C’est une décision définitive et sans appel!
Je sais, « les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent », mais j’avais la naïveté de croire que chez Casterman, la parole donnée avait encore une valeur ! Il a eu une époque où les services éditoriaux de Casterman pouvaient se targuer de se battre avec une belle ardeur pour défendre des titres, des séries et des auteurs.
Aujourd’hui, il n’en est assurément plus rien, monsieur Benoît Mouchart. Vous êtes de ces personnages à qui, après avoir serré la main, on doit s’empresser de la nettoyer ! On vous a donné des épaulettes de directeur bien trop larges pour votre petite personne ! Vous n’avez même pas le courage d’affronter l’auteur, de présenter des excuses et d’assumer vos erreurs ! Votre jeunesse n’excuse pas cette effronterie. Nous avons tous une réputation à entretenir. Je connais la mienne. Vous, si vous l’ignorez, elle va se caractériser par celle d’un être sans parole et sans honneur. Triste de vous !
Je suis parfaitement conscient des contraintes financières et je peux parfaitement entendre qu’une série doit s’arrêter pour des raisons économiques, bien que pour le Sang des Lâches je doute d’une telle pertinence. Mais il existe ce que l’on nomme le savoir vivre, la politesse, la considération et la droiture. De belles qualités qui vous manquent cruellement, monsieur Benoît Mouchart !
Le Sang des Lâches n’était qu’une liberté que je m’accordais, une parenthèse dans mon travail, car j’ai la chance d’entretenir de vraies et belles relations avec un vrai et grand éditeur. Néanmoins, j’exécutais les albums du Sang des Lâches avec la passion et le professionnalisme qui me caractérisent. Or, en insistant pour que je place le mot « À suivre » à la fin du quatrième tome, alors que je pensais au mot « FIN » , vous m’avez abusé, monsieur Benoît Mouchart. Vous m’avez demandé de rendre un travail qui paraîtra incomplet alors qu’il aurait pu se conclure avec beauté. Mais vous n’avez probablement que faire de tout cela. Votre politique éditorial s’évertue à mettre en avant une bande dessinée qui se qualifie par une cruelle manque de talent. Vous prétendez voir dans le gribouillage enfantin de la virtuosité et dans l’absence d’écriture une prouesse ! Alors une vraie bande dessinée, avec une vraie histoire, avec de vrais dessins, cela doit vous ennuyer. Je ne polémiquerai pas plus, cela serait vain. Engoncé dans vos petites certitudes, Monsieur Benoît Mouchart, vous refuserez de voir des évidences. Vous croyez détenir LA vérité alors que ce n’est que votre vérité!
Ces mots et ces lignes vont paraître sévères et grossiers. D’aucuns croiront même qu’ils sont la traduction d’une profonde amertume. Qu’ils ont été couchés sur le papier sous le coup de l’émotion. Il n’en est rien! Je persiste et signe comme l’écrivait le grand Jacques dans une ode contre l’extrémisme.
Je conclurai donc cette diatribe en saluant chaleureusement certaines personnes avec lesquelles j’ai que le plaisir de collaborer durant la réalisation des quatre ouvrages du Sang des Lâches, elles se reconnaîtront.
Comme j’espère pour Casterman, qu’un jour, il y aura à la barre, un grand et fier capitaine qui sera choquer les drisses, serrer les écoutes et hisser haut le pavillon de la grande aventure.
Quant aux autres personnages, à l’image de vous, monsieur Benoît Mouchart, des matelots de basse paye qui prétendent tout savoir de l’art de naviguer au grand large, je n’éprouve rien, même pas du mépris.
On ignore les gens sans intérêt. On espère simplement, qu’un jour, ils seront débarqués pour éviter au vaisseau de chavirer.
Jean-Yves DELITTE
Auteur & Directeur de Collection
Peintre Officiel de la Marine
Membre titulaire de l’Académie des Arts & Sciences de la Mer
Président des Peintres de Marine Belges
Visiblement ce n'était pas prévu...