nexus4 a écrit:Ah oui, je voulais vous demander. J'ai lu par petits bouts espacés, du coup je n'ai pas compris la révélation finale.
C'est quoi qui est remis à Greene dans l'église et qu'est ce que ca révèle sur lui ? Que c'est un agent russe ?
Il faudrait que je relise la BD, car maintenant ma lecture de celle-ci remonte à plusieurs mois.
Mais de mémoire, et sans être certain d'avoir forcément bien compris les auteurs, je crois que ce document top secret de l'Abwehr —service de renseignements allemand, devenu celui du IIIe Reich, et assez souvent en butte avec certaines branches de la Gestapo (laquelle était sous la coupe des SS) lorsque leurs sbires se trouvaient en concurrence — révèle que le maître espion Kim Philby alias Harpo (un des responsables du MI6) était une taupe au service de l'Union soviétique. (Greene avait bien connu Philby et Burgess). Greene était en fait un ami de Philby et il l'est demeuré, après l'exil de ce dernier en URSS.
Greene a toujours eu des relations policées et courtoises avec certains diplomates soviétiques. Mais la question de son affiliation aux services russes reste posée et demeure actuellement sans réponse. Ses positions vis-à-vis de certaines guerillas latino-américaines témoignent en tout cas de la réalité d'un homme que l"étiquette "d'écrivain catholique" ne saurait appréhender dans toute sa complexité. Cette étiquette est, sinon trompeuse, du moins terriblement réductrice.
L'homme est en fait assez insaisissable. Il a beaucoup entravé le travail de ses biographes et n'a livré de sa vie que ce qu'il voulait bien dire, et encore, au compte-gouttes. On peut, à travers son oeuvre, essayer de le percer mais cela ouvre plus de pistes que ça n'apporte de certitudes, bien évidemment.
Il est difficile de conseiller des ouvrages à celui qui souhaite découvrir un auteur de cette accabit.
Mais comme tu viens de lire avec plaisir cette BD et que tu pourras la relire à loisir, je vais faire simple et te suggérerai humblement de commencer par "Le troisième homme" où l'atmosphère est comparable à celle de la BD de Fromental et Hyman et au film de Carol Reed pour le tournage duquel Greene s'était rendu à Vienne.
"Le troisième homme", court roman, doit plutôt être considéré comme une novellisation réussie du film, même si le livre n'est pas postérieur au film. Mais il me semble (à vérifier donc) que l'écriture du roman s'est déroulée parallèlement à celle du scénario, voire à partir de celui-ci.
Désormais, avec cette BD (qui n'est pas une adaptation du Troisième homme mais une histoire originale y faisant référence), il me paraît intéressant de posséder le roman et le film, ainsi que cette BD ambitieuse et de les redécouvrir ensemble dans un laps de temps rapproché.
Sinon, pèle-mêle, pour une approche en douceur, tu pourrais peut-être enchaîner avec "Notre agent à La Havane" (humoristique) et "Un Américain bien tranquille" qui révèlent tous deux la position critique de l'écrivain vis-à-vis de la politique impérialiste américaine. Ou encore avec "Les comédiens" (drame humain ayant pour cadre le Haïti sous la coupe du dictateur François Duvalier et de ses Tontons Macoute), chef d'oeuvre paru en France en 1966.
"Tueur à gages" est un suspense politico-policier (d'avant-guerre) qui relèverait (selon le propre aveu de l'auteur) de la veine alimentaire, de même que "Le ministère de la peur", " Orient-express", "L'agent secret" et "Le troisième homme", destinés à faire bouillir la marmite. Sauf que chez Greene, ces thrillers (courts pour la plupart, sauf "L'agent secret") sont aussi bien écrits que ses oeuvres plus ambitieuses qui sont "Rocher de Brighton", "Le fond du problème", "La puissance et la gloire" ou "Le facteur humain".
Peut-être conviendrait-il de retarder le plus possible la lecture d'un livre comme "La puissance et la gloire" afin de se familiariser avec les différentes facettes de l'écrivain et de savoir ce qui plaît chez lui ? Cela dépend des goûts de chacun.
Greene a commis également quelques recueils de nouvelles très plaisants comme "Pouvez-vous nous prêter votre mari ?" ou encore "La fête s'achève" qui donnent un éventail de ses possibilités et autorisent une approche moins conventionnelle de l'oeuvre.