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Justice League : Crise d'identité (Meltzer Brad - Morales)

Toute la bande dessinée étrangère, et notamment les comics et les mangas

Re: Justice League : Crise d'identité (Meltzer Brad - Morales)

Messagede Ezrea » 19/02/2013 15:58

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Merci ça me rassure.
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Re: Justice League : Crise d'identité (Meltzer Brad - Morales)

Messagede Jimbolaine » 19/01/2014 17:29

Oncle Hermes a écrit:
Nikolavitch a écrit:J'ai détesté.

alors attention, que ce soit clair : graphiquement et narrativement, c'est hyper bien foutu. Le scénariste est un auteur de thrillers et ça se sent, il sait y faire.

Mais ça bouzille un certain nombre de personnages que j'aimais beaucoup et qui ne méritaient certainement pas ça. Des personnages sympas et rigolo (Captain Boomerang, les Dibny) sacrifiés au nom d'un réalisme morbide.

Pour des gens qui connaissent mal les chemins de traverse de l'univers DC, du coup, c'est hautement lisible. mais pour ceux qui avaient adoré Suicide Squad par Ostrander et les JLI et JLE de la bande à Giffen et DeMateis, c'est assez rude. c'est un changement d'époque chez DC.



Entièrement d'accord avec Nikolavitch, la série marque un tournant. C'est d'ailleurs pas étonnant que ce soit sur ces bases que s'appuient d'autres cross-overs comme Infinite Crisis et tous les récits périphériques qui mènent à Final Crisis. Ça marque aussi la montée en puissance d'un Dan Didio, qui est notoirement contre l'idée que les comic books de super-héros puissent faire rire, et qui aime le drame : faut que ça saigne !
Et je suis d'accord avec Nikolavitch sur un autre point : j'ai détesté.


Nikolavitch a écrit:le problème de new 52, c'est que la cible ne sont pas les lecteurs qui ont vu Barbara Gordon surmonter son handicap et, à la force du clic, devenir la cheville ouvrière du Suicide Squad puis de la JLA et de la Bat Family.

La cible ne sont pas non plus les lecteurs qui ont passionnément aimé l'Amanda Waller gueularde, tordue, manipulatrice et obèse qui arrivait à employer des furieux comme Deadshot ou des voleurs de poules comme Boomerang et à en faire quelque chose, et même à se faire respecter d'eux.

Non, la cible, ce sont les nouveaux lecteurs. l'ancien lectorat s'est trop réduit au fil des ans, il devient impératif pour DC d'attirer des lecteurs avec des personnages pas forcément originaux, mais directement compréhensibles. D'où l'incarnation actuelle de la JLA, qui ressemble à un énorme contresens, mais que le lecteur néophyte peut prendre par hasard chez son libraire et lire en passant un bon moment (ce qui est forcément plus dur avec un JLA de Waid ou de Morrison, pourtant largement supérieurs).

c'est là qu'est le souci pour les vieux briscards : hormis des titres comme Batman & Robin de Tomasi ou des choses du genre, nous ne sommes plus la cible prioritaire de ce genre de bouquins.


Parfois, je me dis que la vraie cible des produits DC, c'est les fanboys revanchards qui y ont pris le pouvoir. Les Dan Didio, les Jim Lee… Bref, des gens qui veulent publier les comics qu'ils veulent lire, et non laisser des auteurs s'exprimer, comme c'était le cas en 1986.


Oncle Hermes a écrit:À y bien réfléchir, je crois que l'actuelle Justice League Dark est bien moins glauque que Crise d'identité. :D


C'est évident : Justice League Dark offre de l'aventure et du dépaysement. Bref, fait le boulot de tout bon comic book, de toute bonne bande dessinée de divertissement.

Je crois surtout que l'on mélange un peu tout, et quand je dis "on", je pense aux commentateurs, mais surtout aux éditeurs. On peut faire grave et sérieux et adulte sans être sombre et désespéré. Violent ne veut pas dire mûr. Au contraire, j'ai parfois l'impression de lire des comic books adolescents, à savoir boutonneux et remuants, mais surtout amateurs de sexe et de violence pour la seule satisfaction de provoquer. Ce qui est loin d'un comportement adulte ou mûr.
Et dans cette vaste confusion des mots, on oublie un truc : un comic book, c'est fait pour divertir.


Pour en revenir à Identity Crisis, je me permets de reporter ici des échanges qui m'ont semblé intéressants. Désolé pour la longueur, vous n'êtes pas obligés de tout lire :


Jim Lainé a écrit:Je suis content de voir que cette histoire a donné le goût de DC a de jeunes lecteurs. Même si, pour ma part, je trouve que c'est du pathos facile, de la surenchère choquante pour le principe de choquer, et un sérieux gâchis de plein de personnages et de concepts. C'est en revanche assez bien raconté et ça bénéficie du dessin formidable de Rags Morales, au sommet.

Jim Lainé a écrit:
Blackiruah a écrit:Ajoutons aussi que l’édition est remarquable grâce à la présentation qui permet d’atténuer la complexité du casting mais aussi aux nombreuses notes d’explications des auteurs. Cerise sur le gâteau : la présence de l’arc mascarade (Justice League of America 166 – 168) en fin de volume qui est cité durant « Crise d'identité ». Une très bonne idée qui éclaircit un aspect important de cette crise.


Ah tiens, je ne savais pas, pour le bonus. Ma foi, pourquoi pas…


Blackiruah a écrit:« Crise d'identité » est, à mes yeux, le récit de DC Comics à posséder si on veut découvrir l’univers partagé de la maison d’édition. Il chamboule tous les codes des super héros et permet d’humaniser toutes les icones à travers un récit prenant et des dessins magnifiques. Attention, par contre, cette œuvre n’est pas à mettre dans les mains des plus jeunes vus les sujets abordés.


Sur le côté "prenant" et sur les "dessins magnifiques", je suis d'accord.
Après, sur l'humanisation, je ne suis pas sûr : les personnages sont poussés dans leurs retranchements les plus crapoteux, et soit ce sont des victimes, soit ce sont des revanchards haineux. C'est certes humain, mais ça ne les présente pas sous un jour favorable, aimable, sympathique. Je crois encore et toujours qu'il est possible d'humaniser des super-héros sans passer par une mise en exergue de ce qu'ils ont de pire. Cette sinistrose galopante qui frappe les comic books depuis dix ans et qui semble en plus emporter l'adhésion, ça m'ennuie profondément.
Enfin, le fait que le récit "chamboule tous les codes des super-héros" me semble un peu contradictoire "si on veut découvrir l’univers partagé de la maison d’édition", justement parce que c'est une étape de transformation brutale qui ne rend pas tant que ça compte de ce qu'est l'univers DC dans sa complexité et sa richesse.

Ma foi, cela dit, le récit semble prouver le contraire puisque différents intervenants ont déjà précisé qu'ils sont venus à l'univers DC par cette mini. Il semble donc que j'ai tort. Et si ça ne m'ennuie pas d'avoir tort, ça m'ennuie quand même que ce soit le versant le plus sombre de l'âme des super-héros qui attire le nouveau public.

Jim Lainé a écrit:
Blackiruah a écrit:Personnellement, je fais partie de ceux qui ne faisait pas du DC (hors Batou) et ce qui me repoussait était cette image trop propre des héros DC avec en tête de proue Superslibar qui est trop gentil trop beau bla bla bla... Ca en faisait des poupée Ken pour moi ou des espèces de Dieux où leur morale était infaillible.


C'est quelque chose qui m'échappe toujours, moi.
Je veux dire, si je lis des histoires de super-héros, c'est pour avoir des histoires héroïques. Pas épiques, hein. Héroïques. Des histoires de héros. Pas d'anti-héros. De héros.
Si je lis Wolverine ou Punisher, je m'attends à des barbouzeries, et tant mieux, c'est un peu fait pour ça. Mais si je lis Superman (ou Spider-Man, ou Fantastic Four, ou Flash…), je m'attends à un héros, droit dans ses bottes, qui lutte pour des idéaux et une certaine idée de la droiture, et qui lutte notamment pour conserver ses convictions de ce qu'est le bien.
Ouais, il est grand, il est beau, il est fort, mais je n'ai jamais considéré que ce genre de héros était trop boy-scout. Des héros gentils, des héros souriants, ça me plaît.
J'ai un mal fou à comprendre pourquoi le public voudrait que les héros soient tristes, crispés, revanchards. Je veux dire, être humain, pour moi, ça ne veut pas dire ça. C'est ce glissement de sens qui m'ennuie très profondément.


Blackiruah a écrit:ça m'a plutôt bien accroché : la preuve puisque je suis là.


Mais tant mieux, je m'en réjouis. C'est très bien.

Jim Lainé a écrit:
Vik a écrit:Oui mais non. Spider-Man traduit par "l'Araignée", c'est toujours traduit. Là on a Elongated Man traduit par Extensiman, ce qui nous fait un espèce de patchwork franglais en terme de traduction.


Oui, je comprends mieux ce que tu veux dire…
Récemment, j'ai remis le nez dans les vieilles traductions de la Légion des Super-Héros, et c'est un festival du genre.



Vik a écrit:C'est marrant cette vision des choses. Moi les héros, justement, ce qui les caractérise, c'est la lumière.


Très très belle image, ouais.

Et, pour rester dans la métaphore soleil / nuit, c'est pour cela que j'ai toujours préféré Superman à Batman. Parce qu'il m'a toujours semblé plus difficile de rester fidèle à "la vérité, la justice et l'idéal humain" (pour reprendre la formulation de la VF du premier film de Donner) que de céder à des pulsions de vengeance et de lutte violente contre la criminalité. Il m'a toujours semblé que Superman était un exemple exigeant, alors que Batman était un exemple facile.


Vik a écrit:Et ce sont les valeurs véhiculées. Le courage, la franchise, l'honnêteté, le fait de ne jamais tuer, l'entraide, l'abnégation, le dépassement de soi.


Voilà.
Ce qui ne les empêche pas de tomber, de déraper, de trahir leurs idéaux, mais dans ce cas, ils en souffrent, les conséquences sont terribles. Et ça les fragilise, et du coup on les aime encore plus.
(Mais si tous les X-Men partagent la morale de Wolverine, c'est à la fois inquiétant et enquiquinant.)


Vik a écrit:Ce qui ne m'empêche pas d'aimer les anti-héros justement de par leur contraste, qui les met donc plus en valeur. Un gus comme Wolverine, je l'adorais au début parce qu'il contrastait par rapport aux autres.


Exactement.
C'est en cela que les moments difficiles des années 1980 (Tony Stark alcoolique, Hank Pym qui bat sa femme, Mar-Vell qui meurt d'un cancer, Jean Grey corrompu par le Phénix…) sont intenses, c'est parce qu'ils sont rares.


Vik a écrit:Aujourd'hui, presque tous les super-héros ont des casseroles aux fesses. Du Pr Xavier à Iron Man en passant par Mr Fantastic, on a une série de héros qui ont parfois fait plus de mal que n'importe quel super-vilain pilleur de banques. Et sérieusement, je trouve ça plutôt choquant. Parce que si l'héroïsme n'est plus véhiculé, il reste quoi?


Voilà.
Ils sont tous calqués plus ou moins vaguement sur Ozymandias. C'est une des conséquences (un effet kiss pas cool) du "syndrome Watchmen", à savoir que l'industrie copie sans comprendre ce que Moore avait posé comme un avertissement. Et les Illuminati, c'est ça, une bande d'Ozymandias qui se réunit entre pairs pour discuter des choses à faire pour l'humanité, quitte à risquer des guerres galactiques, tout ça… C'est intéressant dans le sens où tout leur pète au museau, de Hulk aux Skrulls, mais ça entache considérablement leur statut de héros.


Vik a écrit:En parlant d'humanité, j'ai souvenir d'épisodes de Flash, où les Lascars se retrouvent ensemble à un bar et évoquent leurs problèmes personnels. Pas besoin de montrer de grands manipulateurs ou des serial killers, juste des types qui ont franchi la barrière pour des raisons diverses et variées. Ca ne les excuse en rien, mais on les comprend mieux.


C'est intéressant ce que tu dis.
Dans les années 1980, les vilains avaient parfois tendance à la noblesse (grande décennie pour Doctor Doom) voire à la rédemption (Magneto chez les X-Men, Sandman chez les Avengers ou chez Silver Sable…). Leurs motivations étaient creusés, et on avait un mouvement diffus qui déplaçait les vilains vers le côté lumineux de l'échiquier. Et l'humanisation du genre super-héros passait par l'humanisation des super-vilains. D'une certaine manière, transformer Luthor de savant fou en génie de la finance procédait de la même logique, lui donner une vie d'humain normal avec des motivations assez identifiables, pour l'humaniser et ce faisant humaniser Superman.
Les années 2000, c'est tout l'inverse. Les héros sont cyniques, limite corrompus, considèrent que la fin justifie les moyens, et l'existence de groupes réellement violents (Authority, mais aussi les Ultimates, JLElite, X-Force…) justifie le glissement de plus en plus interventionniste des autres. Civil War est intéressant à ce titre, puisque des héros qui ne prennent d'ordinaire pas parti (Reed Richards au premier chef) participent à la "real-politikisation" de l'imaginaire super-héros. Bref, les super-héros deviennent comme nos chefs politiques, des objets de méfiance, et on fait passer cela pour une évolution vers un stade "adulte". Alors qu'en fait, ils deviennent les super-vilains, soit en prenant le pouvoir politique presque de force (Tony Stark) soit en attaquant (Hulk). Les super-vilains sont de plus en plus absents des récits, et quand les héros se reprennent, ce sont les vilains genre Osborn qui les remplacent.
Basculement total en vingt ans.


Vik a écrit:"Le côté obscur, plus facile, plus rapide".


Hahahaha, ouais.
"plus séduisant".


Vik a écrit:Effectivement, quand on voit Superman, on peut voir un côté agaçant du type qui ne fait pas un pet de travers, qui va faire chier un jeune parce qu'il ne traverse pas dans les clous en schématisant.


Ce qui somme toute est assez faux, et correspond surtout à la vision qu'ont de lui ceux qui ne lisent pas ses aventures.


Vik a écrit:Ca n'en fait pas un mec sans humanité.


Voilà.
C'est d'ailleurs un truc que je trouve très maladroit dans la version "New 52". Dans la version post-Crisis, en pendant donc environ vingt-cinq ans, Superman a eu ses parents. Régulièrement, que ce soit pour prendre des vacances, pour dire bonjour ou tout simplement pour se ressourcer, il allait d'un coup de cape à Smallville, pour manger une part de tarte au pommes de Ma Kent et pour s'épancher sur ses soucis. Et ça, pour le coup, ça l'humanisait considérablement. Cet être surpuissant, qui aurait pu prendre le pouvoir sur Terre avant le petit-déjeuner, avait besoin de se retrouver dans la ferme familiale pour reprendre contact avec la vraie vie. Il allait discuter de la vie de tous les jours avec ses vieux amis dans la rue commerçante de Smallville, il allait regarder le coucher de soleil, et c'est là qu'il réfléchissait à ses problèmes, personnels ou autres.
Et pour ma part, l'absence des parents Kent est une grosse maladresse (dictée par quoi, je ne sais pas, le film, peut-être, qu'en sais-je…) qui affaiblit considérablement le caractère touchant du héros. Désormais, on n'a plus qu'un héros surpuissant dont l'alter-ego est un mec en ville, sans attache. Maladroit.


KabFC a écrit:Mouais. Je suis plutôt comme JIM. Pas convaincu, faire de superman (un peu de respect, même si tu n'aimes pas le perso), un lache qui préfère faire la sourde oreille plutôt que d'agir, bof quoi.


D'autant qu'il a largement le pouvoir, mais aussi l'éloquence pour leur fermer le clapet à tous !


KabFC a écrit: Green Arrow est plus réac qu'il ne l'a jamais été,


C'est un des points les plus intéressants (pas les plus chouettes, hein, là, je parle d'un point de vue analytique) dans Identity Crisis : Green Arrow est un gauchiste acharné. Et là, d'un coup, il se retrouve dans la position des défenseurs des procès staliniens, puisqu'il cautionne une réécriture du passé (via les souvenirs). Face à lui, son opposant, c'est Hawkman, qui est un gars aussi à droite que Green Arrow est à gauche, et qui, pourtant, défend l'individu, la vérité, la mémoire et l'histoire. Il y a une renversements des valeurs et des positions qui est intéressant, ici.
Mais il est vrai que Meltzer, pour connaisseur qu'il soit du passé des héros, donne l'impression d'instrumenter ceux-ci pour leur faire dire ce que lui, scénariste, a envie de dire.


KabFC a écrit:et j'imagine le résultat si le traitement à le truelle dont il a bénéficié dernièrement avait été utilisé à la période ou speedy était accro à la drogue. Ce bon vieux Ollie lui aurait coupé le bras et les doigts pour pas qu'il recommence.


HAHAHAHAHAHAHA


KabFC a écrit:Je pense honnêtement qu'avant IC il y a eu biens des comics DC ou les héros était loin d'être lisse, mais c'est juste qu'en France on ne le savait pas


Le grand public, ouais.
Ceci dit, Dark Knight Returns, The Cult, Batman Year One, La Biographie de Lex Luthor, tout cela avait été traduit. Mais d'une part les albums sont peut-être passés en-dessous du radar, et d'autre part l'attention accordée à Batman a fait de lui le personnage le plus en vue. Ce qui peut expliquer, en partie au moins, que tout le monde pense que Batman, c'est "adulte", et que Superman, c'est "niais".


KabFC a écrit:du coup ça préfère venir sur un moment ou les personnages sont trainés dans la boue, par un scénariste jubilant de voir les héros plus bas que terre agir sans la force ni la noblesse qui en font des super-héros.


C'est là que ça me fatigue. Parce qu'on lit les mêmes choses à propos de Civil War : adulte, sérieux, humanisé, tout ça tout ça… C'est un peu des conneries, pour qui connaît le genre depuis plus longtemps. Et cet engouement pour les incarnations les plus sordides des personnages m'attriste, parce que j'ai vraiment l'impression que certaines personnes passent à côté de plein de bonnes choses.


nikohell a écrit:Même remarque que LoB et Jim, dommage d'en venir à lire des héros en étant attiré par leur déchéance plutôt que par l'essence, le sens du merveilleux ...


Voilà, ce "sens du merveilleux" qu'on retrouve si peu souvent, ces derniers temps…


nikohell a écrit:Malgré tout, le récit brosse assez de personnages de l'univers pour dresser un tableau qui permet de démarrer à lire plus de DC et ça c'est tout de même une grande qualité.


C'est certain.
Et c'est bien écrit (plein de ficelles, mais bien manipulées) et superbement dessinée. C'est un beau produit. Je trouve dommage de commencer par ça, c'est tout.


nikohell a écrit: Mais à choisir, j'ai laissé Crise d'Identité pour reprendre Kingdom Come qui reste un récit, touchant, héroique, réfléchi et qui conserve ce sens du merveilleux et cette pépite d'espoir alors que CI ne fait que nous enfoncer dans la noirceur des "héros".


Entièrement d'accord : Kingdom Come se déroule dans la noirceur, mais montre des personnages qui se débattent et la repoussent, au lieu d'y céder.


nikohell a écrit:Si ce sont les X-men de Claremont qui m'ont conduit chez Marvel


Ah ça, les X-Men de Claremont, dans le genre humanisation des super-héros, c'est très fort !!!

Jim Lainé a écrit:
n.nemo a écrit:un petit point en passant.

Si je trouve que le réalisme n'est pas le meilleur de ce que le genre a à offrir, je dirais tout de même que la période actuelle n'est pas la seule à en avoir fait son étendard.

Après tout, le réalisme est à l'origine chronologique du genre, et le héros vindicatif anti-heros en la personne de batman l'un de ses premiers représentants.
Et le renouveau du genre du à marvel s'inscrivait aussi dans ce courant.


Il ne faudrait pas confondre le sense of wonder et l'orientation imaginaire du récit avec la glorification de la morale protestante ou la mise au pinacle de l'idéal familial façon petite maison dans la prairie.



De même qu'il ne faudrait pas confondre "réalisme" et "noirceur". C'est la confusion que font les éditeurs, pas mal de (nouveaux) lecteurs, les critiques, il serait bête de répéter cette confusion ici. C'est évident que le réalisme (presque du naturalisme social, les premières aventures de Superman ayant leur petite fibre zolienne…) est à l'origine du genre et préside à l'explosion de l'univers Marvel en 1961, de même que c'est ce même réalisme qui a nappé les malheurs estudiantins de Peter Parker ou les dérives alcoolisées de Tony Stark. Mais dans tous les cas, justement, on évitait le sordide, le sanglant, le désespéré.
C'est un peu la même différence qu'il y a entre le réalisme des Hommes du Président et la noirceur de Requiem for a Dream (pour prendre deux films extrêmement puissants) : d'un côté une histoire qui donne la gagne (ou la rage), de l'autre un truc qui plombe le moral.

Jim Lainé a écrit:
soyouz a écrit:
Jim Lainé a écrit:
C'est là que ça me fatigue. Parce qu'on lit les mêmes choses à propos de Civil War : adulte, sérieux, humanisé, tout ça tout ça… C'est un peu des conneries, pour qui connaît le genre depuis plus longtemps. Et cet engouement pour les incarnations les plus sordides des personnages m'attriste, parce que j'ai vraiment l'impression que certaines personnes passent à côté de plein de bonnes choses.


Surtout que les éléments qui forment la saga Crise d'identité, ça n'a rien de neuf ! (oui, je me répète !)



Oui, voilà. C'est déjà fait dans Squadron Supreme, qui avait le mérite d'élargir le champ de réflexion à la politique, à l'humanitaire, tout ça… Squadron Supreme, c'est pas génial comme Watchmen, mais ça parle en partie des mêmes choses, et ça s'interroge sur la place du héros dans la société. Et c'est quoi, Squadron Supreme ? 1986 ? 1988 ? Alors ouais, Identity Crisis est nettement mieux dessiné. Mais Squadron Supreme lui met quand même trois longueurs d'avance. Notamment parce que les héros prennent conscience des terrains nauséeux qu'ils sont en train d'arpenter.

Jim Lainé a écrit:
Vik a écrit:L'autre épisode auquel je voulais faire référence se passe pendant une guerre des gangs. Il y a notamment le Hibou mais aussi Dr Octopus. Et là à un moment dans le combat, Spider-Man veut en finir, et il "élague" le Dr Octopus. L'image est pour moi plus choquante, plus impressionnante de la part de Spider-Man qu'un Sentry qui charcle Arès. On ne s'y attend pas quoi. On a donc un Spider-Man qui parfois peut "péter un boulon".



Formidable saga de Bill Mantlo et Al Migrom. J'adore ces épisodes.
Et ouais, voilà, c'est un exemple très intéressant : le vilain a été particulièrement odieux et menaçant, Black Cat est à l'hôpital, et le héros est poussé à bout. Donc le pétage de plomb est bien amené, au fil d'une longue saga.
Mais au-delà même de la manière dont c'est amené, c'est aussi la manière dont c'est contextualisé et dont les conséquences sur le héros sont expliquées qui change toute la donne. Par exemple, Spider-Man est présenté dans cette séquence comme un être puissant et dangereux, et Octopus comme une victime. Cela crée un malaise chez le lecteur, qui voit et sent le héros déraper. Tout le contraire, somme toute, de Sentry face à Arès, où les choses sont mises en valeur d'une manière assez complaisante, et pire, considérées comme normale. La mise en scène ne pose aucun regard moral, aucune condamnation, aucune interrogation même.
La comparaison entre ces deux exemples me semble réellement parlante : d'un côté on a un héros taraudé et hanté par son idéal d'héroïsme, de l'autre on a un héros qui a renoncé à ces idéaux.
C'est très pertinent, comme comparaison.

Jim Lainé a écrit:
n.nemo a écrit:je ne suis pas forcément un très grand fan du courant réaliste. Hormis born again, je ne suis pas sur qu'il ai beaucoup de chef d'oeuvre à mettre à son actif.


L'écriture "réaliste", ou "naturaliste", est souvent assez lourde. Je suis grand admirateur des Green Lantern / Green Arrow de Denny O'Neil et Neal Adams, mais pas pour la qualité textuelle des épisodes : ils sont quand même lourdement démonstratifs.


n.nemo a écrit:Quand je parle de courant réaliste, je le définis comme une tentative d’intégrer le super héros dans un monde de fiction qui copie le notre.


Ce que Denny Colt définissait, à raison je crois, comme les fondations du "grim & gritty" : la volonté de mettre le héros en prise avec les malheurs et les travers de la société (et ça commence par Flash, sous Messner-Loeb, qui parle de pauvreté, d'exclusion, de clochardisation…). Un courant qui émerge dans la seconde moitié des années 1980, et qui plonge ses racines dans les Green Lantern / Green Arrow, dans Squadron Supreme, dans les Daredevil de Miller…
Moi, je suis partisan d'un mélange des genres. On peut tout à fait faire vivre des personnages sensibles et humains même dans des mondes exotiques. On quitte la tendance documentaire pour aller vers de la métaphore, mais on sait la force des métaphores, hein…

Jim Lainé a écrit:
Blackiruah a écrit:Perso le héros tout propre tout beau ne m'intéresse plus. Après 10ans de manga shonen, j'en ai trop bouffé, trop lu, j'ai envie de voir autre chose.


Ah c'est marrant, ça. Et intéressant.
Moi, j'y connais pas grand-chose, en mangas, ma culture se limite grosso modo à Otomo et Toriyama, quoi. J'exagère à peine. Et du coup, j'aurais cru que les héros de shonen, sous leurs allures de bellâtres droit dans leurs bottes, présentaient des failles, justement. Sans doute fais-je un mélange avec le seinen, alors. Ou sans doute suis-je resté sur mes impressions de Dragon Ball, qui partage avec le monde des X-Men une volonté de flouter un peu les limites entre le bien et le mal, et qui propose régulièrement des variations sur le vieux thème du "je tape sur le méchant et je vais gagner".
Donc je m'étais mis en tête que les shonen n'étaient pas aussi manichéens et répétitifs que tu sembles le dire (enfin, si je comprends bien…).


Blackiruah a écrit: Là dans ces histoires, je découvre des héros où la vie n'est pas forcément simple en termes de morale, et du coup ça me passionne d'autant plus car d'une part, ce sont des choses que je découvre et d'une autre l'évolution me parait moins linéaire et donc plus inattendue.


À la relecture de ton message, une chose me frappe, c'est quand tu dis "je découvre". Je crois que c'est ça, en fait. Si j'ai bien compris, tu es encore un "jeune lecteur" en termes de super-héros, et je pense que tu vois des qualités dans des œuvres récentes qui existent déjà depuis longtemps pour des lecteurs de longue date qui ont en tête des exemples qui ont vingt ou trente ans.
Et c'est quelque chose sur quoi j'essaie d'insister à chaque bouquin et à chaque conférence, et que je rétorque à chaque personne qui me dit que "les super-héros deviennent adulte". Non non, les super-héros ont toujours été adultes. Les premières aventures de Superman (les premières pages, même) parlent d'erreur judiciaire, de corruption politique, du lobby des armes, du pouvoir des marchands de canon… Les premiers Fantastic Four ou les premiers Spider-Man parlent du rôle du héros dans la société, source de méfiance, pariah et bouc émissaire. J'en cite une flopée dans Super-Héros, de ces exemples d'humanisation des héros, de cassure du modèle manichéen.
Dans la discussion, on a déjà évoqué des exemples divers, ici et là. Je ne ferais que citer l'exemple de Captain America #272, qui montre le héros tabasser Vermin, puis prendre conscience de ce qu'il est en train de faire (en plus, c'est formidable rendu en termes de langage BD). Mais des exemples comme cela, on en a des milliers. Des héros qui réfléchissent, qui combattent les vilains en discutant, qui se posent des questions sur l'efficacité de leurs actions… Que ce soit Lex Luthor qui va sauver une planète où Superman est impuissant, vers 1963, où Green Arrow qui réfléchit à abandonner son costume pour devenir maire et ainsi avoir un vrai rôle social, vers 1972, on en a plein. Et c'est vu à travers une narration qui donne beaucoup moins d'importance à la violence et à la névrose.


Blackiruah a écrit: Prenons pour exemple Civil War où là on voit des gens qui vont aller jusqu'à faire des choses totalement impensable pour leurs idéaux : c'est quelque chose qui me plait beaucoup (et pour le coup me change aussi).


Je peux le comprendre.
Pour ma part, je vois deux choses dans Civil War qui me semble amoindrir la portée du truc : déjà, ça a été fait mille fois. Kingdom Come, dix ans, traite exactement des mêmes choses, l'inscription, l'emprisonnement, l'endoctrinement, les rapports au pouvoir politique… Qui plus est, des lois sur l'enregistrement des personnages à pouvoirs, dans l'univers Marvel, ça a été traité au moins deux fois, dans Acts of Vengeance et dans plein d'épisodes d'Uncanny X-Men période Claremont. Ça n'a rien de neuf, mais effectivement, Civil War est plus médiatisé que d'autres choses, qui sont en leur temps sortis en kiosque.
D'autre part, Civil War, comme plein d'autres grosses machines récentes, ne fait que déplacer (et épaissir) le supposé manichéisme que l'on reproche souvent, et à tort, au genre super-héros. En lieu et place du super-héros contre le super-vilain, on a désormais le gentil super-héros contre le méchant super-héros (ou le super-héros fourvoyé, si on veut être gentil). Et dans le cas de Civil War, c'est très lourdement amené : les super-héros pro-enregistrement construisent des camps d'entraînement et des prisons, et arrêtent de manière arbitraire les autres. C'est d'une subtilité de bulldozer, quoi. De même, on nous laisse entendre que des super-héros s'exilent au Canada, dans un clin d'œil appuyé aux réseaux souterrains d'esclaves qui quittaient le pays lors de la Sécession, et aux jeunes qui fuyaient la conscription durant la Guerre du Viet-Nam. Là aussi, vachement subtil.
Mais le pire n'est pas là selon moi car, et c'est mon troisième point, tout Civil War passe à côté de son sujet. Son sujet qui est, justement, la majorité silencieuse. Dans Civil War, il y a "civil", il y a l'individu normal, qu'on oublie complètement. La fuite au Canada n'est qu'évoquée, rien n'a été raconté en détail dessus (ou alors je suis passé à côté, mais il me semble en avoir lu pas mal, quand même). Les séries Frontline s'intéressent très vaguement à l'homme de la rue, mais en soi, on loupe complètement l'occasion de parler sérieusement de politique. On fait de la métaphore pour les nuls, en lorgnant du côté de Guantanamo et tout ça. C'est poussif, inélégant, et les meilleurs moments sont en dehors de la série principale (qui n'est au final qu'une succession de bastons tirées par les cheveux, qui opposent des hommes sanguins et colériques qui ne prennent pas le temps de discuter). J'en veux pour simple exemple le premier épisode de Dwayne McDuffie sur Fantastic Four, dessiné par McKone, où Johnny et Reed discutent dans un café. Épisode véritablement formidable qui contient deux moments forts : d'une part Johnny qui pose la question essentielle, dont je n'ai pas souvenir que Millar l'ait formulée aussi bien, à savoir que quand une loi est inique, n'est-on pas obligé de ne pas la respecter (là, retour sur la "désobéissance civique", le tout dans une scène où ils sont assis devant un café, pas en train de se mandaler le museau) ; et d'autre part une discussion avec le Mad Thinker, qui prouve par l'absurde l'inefficacité des actes de Richards et de ses complices. Et là, pour le coup, McDuffie en quelques pages nous livre sans doute le meilleur passage de Civil War.

Mais on pourrait généraliser ces arguments à plein de gros événements. J'ai particulièrement suivi Secret Invasion, dont j'ai bien aimé pas mal de passages, mais là encore, dont j'ai trouvé la mini-série centrale d'une pauvreté affligeante. J'ai bien aimé notamment les épisodes de Hercules qui permettaient de découvrir le panthéon skrull et donc de voir un peu de leur côté à eux, et les épisodes de Black Panther qui laissent entendre que tout l'Empire skrull ne cautionne pas les agissements d'une telle faction (et donc met en avant des dissensions). C'est un peu survolé, on aurait aimé que la série principale s'intéresse à ces "gentils" Skrulls, justement pour casser ce manichéisme décalé sur l'extraterrestre, mais bon…
En revanche, dans l'univers Marvel, on sait qu'il y a une sorte de diaspora skrull sur Terre, plein d'immigrés insérés dans la société et qui essaie d'avoir une vie à eux (la mère de Hulkling, par exemple). Mais alors là, à part quelques courtes bulles autour des Young Avengers, on n'a rien eu sur le sujet. Alors qu'au fond, il est là, le sujet le plus intéressant, la véritable humanisation, dans la description de ces personnes qui pensaient l'Empire et la guerre loin d'eux, et qui sont rattrapés par le conflit. Là, avec de tels personnages, on aurait avoir un véritable dilemme, quelque chose de cornélien, les gens partagés entre leurs racines et leur monde d'accueil, un truc qui est tout le temps d'actualité dans une guerre (des immigrants japonais de la Seconde Guerre mondiale aux Malgré-Nous…). La seule occasion de faire ça, ça a été le héros skrull de The Initiative, qui ne savait plus quel camp choisir. Mais il n'a fait l'objet que d'un épisode ou deux, alors que Secret Invasion aurait été une formidable occasion d'explorer les tensions politiques et stratégiques au sein de l'envahisseur. Mais non, c'est quand même beaucoup plus facile de raconter une histoire avec un ennemi tellement "autre" qu'on ne lui reconnaît pas de statut affectif. Et c'est très dommage, parce qu'au final, ça ne fait que reproduire des schémas caricaturaux.


Blackiruah a écrit:Voir Superslip (j'adore dire ça pour titiller Kab, ça lui apprendra à demander de mettre à jour toutes les séries new 52 xD) toujours mettre des branlées au gars et faire la morale parce qu'il est parfait, ça gave et honnêtement je n'arrive pas à l'imaginer. Mais lui ajouter une dimension moins parfaite, ça me plait, j'accroche plus au concept.


Là encore, je pense que tu as une vision biaisée de Superslip parce que tu n'en as pas lu des masses.
Je me contenterai d'un seul exemple, le Superman #22, de John Byrne, où le héros va sur une Terre parallèle qui a été ravagée par Zod et deux autres Kryptoniens. Il les arrête, il les juge et il les condamne. Et il les tue en les exposant à de la Kryptonite verte. Gros dilemme moral, gros épisode.
Mais en même temps, ça le hante, et dans les épisodes suivants, on sent bien qu'il n'est pas dans son assiette. Il pète même un câble face à Brainiac. Et du coup, il décide de s'exiler (c'est l'arc "Exil") dans l'espace, de peur de mettre en danger les humains.
Toute cette période est très intéressante parce qu'elle pose la question de l'impact, des conséquences des actes, quand tu es un mec suffisamment puissant pour casser des lunes en deux.
Mais bon, pour de l'excellent Superman, qui réfléchit à son statut moral et à son rôle de héros, je me contenterais de te renvoyer vers les deux tomes de Superman : SuperFiction, chez Urban : c'est vraiment un magnifique résumé de ce qu'est Superman, et de son potentiel de narration et de séduction.

Jim Lainé a écrit:
Blackiruah a écrit:Attention j'ai parlé de Shonen, pas de Seinen.


Ma maigre connaissance du sujet m'avait cependant, pour ma part, fait flairer la différence (et de me rendre compte que j'ai lu plus de seinen que de shonen, visiblement…).


Blackiruah a écrit:Tous ces héros ont pour particularité de ne pas avoir réellement de casserole au fesse, certes ils ont vécu des choses tristes (d'ailleurs je viens de remarquer qu'ils ont tous perdu leurs parents...) mais ils n'ont jamais fait de choses insensées. D'où le fait de découvrir de nouvelles choses que m'offre le comics moderne.


Là encore, en te lisant, il me vient une idée, une précision à apporter : par "choses insensées", je crois qu'il faut aussi voir le truc dans le contexte. Par exemple, quand dès Fantastic Four #2 les héros sont considérés comme des menaces (parce que ces enfoirés de Skrulls, oui déjà, usurpent leur identité et commettent de vils larcins, les fourbes), c'était quelque chose d'insensé pour l'époque. Quand Spider-Man ou Green Arrow et Green Lantern ouvrent les yeux sur des problèmes comme la drogue, c'était une chose insensée pour l'époque. Quand Captain America admet que le pacifisme est une voie politique et idéologique comme une autre, c'était insensé. Quand Captain Marvel meurt du cancer, quand Tony Stark devient alcoolique, quand Hank Pym bat sa femme, ce sont encore des choses insensées à l'époque. Quand Daredevil met le canon d'un flingue sur la tempe de Bullseye dans une partie de roulette russe, c'était insensé pour l'époque. Quand Kraven enterre vivant Spider-Man, c'est une chose insensée.
Bref, le genre super-héros est constamment en "test des limites", comme un enfant turbulent en quelque sorte, parce que c'est un genre fondamentalement en prise avec les mentalités de l'époque et avec l'air du temps.
Et cela induit une évolution du genre, qui change et qui explore d'autres territoires. Cela implique aussi que ce qu'il est possible de faire aujourd'hui est fortement redevable de ce qui a été entrepris hier. La lecture des Ultimates de Millar et Hitch est à ce titre éclairante, dans le sens où, pour qui connaît ce qui a été fait chez Marvel dans les trente ans qui ont précédé la série, celle-ci se pose en vaste emprunt de tout ce patrimoine. Pas d'Ultimates de Millar et Hitch sans, entre autres, les Avengers de Shooter et Hall.


Blackiruah a écrit:Ah mais tu as tout à fait raison, je l'ai d'ailleurs toujours dit et je pense que, même après 2-3ans de comics et d'en avoir lu un bon gros paquet, je n'y connais toujours rien. xD


Oh "rien", c'est beaucoup dire.
Disons qu'il te reste à découvrir plein de choses.
Heureux veinard.


Blackiruah a écrit:Intéressant, j'espère qu'Urban nous permettra de découvrir de tels récits qui permettront de mettre les choses au clair pour tout novice tel que moi.


L'imminente Anthologie Superman va te proposer quelques récits pas piqués des hannetons. Certains sont un peu datés, comme "Must there be a Superman?", mais assez essentiels. D'autres sont plus récents et écrits avec une modernité plus évidente. Parmi eux, "What's so funny about Truth, Justice and the American Way?" devrait t'intéresser de près, parce que ça traite précisément de ce dont tu parles, à savoir le rapport à la justice, à la violence, à l'engagement et à l'exemplarité.

Après, il n'est pas inutile de jeter un œil à Knightfall (pour Batman) et à La Mort de Superman (pour qui-tu-sais), parce que ce sont de grandes sagas épiques, mais également parce qu'elles témoignent de leur temps et qu'elles proposent des personnages nouveaux qui sont des échos de leur air du temps, et qui sont mis en comparaison avec les héros classiques. Là aussi, on peut les lire au premier degré comme de grosses aventures (bien foutues, je dirais, et assez passionnantes), mais on peut aussi les lire comme des commentaires du genre, comme un "conflit de génération" entre modèles de héros, et donc comme un discours sur l'évolution des personnages.

Enfin, as-tu jeté un œil aux deux tomes de Superman : Superfiction ?


Blackiruah a écrit:Par contre, pour Marvel, j'ai toujours trouvé les héros plus humain dans le sens du début de la discussion.


Sans doute parce qu'ils ont été créés comme des humains costumés dès l'origine, pas comme des archétypes.
Dans l'Anthologie DC, Yann Graf signalait un truc fort vrai, et assez passionnant : quand Flash (Barry Allen) rencontre Flash (Jay Garrick), c'est avant l'explosion des héros Marvel. Et tout se passe de manière très policée, "bonjour monsieur excusez-moi de vous déranger je suis le Flash de la Terre voisine et je ne voudrais pas m'imposer", tout ça tout ça… Ensuite, quand Green Lantern (Hal Jordan) retrouve Green Lantern (Alan Scott), ils se foutent sur la tronche (pour une raison expliquée par le scénario, pas par plaisir de l'accolade virile qui dégénère…).
Et Yann de remarquer, à mon avis à juste titre, que c'est l'un des premiers signes de l'influence de Marvel : les héros ne sont plus clairement dans le camp des gentils, ils leur arrivent de céder à l'ennemi (hypnose, contrôle mental, manipulation, chantage) ou de se prendre les pieds dans un quiproquo quelconque.
Et cette influence des héros Marvel, elle va se faire sentir partout : un peu plus de soap, des histoires en plusieurs parties, puis des problèmes sociaux.

Mais en France, et là je répète un truc qui me semble essentiel pour bien comprendre la perception que l'on peut avoir de Superman (par exemple), on est encore calé sur la vision de vieux héros, parce que les comics DC ont été traduits dans le désordre au sein de pockets en noir & blanc ou des revues au sommaire changeant, parce qu'ils ont été en partie censurés, parce qu'il n'y avait pas de suivi, et ils n'ont donc jamais bénéficié de l'aura que les héros de Strange pouvaient avoir. De même, DC a cessé d'être publié en masse vers 1986 (arrêt de Sagédition et Arédit / Artima). Et jusqu'en 1998-1999, il n'y a quasiment rien eu, à part quelques albums (beaucoup sur Batman, suite au film de Burton) et de rares tentatives kiosques. C'est à partir de 1999 et surtout 2000 que Semic retente le coup dans des proportions plus vastes (Spécial DC et Batman Hors-Série qui deviennent réguliers, arrivée de Birds of Prey et Superman Hors-Série, puis Batman et Superman, ainsi que des albums en librairie à commencer par Kingdom Come…). Et sans rentrer dans les détails, mais sans caricaturer non plus, on pourrait dire que pendant quinze ans, il y a eu du Marvel, de l'Image, mais pas de DC. Donc les quelques rares lecteurs qui ne sont pas momifiés dans les maisons de retraite sont restés sur l'image d'un Superman propre sur lui et sans vie privée. Image qui persiste, malgré le travail de Semic puis Panini. Ça commence à changer, mais c'est super lent.
Mais ça, c'est une donnée à ne pas perdre de vue.


Blackiruah a écrit:Comme dit précédemment, c'est une vérité vraie comme dirait certains amis africains, mais cette année je vais en bouffer, j'espère que tu as raison !


C'est comme tout, tu vas lire plein de choses, et certaines vont te tomber des mains (ou te sortir par les yeux, voire les deux), et d'autres, tu vas les adorer. Mais je gage que dans la masse, ton avis sur le personnage (et sur les héros et le genre) va se complexifier.


Blackiruah a écrit:PS : Très intéressant ta vision sur CW, même si je reste admiratif envers ce crossover. D'ailleurs, je commence à remarquer que la tendance est (alors je ne sais pas si c'est depuis CW) qu'il n'y ait plus réellement de vilain. Enfin du moins d'énorme super vilain, on dirait que tous les evènements où la tension est au summum reste du héros Vs héros. Ce n'est qu'une vague impression ou on se dirige vers ceci ?


Je crois que tu as raison, et je crois qu'on est en plein dedans.
Et c'est une situation que je déplore vivement (pour dire les choses avec retenue).
Je crois que ça gâche en partie le sel du genre lui-même (qui est quand même de confronter un gentil et un méchant, et de jouer sur les variations du même thème). Mais surtout, je crois que ça gâche la nature même du super-héros, qui est justement de définir et d'incarner le domaine d'application de l'héroïsme, parfois en ratant son coup, comme on l'a dit mille fois par ailleurs.
Je dis souvent en plaisantant que ça fait quelques années que les héros se battent contre les héros, et que c'est en ce moment que les vilains devraient attaquer, ils seraient sûr de gagner. Mais je crois que c'est vrai. J'aime beaucoup World War Hulk, j'aime bien Secret Invasion, je déteste Civil War et Dark Reign, j'ai trouvé enquiquinants Siege et Fear Itself… mais pour l'essentiel, et ce depuis Avengers Disassembled et House of M, j'ai l'impression de lire toujours la même chose : des héros qui se cognent dessus les uns les autres. Et ça m'enquiquine.
D'une part, et très prosaïquement, parce que j'adore les super-vilains, que j'adore les plans ingénieux longuement ourdis dans lesquels tombent les héros (alors que moi, lecteur, j'ai vu venir le truc de loin en faisant de grands signes au héros pour qu'il l'évite). J'adore ça. Mes meilleurs souvenirs de Spider-Man, c'est le Beetle qui essaie de piéger Spidey dans Spectacular, c'est l'attaque d'Octopus dont on a parlé plus haut, c'est Mystério aux alentours d'Amazing #200…
D'autre part, et ce d'une manière plus analytique, et en rapport avec le potentiel du genre, c'est que le super-vilain est un grand réservoir d'histoires et de variations sur le thème. C'est parfois l'occasion d'une alliance avec le héros (ah, Doctor Doom qui s'allie avec Sue Richards contre l'Overmind). C'est parfois aussi l'occasion d'une rédemption (les vilains convertis, nombreux chez les Vengeurs ou les X-Men, c'est toujours bonnard). C'est aussi parfois l'occasion d'une réflexion sur les méthodes du héros, sur le fait que, peut-être, le vilain pourrait avoir raison (et là, c'est tout le sel des X-Men de Claremont et du tandem Xavier / Magneto). Rien de tel qu'un héros qui parle avec son ennemi. Ces moments-là sont rares, mais en général, c'est du nanan. Tom Strong face au Modular Man, c'est extraordinaire. Et la partie d'échec racontée dans un hors-série par Dwayne McDuffie, entre Reed Richards et Victor Von Doom, ça c'est fort, aussi.
Le véritable rapport à l'héroïsme s'établit face au méchant. Comme dit Magneto, "on mesure la valeur d'un homme à celle de ses ennemis". Bah voilà, les héros ont cessé d'être héroïque quand ils ont cessé d'affronter les vilains.
"Et le combat cessa faute de combattants".

Jim Lainé a écrit:
nikohell a écrit:Je suis pas persuadé que ce soit depuis Civil War que les vilains ont disparu du devant de la scène.


Disons que Civil War a marqué officiellement le tournant.


nikohell a écrit:Onslaught montre quelques prémices avec un Xavier perdant le contrôle et pour qui la fin justifie les moyens.


Onslaught (qui a plein de qualités, la première étant que ça a été préparé en amont par une équipe scrupuleuse) rentre dans la catégorie du "héros corrompu" (comme Dark Phoenix, comme Vision contrôlé par Isaac*, comme Dark Sersi…). Donc là, encore, ma foi…
Quand on relit l'événement, d'ailleurs, on voit bien qu'il y a un petit flou dans le récit : au début, c'est Xavier qui tourne mal, et puis, on nous fait comprendre qu'Onslaught est une émanation de Xavier, mais indépendante de lui, histoire de dédouaner le Professeur X mais aussi de créer un véritable adversaire bien net aux héros.


nikohell a écrit:Je repense alors aux justifications a posteriori, impliquant la part d'ombre de Magneto et elles tiennent vachement moins la route après les découvertes de Deadly Genesis. Si Xavier a été capable de mentir à sa nouvelle équipe, d'envoyer à la rencontre de Krakoa deux équipes successives, il n'a guère besoin de l'essence "corrompue" de Magneto pour le faire basculer ... C'est déjà le cas et d'ailleurs rien n'indique que les protocoles Xavier soient récents et aient été établis après l'affrontement Xavier/Magneto sur le satelite M.


Je ne sais plus s'ils sont datés, les Protocoles Xavier, précisément, tiens… De mémoire, Waid précise que ça remonte à très loin, mais j'avoue que je ne sais plus…
Toujours est-il que Xavier comme vieux manipulateur plein de secrets, c'est quand même pas une idée neuve : même avec Roy Thomas, c'était déjà présent…


nikohell a écrit:Un peu plus tard, on a Thor armé du pouvoir divin d'Odin qui se pose en défenseur tyranique de la terre,


Ça rentrait dans une double logique, celle de la prophétie (vision du futur dystopique) et celle de la divinité (les dieux règnent sur le monde). Qui plus est, Thor était confronté à ses doutes et à des vilains, ça n'a pas "dégénéré" en bataille rangée entre héros.


nikohell a écrit:Red Richards prenant le contrôle de la Latverie sous l'apparence de Fatalis.


Remarquons d'une part que l'arc en question s'inscrit dans la lutte contre Doctor Doom, d'une part, et s'intitule "Authoritative Action", ce qui en fait un commentaire évident des grandes tendances du moment, et notamment un commentaire du modèle Authority. C'est à Mark Waid ce qu'Action Comics #775 est à Joe Kelly, d'une certaine manière.


nikohell a écrit:Stark manipulant les uns et les autres pour devenir Ministre dans les prémices de Civil War.


Hum, j'ai pas tellement l'impression qu'il ait "manipulé". De mémoire, son accession à un poste gouvernemental se passe dans sa série à lui, largement avant le reboot de Warren Ellis, et constitue un vivier d'aventures à part. Il me semble d'ailleurs que c'est cette première vague d'épisode qui a amené Marvel à développer l'idée du lobby politique en faveur de la loi pro-enregistrement.


nikohell a écrit:Mais il est vrai que depuis CW, les vilains semblent avoir laissé la place aux héros revisités et corrompus. Et je reste persuadé que cela n'a guère changé. Le dernier event AvX est dans cette droite lignée et bizarrement aucun vilain n'en profite, un oubli majeur du récit car nulle trace des ennemis des mutants hormis Sinistre et aucune action des ennemis des vengeurs qui sont carrément préoccupés.


Entièrement d'accord. Et c'est complètement dommage, parce que ça constituerait un ressort dramatique fort, et une véritable définition de ce qu'est l'héroïsme : les vilains victorieux grâce aux disputes des héros, qui comprendraient alors leurs égarements.
Or, là, on a vraiment l'impression d'une bande de gamins qui se bagarrent à la récré sans que rien ni personne ne vienne sanctionner leur chahut.

Jim

* Tiens, voilà un truc que les jeunes lecteurs pourraient relire, toute la saga de Vision par Roger Stern, avec la réflexion sur l'interventionnisme et la politique…





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