de cicerobuck » 26/05/2019 15:18
Après avoir lu pendant des années que la plupart des premières séries de Warren Ellis pour Avatar (Strange Kiss, Strange Killings, Gravel, etc) étaient des recyclages de son travail avorté sur Hellblazer, je me suis enfin lancé dans cette lecture que j'avais alors dénigré, pour plusieurs raisons :
Déjà, les comics d'Avatar étaient alors bien plus chers que les autres ($3.50, pius $3.99, bien avant Marvel), pour du noir et blanc, par des artistes de seconde division, au mieux (en tout cas perçu comme tel), pour une pagination souvent plus faible. Et puis surtout, Avatar était un éditeur opportuniste, construit sur la shock value de titres porno, semi porno, cheesecake et souvent gore, gratuitement, qui achetait à des auteurs en vogue leurs projets refusés ou plus anecdotiques.
Je n'ai jamais été un "fan" véritable de Warren Ellis mais je suis constamment curieux de sa production, bien que j'en ai évité une partie, surtout chez Marvel. Son run chez Hellblazer, je l'ai assez mal vécu à l'époque, non pas par frustration de son interruption éditoriale - L'histoire "Soot" fut censurée (rangée au placard, mais publiée dans années plus tard dans un numéro spécial) par le responsable éditorial, car elle présentant une tuerie dans une école, alors que le massacre de Colombine venait d'avoir lieu... - mais par le déalage avec le ton habituel de la série : alors qu'on quittait le run de Paul Jenkins, qui faisait la part belle aux mythes et à l'héritage païen de la culture britannique, Ellis proposait un angle assez opportuniste, post X-files ironique, plongé dans une culture conspirationniste. C'était certes relativement efficace, mais sommes toute très caricatural, et le personnage de Constantine n'était qu'un alibi.
L'arrivée d'Ellis fut pourtant un évènement attendu, faisant suite à un run perçu comme austère (un grand malentendu selon moi), un auteur au sommet de sa hype après son boulot sur Stormwatch et sa série Transmetropolitan, irrévérencieux, comme Constantine.
Aussi, vu le décalage entre l'attente et le résultat, je ne fut pas déçu de le voir quitter le titre, apparemment en protestation à la décision éditoriale (il travaillera alors surtout pour Widstorm et Homage, tout en finissant Transmet'). Mais alors que ce run m'était déjà antipathique, pourquoi faire confiance à son recyclage annoncé chez un éditeur largement "inférieur"), sans compter le problème de la qualité de l'artwork et le prix abusé?
Bref plus de 15 ans plus tard, je tombe enfin sur ces titres, dans des bacs de solde, et toujours plus fasciné par Ellis que par son oeuvre, je saute le pas, et voilà donc le résultat.
Voici donc en quoi consiste l'oeuvre :
Strange Kiss #1-3
Stranger Kisses #1-3
Strange Killings #1-3
Strange Killings - The Body Orchad #1-6
Strange Killings - Strong Medecine #1-3
Strange Killings - Necromancer #1-6
Gravel #0-21
46 numéros, donc. Un bon run classique d'Hellblazer tournant utour de 40-45 numéros, on est dans les clous, sans compter les 10 numéros publiés chez Vertigo.
Le point commun entre toutes ces séries, c'est évidement le personnage principal William/Bill Gravel, membre des forces spéciales UK - les SAS chers à Garth Ennis - mais également auto-défini comme "magicien de combat".
Les premiers récits sont vaguement connectés, mais finalement, l'ordre de lecture importe peu, sauf pour (Strange Killings, Body Orchad et Necromancer, préférablement dans cet ordre, avec ce que vous voulez entre, avant ou après) : on ne retrouvera effectivement qu'un seul personnage secondaire mineur, présent ou évoqué dans plusieurs histoires.
Non, ce qui informe les récits, ce sont les concepts horrifiques un peu originaux qui ce succèdent, comme sur le run Hellblazer, son véritables liens.
L'idée fondatrice d'Ellis, c'est que ces évènements fantastiques/horrifiques sont presque banals : on passe de l'un au suivant, sans véritablement remettre en question la réalité du monde. Ça donne quelque chose d'assez original en terme de sensation, mais c'est également frustrant, car, les conséquences apparaissent comme faibles.
Autres points spécifiques : la magie et l'action.
La magie y parait de séries en séries de plus en plus présente, et pratique, avec quelques concepts à la Stormwatch, comme cet univers parallèle magique, qu'est le Body Orchad, où seuls certains adepte d'une certaine magie peuvent pénétrer, et qui fonctionne comme cache/nurserie d'arme, de passage spatio-temporelle, et un peu comme dans les série jap à la X-or, comme zone de combat alternative.
Le combat est donc la finalité majeure de cette magie, ce qui explique le décalage avec Hellblazer dans lequel Ellis se trouvait : Constantine n'est pas un guerrier, bien au contraire, il cherche même toujours à éviter la confrontation. Gravel est une sorte de mélange de JCVD et de Terminator, avec la répartie de Constantine et des pouvoir magiques dignes de techniques de combat.
En soit, pourquoi pas, mais on peut se demander si Ellis ne s'est tout simplement pas trouver un peu hors sujet sur le titre Vertigo, tant son intention est ici claire. Alors bien entendu, entre l'intention originelle et son reboot, les préoccupations ont pu changer, mais le début de la série régulière Gravel me fait douter de cette explication un peu simpliste.
Alors que Gravel en mode ongoing semblait constituer une énième et cynique opportunité pour Avatar de capitaliser sur le nom d'Ellis (Avatar s'est fait une spéciaité d'acheter de vieux scripts, mais de les faire adapter par ses scénaristes/artistes maison) - puisque le dessinateur original de la série en est devenu le co-auteur/script - il n'en est pourtant rien : Gravel - pour ce que j'en ai pour l'instant lu, #0-7 - c'est vraiment du Hellblazer, un peu comme Carey en écrira plus tard, avec un réel soucis de créer un univers magique, avec des factions, des philosophies, des animosités et amitiés, plus ou moins tenaces, comme si Ellis avait enfin compris ce qui fait la richesse du titre Vertigo.
Ces huit premiers numéros présentent certes pas mal de combat, mais il y a enfin de la continuité, et ces combats de magiciens permettent à Ellis de proposer de vraies idées, plutôt qu'une succession de scènes d'action, gores. De plus, les nouveaux dessinateurs - Caceres, et surtout Oscar Jimenez, très au dessus des standards habituels d'Avatar - élèvent largement la qualité globale de l'entreprise, et si le retour de Mike Wolfer (le dessinateur et co-script depuis les débuts) pour la suite du titre me fait un peu peur, je dois bien avouer que je me suis fait à son trait, et que si ses expressions faciales sont assez pénibles, c'est loin d'être le tâcheron que je pensais auparavant.
Bref, tout ça pour dire qu si vous êtes vraiment fan d'Hellblazer, ne serait-ce que pour les début de l'ongoing Gravel, ces lectures proposent un bon complément au titre Vertigo, un paradigme différent mais complémentaire, qui fini par trouver sa maturité tardivement, mais le voyage n'était pas désagréable, malgré un peu de frustration eu égard à la tendance d'Ellis à conclure ses récits très abruptement.
Toth, Tezuka, Trondheim, les trois T de cicerama