Oncle Hermes a écrit:Jimbolaine a écrit:Une chose me frappe en vous lisant, je note que personne n'évoque le travail de Sorrentino, pourtant réellement impressionnant en termes de langage BD.
J'avoue que j'ai trouvé l'esthétique de la chose.... intéressante, mais j'ai pas été plus admiratif que ça. Mais si tu as des passages précis à pointer pour nous ouvrir les yeux, je suis preneur.
Oh oui, avec plaisir.
Dans le #17, j'ai été impressionné et séduit par les petites cases en blanc ou en bichromie, les premières mettant en valeur la préparation de l'assaillant. Il utilise également des petites cases dans les grandes cases, afin de mettre en valeur des détails de l'action ou de l'image. Et les cases en bichromie (sans doute pour montrer la construction du personnage, du moins c'est comme cela que je l'interprète) sont du plus bel effet, je trouve.
Dans le #18, ces cases en bichromie, il les utilise pour les
flash-back. Et j'aime bien aussi ses cases incrustées pour la description des diverses flèches.
Dans le #19, la planche de la chute utilise avec habileté la verticalité, selon moi. Et la planche "rouge" est magnifique.
Dans le #20, le compte à rebours est bien rendu graphiquement, et y a une nouvelle planche "rouge" en écho à la précédente, composée en symétrie.
Dans le #21, la scène de l'hallucination, avec les deux plans inversés l'un par rapport à l'autre, c'est une idée formidable, et c'est absolument pas confus. C'est limpide, tout en jouant sur la perturbation des lignes de lecture. Là, quand j'ai lu ça pour la première fois, je suis resté sur les fesses.
Dans le #22, il ouvre l'épisode sur une multiplication des petites cases pour montrer le temps qui se déroule et la simultanéité des actions, mais c'est aussi pour annoncer, par contraste, l'émergence du motif du rond et de la spirale, qui apparaît en page 7, et qui a son importance. Et la manière de rendre l'effet des pouvoirs du Count Vertigo est formidable : ses cases incrustées dans des cases plus grandes prennent la tangente, se désolidarisent de la planche, glissent sur le côté, effritent l'image. L'effet est saisissant.
Dans le #23, outre des variations sur les petites cases incrustées, il a une séquence de
flash-back traitée en parchemin, c'est très chouette. Que des ombres chinoises, et tout est identifié.
Le #23.1, consacré au Count Vertigo, est plus sobre, mais y a des effets de matière et une mise en scène de la spirale vertigineuse qui sont vraiment bien.
Le #24 pousse un peu plus loin la matérialisation du vertige en développant le motif de la spirale. Il y a aussi une utilisation des petites cases pour concrétiser la vision de Richard Dragon, accompagnée de belles astuces de lettrage (bon, là, c'est pas Sorrentino le responsable, mais c'est top quand même).
Le #25, épisode
flash-back, est plus sobre, mais l'utilisation des onomatopées est très forte.
Le #26 contient une mise en scène de l'entraînement d'Oliver sur son île, résumée à une cible, et c'est super bien vu, très bien monté dans la composition d'une double page.
Le #27 contient des onomatopées épatantes et une double page de volée de flèches assez dingue…
Son système est bien installé, jouant sur des variations entre les incrustations de petites cases, les bichromies. Mais c'est vraiment fort. Et au final, ça donne une approche très impressionniste, chaque séquence bénéficiant d'astuces visuelles qui renforcent l'atmosphère. Ce n'est pas un traitement réaliste, ça joue sur des tas d'effets artificiels au service de l'impression, de l'ambiance, mais c'est rudement efficace. Et ça utilise vraiment les possibilités BD. L'expression du pouvoir du Count Vertigo, par exemple, tire parti du format.
Après, sachant que Jeff Lemire est également dessinateur, je me demande dans quelle mesure ces idées viennent de Sorrentino, de Lemire ou des deux ensemble. Mais c'est épatant, quand même, de voir des auteurs qui ne se contentent pas d'aligner les cases.
Jim