Je viens de lire votre annonce de cette expo: ne pouvant me rendre à Lyon, une itinérance est-elle prévue en région parisienne par exemple (ou d'autres régions)?
Comme vous le dites, c'est à travers les publications Lug et Arédit/Artima que j'ai découvert, comme toute une génération, l'univers des super-héros américains, mois après mois. Un univers à la fois abordable pour un adolescent de 12-13 ans et qui contrastait avec la BD d'humour dite franco-belge (Astérix, Achille Talon, Gaston Lagaffe étaient mes lectures préférées). Les auteurs adultes comme Moebius, Druillet, Bilal, ne m'étaient pas accessibles, je ne les connaissais pas. Donc cette BD jeunesse, vendue en kiosque (il n'y avait pas de librairie à Garges-lès-Gonesse dans les années 80 - il n'y en a d'ailleurs toujours pas!) et assez abordable financièrement a permis de toucher un large public parce qu'elle proposait une alternative à l'univers BD franco-belge.
La lettre que vous joignez en bonus me semble écrite par un spécialiste, capable de comparer la publication originale avec l'adaptation. Chose que j'étais bien incapable de faire. C'est à travers le courrier des lecteurs que j'ai compris qu'on pouvait acheter les Comics US dans des librairies spécialisées (toutes sises à Paris, mais Paris, c'était le bout du monde pour moi en 1982 ou 1983!) et certaines lettres appelaient ouvertement les lecteurs à acheter les comics US et à se passer de l'édition Lug: de véritables appels à la sédition que la rédaction se donnait la peine de publier.
Evidemment, je n'imaginais pas les difficultés administratives que vous évoquez - quel euphémisme pour des convocations en commissariat, vous venez de me l'apprendre
romuald.boissard a écrit: Claude Vistel a été plusieurs fois convoquée au commissariat car la Police contestait la nature "pour enfant" de ces albums malgré la censure.
- quand même, quelle passion devait animer ces éditeurs!
Merci à eux!
Car quels personnages, quels auteurs: la saga
X-Men par Chris Claremont et le run de Frank Miller sur
Daredevil ont été les plus marquants pour moi. Gil Kane, Gene Colan restent des références pour moi. Jack Kirby, c'est bien plus tard que j'ai compris son importance et son génie. Mais déjà, ses collages en pleine page dans les albums des Quatre fantastique, c'était une porte ouverte sur l'imaginaire.
Quelles histoires! Sur un fond de fantasy comme disent les anglo-saxons, les personnages ont une vraisemblance, car les auteurs se penchent sur les états d'âme du héros. C'est bien la spécificité des héros Marvel, grâce au génie de Stan Lee, d'avoir mis en scène cette humanité des super-héros (qui se perd d'ailleurs, avec l'abandon des double identités, qui permettaient de relier le super-héros aux pouvoirs avec le monde normal, et qui représentait aussi un ressort dramatique, une vulnérabilité du super-héros contre laquelle ses pouvoirs ne pouvaient rien). Une sensibilité aux sujets sociaux aussi (on est loin de la caricature de cet univers de super-héros tel que pouvait le percevoir la commission Jeunesse ou un fonctionnaire de police) - quelques exemples parmi les plus connus: la mort de Gwen Stacy, girlfriend de Peter Parker/Spider-Man; l'alcoolisme du milliardaire Tony Stark, qui ne peut plus assumer son rôle d'Iron Man; la déconfiture de Matt Murdock/Daredevil à l'instigation du chef de la pègre Kingpin/Caïd.
Ce sont ces histoires qui ont accompagné mon passage dans le monde adulte - y compris la représentation de la violence ou de scènes sexy (cibles privilégiées de la fameuse Commission) - ah la Veuve noire! - qui m'ont permis de m'interroger sur le monde comme il va, comme on dit.
C'est effectivement plusieurs années après cette initiation, courant '90, en ayant entre les mains les comics US de
Daredevil par Miller que je me suis rendu compte des censures opérées, très régulièrement, pour tout acte de violence, sur les épisodes parus dans
Strange. Et après on dira que ce sont les Américains les puritains...!
En parlant de censure...
romuald.boissard a écrit:Puisque l'on parle de Conan, voici quelques exemples flagrants.
D'un autre côté, ça donnait du travail à des dessinateurs/retoucheurs...
Au fait, connait-on ces personnes? S'agit-il de Mitton, Tota et autres pour qui cela représentait un travail alimentaire? Ou d'autres plus obscurs? Connait-on leurs méthodes de travail?
A-t-on évalué le coût qu'un tel travail de retouche et de remontage pouvait représenter pour l'éditeur?
Effectivement, comme l'a fait remarquer un intervenant, ces retouches sous la pression de la censure sont une trahison du travail d'artiste. En termes légaux d'ailleurs, j'imagine que Lug avait obtenu l'autorisation de Marvel pour ces retouches, ou bien Marvel s'en fichait comme de l'an 40?
J'espère que votre expo pourra voyager à travers la France: le musée parisien des arts ludiques par exemple? La visite guidée de samedi en compagnie des auteurs "maison", Tota et Mitton, j'aurais bien voulu y être.
Rien que les mots "Lug" et "Arédit/Artima", c'est, comme l'a dit un intervenant pour les couvertures peintes de Frisano, une madeleine proustienne.
Ne pas oublier les éditions Campus à Bayonne qui publiait la BD US (mais aussi argentine) de fantasy, SF et fantastique dans leurs trois revues
Fantastic,
Ere Comprimée et
Thriller. Ainsi que l'
Echo des Savannes Spécial USA (mais c'est une autre histoire).
Un grand merci pour votre passage. Je n'ai pas eu le temps de voir les doc en bonus, mais cela semble très intéressant.
Cordialement,
Olivier