Si même Jacque Attali s'y met.
http://www.attali.com/coronavirus-2/manger-cest-parler/Une plus grande incohérence encore touche les restaurants : Comment expliquer qu’on ne les autorise pas à ouvrir quand il est autorisé de manger à sa place dans un train ? Comment admettre qu’on ne les autorise pas à recevoir leurs clients au moins sur les trottoirs ou sur leurs terrasses, avec tous les chauffages d’appoint nécessaires (dont l’impact sur le réchauffement climatique est certain mais dérisoire) ? On y imposerait, à table, une distance égale à celle exigée dans les bureaux, et le port du masque y serait obligatoire en dehors des moments où on mange ; et en cuisine, on appliquerait les mêmes règles sanitaires que celles que doivent pratiquer aujourd’hui les cantines, et les restaurants proposant la vente à emporter. Avec un peu de pratique, tout cela devrait pouvoir fonctionner.
Il est sans doute trop tard pour revenir là-dessus, en tout cas pour le moment. Mais si, malheureusement, cette pandémie devait durer, ou revenir, ou s’installer, il est plus que temps de mettre à l’étude de telles mesures, au moins pour la période printanière et estivale.
Même si les pouvoirs sont tous, en fait, ravis d’une telle situation :
Car les restaurants ne sont pas uniquement un lieu de consommation alimentaire. Ils sont, avec le repas familial, les lieux principaux de la conversation, et de la transmission. Or, les pouvoirs, dans toutes les sociétés, n’aiment pas que les gens bavardent en mangeant : ils y échangent des informations ; ils y discutent de sujets politiques ; ils y organisent des coalitions ; tout cela hors du contrôle du pouvoir, qui ne sait rien de ce qui s’y dit ; très dangereux pour lui. De plus, le repas pris en commun prend du temps ; du temps sur le travail, du temps sur la consommation d’autre chose que de la nourriture ; le repas est donc un ennemi de l’économie ; le repas est anticapitaliste. Il est même devenu, à cause de cela, un moment bref et solitaire, de consommation de produits industriels, un ennemi de l’homme : on ne répètera jamais assez que l’alimentation tue beaucoup plus que la pire des pandémies. Les pouvoirs n’aiment pas non plus la transmission des savoirs d’une génération à l’autre ; ils préfèrent les transmettre eux-mêmes. Et en particulier, ils n’aiment pas la transmission des recettes familiales, uniques, endémiques.