"Battle Royale", au départ un livre.
Film d´anticipation.
Dans un Japon alternatif du futur, la jeunesse déçue et brimée par le gouvernement et la société gérontocratique se rebelle, a travers des mouvements populaires et des revoltes de type Mai 1968. Face à ces soulèvement et ce ras-le-bol de la jeunesse, les anciens pensent regler la crise en optant pour un système qui n´est ni plus ni moins que de l´epuration (ici non ethnique mais generationnelle). Ramenant les jeunes aux premices de l´humanité, j´ai nommé la survie, livrés à eux-même dans une sorte de camp de concentration sur île, on y envoie des classes tirées au sort pour y voir les élèves s´affronter jusqu´a la mort, faisant du dernier debout une sorte de hero, considéré comme acceptable dans la société, dépucelé sociable en quelque sorte.
Problème, les jeunes envoyés ne sont pas forcément les agents des révoltes populaires, mais immédiatement classés comme tels de par leurs âge (majorité fixée par la loi BR) et montrés du doigt de par leurs passions (jouer le rock ouvertement par exemple...).
On extremise la société, on veut conditionner cette jeunesse supposée rebelle sortie de l´oeuf, utopie eugéniste.
Ce film est en écho avec d´autres films d´anticipation, tels que "Equilibrium" qui nous montre des citoyens dénués de sentiments pour un semblant de paix et de bien communautaire. On pense aussi à "Brazil", critique d´une société de papelard où tout se veut d´être maitrisé et où le battement d´aile d´une mouche effondre l´administration de cartes.
Une fois sur l´île, face à une loi martiale imperturbable et totalement déconcertés les élèves se voient ramener aux sources de la vie: survivre. Réduit à "l´homme est un loup pour l´homme" certain s´accomodent bien vite de se débarrasser des autres, certain n´acceptent pas et se suicident, d´autres se groupent puis se divisent et enfin d´autres restent soudés jusqu´à la fin.
Poussant dans la vision extreme, les protagonistes sont donc caricaturaux et représentent tout le panel possible des personnalités que l´on peut croiser dans la société japonaise.
Ramené à la primitivité, les sentiments sont eux aussi exprimé à leur summum et les personnalités éclatent.
Paranoïa, jalousie, repli sur soi, perversité, violence, insensibilité, naïveté...ces sentiments largement visibles dans la vie de ces gens censés représenter la jeunesse d´époque ressortent donc à l´extrème dans ce macabre et sanglant jeu de chasse à l´homme. Chacun vit au maximum ce qu´il a toujours été, même si il se le cachait au fond de lui, personne n´y échappe.
A côté de ça, un prof. Brimé par sa classe, sans réelle autorité le voilà parachuté dans un rôle de plein pouvoir, en dictateur. Forcément il se venge, lui aussi sortant sa rancoeur accumulée au fil du temps, lui aussi pouvant exprimer ce qu´il a toujours vécu et gardé pour lui quand il était impuissant. Totalement subjectif il ne vivra que pour voir sa chouchou gagnée, celle qui jamais ne l´ignora ni le blessa, il voudra sa victoire jusqu´à sa mort, pour lui c´est elle qui mérite le plus la société de triés sur le volet, cette enfant innocente, qu´il aurait aimé avoir de telles relations avec sa fille...
Le carnage commence, on en est réduit à du Darwinisme le plus primaire (reprenez moi si je me trompe) "les gros poissons mangent les petits". Les plus forts mentalement comme physiquement mêne le jeu: il faut voir comment Kazuo muni d´un evantail en papier pour seule arme se defait de ses agresseurs lourdement armés, on remarque alors que la distribution des armes importe peu quand on est naturellement déja une force de la nature.
Alors quel est le message de ce film?
Je dirai qu´il y en a plusieurs à mon goût:
1/ C´est d´abord une vision péjorative de l´avenir, pas si inconcevable que ça mais alarmante sur différents points, d´ailleurs pas mal d´arguments qui mênent à la loi BR sont assez "rétro": le rock, les revoltes populaires sans parler de ces erzatz de camps qui nous rappelent une triste période de notre histoire.
2/ C´est aussi une caricature de notre jeunesse (japonaise en tout cas), mais n´est-elle pas justement la vision que les instigateurs de la loi BR ont? Bref la loi BR correspond à une réalité ou forge-t-on la réalité pour qu´elle y colle?
3/ La primitivité, ramené a rien que ferions nous, l´importance du dialogue et de ce que nous gardons pour nous etc...cela me rappelle le débat sur l´impact des médias sur la personnalité, le média est UN des starter mais le problème de fond est bien la personne au départ, même sans Battle Royale ces gens là n´auraient-ils pas terminé pareillement? L´idée de volontariat de la part d´un Kazuo n´est-elle pas effrayante?
4/ Le conflit générationnel, un problème qui avait, qui a et qui encore va exister. Mais ici encore poussé à l´extrème. A contre pied je me rappelle d´une nouvelle de Bernard Werber qui mettait en scène des camps pour vieux supposés inactifs et donc inutiles à la société, ce qui est bien hypocritement dit dans nos sociétés contemporaines...
Bref "Battle Royale" est un film d´anticipation, et comme tout film du genre il porte des messages plus ou moins imagés mais comme souvent les traits et le fond est défiguré pour créer de grands contrastes, ici par la violence et les caricatures permanentes le long du film.
Je termine par le manga qui justement renforce la chose, puisque ses dessins sont eux aussi caricaturaux à l´extrème, et la forme sert parfaitement le fond sur ce coup là. (loin d´un Ring adapté en manga qui perd toute son ambiance de par un dessin à la Tezuka
)