Bon alors... défense et illustration....
J'ai découvert les festivals il y a une dizaine d'années. J'en fait des "gros" - ce sera mon 4e Angoulême cette semaine, et j'ai fait une fois Quai des Bulle à St Malo -, des "moyens", des petits - sans parler des rencontres en librairies.
Par certains aspects, chacun est différent des autres. Un "même" festival peut d'ailleurs se transformer d'une année sur l'autre, selon l'organisation, le "plateau" d'auteurs, tes propres attentes. La dernière fois que je suis allé à Angoulême, il y a trois ans, les expositions ne m'intéressaient pas, j'ai donc passé les quatre jours exclusivement à courir les rencontres avec les auteurs, et j'en suis revenu avec 25 dédicaces (et non j'ai pas fait plusieurs queues à la fois, juré). Cette année, il n'y a pas tant d'auteurs que ça qui m'intéressent a priori, j'ai un budget très limité, je ne passe que trois des quatre jours sur place, et il y a au moins trois expositions (Kirby, Watterson, Taniguchi) ainsi que plusieurs conférences et débats qui me font envie. L'expérience sera forcément différente.
Ensuite, oui, dans tous les cas, faire la queue pour la dédicace est effectivement une constante. Une dédicace dessinée, ça se mérite un peu (ou beaucoup, selon les cas*).
* Faut tout de même savoir ce qu'on veut et ce qu'on est prêt à faire pour ça aussi. Quand je fais ma "liste" des auteurs qui m'intéressent sur un festival, il y a souvent ceux que j'appelle "les inapprochables". Ceux-là, même si ça peut être des auteurs que j'adorerais rencontrer et dont j'adorerais avoir un dessin perso... je sais qu'il faudrait des heures d'attente dans des conditions infernales... j'essaye même pas. Le "record" des 25 dédicaces, ça tient beaucoup à ce que j'ai découvert pas mal d'auteurs pas forcément connus et n'attirant pas les foules, plutôt que de passer une après-midi à faire le pied de grue pour une superstar. (Note qu'un "inapprochable" dans un grand raout comme Angoulême peut devenir approchable dans d'autres circonstances.) Ensuite, la queue elle-même, ça peut devenir une expérience sympa aussi si tu échanges avec les autres personnes autour de toi. Mais pour moi qui serait incapable de dessiner correctement pour sauver ma vie, voir le dessin naître devant mes yeux sous les crayons de gens aussi doués, c'est
toujours une super expérience, un peu magique.
L'aspect "rencontre" avec l'auteur, ça compte aussi beaucoup - mais ça, ça varie énormément, en fonction de la personnalité, de l'affluence, du moment, de si t'as des trucs intéressants à échanger avec lui ou elle (et c'est pas toujours le cas...) autre que la question bateau qu'on lui a déjà posé vingt fois ce jour-là.
Par exemple, Trondheim, tu y vas pour la virtuosité pure du mec qui te dessine un truc chiadé en trente secondes, mais tu sais que c'est pas la peine d'essayer de taper la discute. Lepage, en revanche, à chaque rencontre j'ai eu droit non seulement à de très beaux dessins mais à des discussions très intéressantes et chaleureuses. Boulet, c'est toujours fun, en plus il est de tradition d'aller le voir avec un thème de dédicace original, un petit challenge à lui poser.
Et parfois t'as des super trucs qui se passent sur le plan humain.
Pour la sortie du T.21 de
Valérian et Laureline qui achevait la série, Christin et Mézières avaient décidé de ne passer que dans des librairies BD car "ce sont elles qui soutiennent les auteurs toute l'année". Pendant une bonne partie de l'après-midi, chacun s'avançait à tour de rôle pour avoir son dessin, mais la discussion était collégiale et une fois la jolie dédicace obtenue, nous avons été plusieurs à retourner nous tenir dans un coin de la salle et à continuer à échanger avec eux.
Au festival de Roquebrune (un petit village près de Cannes, le festival hélas n'existe plus depuis), j'ai le souvenir de Walthéry priant ceux qui attendaient (dont moi) de lui accorder un break... puis se faire happer par le petit orchestre qui animait sur la place, sortir son harmonica et entamer un bœuf de cinq minutes avec eux.
À Solliès (près de Toulon) il y a quelques années, les organisateurs ont forcé Man Arenas à s'arrêter, en fin de journée, alors qu'on était encore deux personnes à attendre, car tous les auteurs devaient assister à une remise de prix. Du coup, il nous a invité à l'accompagner, en attendant de pouvoir nous faire la dédicace à une table de bar après la cérémonie. On a passé une bonne heure / heure et demi à discuter, son parcours, ses influences, ce qu'il cherchait à faire, mais aussi ce qu'on faisait nous, on a raconté nos vies...
Pour mon avant-dernier passage en date à Angoulême, j'étais chroniqueur sur le site et j'avais demandé à interviewer le Québecois Jimmy Beaulieu. Je l'ai revu dans plusieurs autres festivals depuis, il se souvenait de moi et m'a dit que c'était son interview préférée (peut-être tout simplement parce que n'étant pas du métier, j'ai "bêtement" vraiment retranscrit tout ce qu'il a dit au lieu de synthétiser à grands traits). Du coup, quand on se croise, on se donne des nouvelles. Ce serait abusif de dire que c'est comme retrouver un ami, mais c'est sympa.
Je ne dis pas que c'est *toujours* comme ça bien sûr, mais ce sont des expériences que l'on ne risque pas de vivre si on n'y va pas.
Un bon festival pour moi, dans l'idéal, c'est un bon équilibre entre la possibilité d'approcher des auteurs que j'admire et celle d'en découvrir d'autres à côté desquels je serais passé sans cette occasion ; des moments de rencontre sympa, des jolis dessins à ramener en souvenir ; si possible une ou plusieurs expo(s) intéressante(s) à côté... et si en plus ça peut être le moment de retrouver des copains (comme c'est le cas à Angoulême
), c'est jackpot !