Ezrea a écrit:Pour en revenir à All-star moi j'ai trouvé que Morrison revenait sur le Superman des années 50 où les auteurs lui faisaient des histoires tout aussi farfelu pour attirer le lecteur, d'ailleurs le look des personnages est sensiblement entre classique et moderne, c'est ambivalent. Sinon j'ai une réticence provenant de Quitely qui a un coup de crayon propre à lui même qui ne me fait pas envie.
C'est très précisément ça : Morrison reprend les éléments les plus folkloriques de la période Weisinger, tous les trucs un peu ridicules qu'on a tous croisés un jour en lisant les titres chez Sagédition (enfin, je dis "tous", mais je me rends compte en parcourant vos réactions que plein d'entre vous n'avaient pas lu de Superman avant cet album). Mais il les modernise, en leur donnant une grande charge émotionnelle (la "maladie" de Superman, le décès de Pa Kent…), et en les couplant à des idées SF qu'il avait déjà exploitées ailleurs (le Sun-Eater, par exemple, qu'on voit dans DC One Million, il me semble).
Sa version de Lex Luthor, par exemple, est résolument moderne.
Quant à la narration de Quitely, en grandes cases sans trait de mouvement, elle est tout bonnement impressionnante. Par exemple, il y a une case de décollage de Superman, qui est uniquement rendu par le mouvement des cheveux de Lois, debout à côté. C'est super fort.
Cela étant dit, et même si je conseillerais cette bande à un néophyte, je me rends compte qu'une partie du sel de cette série repose sur la connaissance que l'on a de l'univers de Superman. Par exemple, si on ne sait pas qui est Doomsday, et si l'on ne sait pas que la série consacrée à Jimmy Olsen se caractérisait par les multiples métamorphoses monstrueuses du héros, on risque de passer un peu à côté du sujet lors de l'épisode qui lui est consacré. L'héritage kryptonien, le rapport à l'avenir, tout ce qui concerne Bizarro, les bras-de-fer avec Samson et Hercule, tout cela renvoie à un patrimoine bien identifier, mais si on ne le connaît pas, est-ce qu'on savoure comme il faut ? Morrison s'en sort très bien dans la modernisation, mais bon…
De là, la comparaison avec La Mort de Superman, faite un petit peu plus haut, n'est pas inepte. Ce sont deux produits différents (l'un, épique et dans la continuité, l'autre, plus contemplatif et synthétique et hors continuité). Mais si l'on prend les deux ouvrages dans la perspective de faire découvrir Superman à des gens qui ne connaissent pas, La Mort de Superman présente aussi ses avantages : c'est une seule aventure, qui joue la carte du "dernier baroud d'honneur" au format épique, et qui amène ses propres éléments au mythe (Supergirl, Superboy, Steel, l'Eradicator, le Cyborg…). Un lecteur néophyte peut commencer en se disant "bon, on est à Metropolis, on est attaqué, et Superman nous défend", et il verra les éléments complémentaires se greffer au personnage central. Alors que, dans All Star Superman, ces éléments périphériques, c'est mieux si on en a connaissance au préalable.
Néanmoins, il y a peu de récits de Superman qui arrive à cette évocation poétique, à cette délicatesse dans le rendu des sentiments. Contemplatif est un adjectif qui revient souvent, mais c'est ce que je ressens quand je relis le bouquin. Il y a une force évocatrice incroyable, une touche de merveilleux et de rêve.
Jim