D'accord avec Toine pour Jeux pour mourir.
tzynn a écrit:Et les bouquins illustrés pour les romans de Céline aussi alors?

Il n'a illustré que les romans tout public de Céline, qu'on trouve en librairie, en Folio, qu'on étudiait au lycée ou à l'université.
Le Voyage avait, à sa sortie, été encensé par le Parti communiste ce qui avait valu à Céline d'être invité par les dirigeants de l'URSS. Mais Céline ira et paiera de sa poche, selon ses dires.
Mort à crédit est une chronique des petites gens dans certains quartiers populaires de Paris d'avant la Grande guerre. Et
Casse-pipe, bof, pas grand chose à dire. Description de la vie militaire avec son lot d'absurdités.
Tardi n'a pas fait n'importe quoi en fonçant tête baissée.

Il n'a pas relancé Céline. Dont Gallimard n'a jamais cessé de publier les œuvres sauf les pamphlets abjects et dont les gens du spectacle ne cessent de faire des lectures ou des adaptations théâtrales.
S'agissant de
Jeux pour mourir, c'est à la base un bon roman (primé dans l'immédiat après-guerre). C'est une bonne BD car Tardi a bien campé les décors et su restituer une singulière atmosphère. C'est seulement après-coup que Tardi a découvert le pot aux roses, qu'on lui a parlé du passé sulfureux de l'auteur. Et qu'on l'a culpabilisé à mort. Alors, sagement, il est passé à autre chose. Pour autant, Tardi n'a pas participé, en adaptant ce polar de Léo-Charles Véran, à la promotion d'idées nauséabondes qu'il pourrait regretter.
Quand Tardi a adapté ce roman, il faut savoir que le bouquin (épuisé depuis la fin des années 40) était réédité à l'Atalante chez un éditeur qui avait dans son écurie 99% de gens bien à gauche, idéologiquement. Je pense que là aussi (à vérifier éventuellement), l'éditeur ne connaissait pas bien l'histoire de l'histoire de
Jeux pour mourir. Qui n'est pas
Mein Kampf.
En revanche :
Reginhard a écrit:C'est quoi un désaveu.
Par exemple quand Pétillon reprend un de ses albums
pour le redessiner entièrement en abandonnant le style Mad pour une ligne claire
au point d'en modifier la mise en page et de faire disparaitre un certain nombre de gags annexe, considérez vous cela comme un désaveu ?
Non, bien sûr. Comme toi, je suppose ?
C'est une cure de jouvence du bouquin alors que son auteur vieillit !
Hypothèse : avec un certain recul, tenant compte des réflexions qu'il entend autour de lui, et de ses propres impressions et désirs, de son évolution artistique, Pétillon en est probablement arrivé au constat suivant : il y a dans mon premier bouquin une matière brute intéressante, mais compte tenu de ceci et de cela, je considère aujourd'hui qu'il est préférable de faire un grand nettoyage et de le décliner sous une autre forme.
Il a dû s'exprimer là-dessus, Pétillon, dont le style évoluait plus vite que l'ombre de son pinceau.

Et j'aime bien l'exemple que tu as choisi parce que, quand j'étais djeun, j'ai acheté successivement les deux versions de ce Palmer. Je n'ai jamais pu me résoudre à en trouver une meilleure que l'autre. Chacune a ses qualités propres.
Il y en eut même une troisième, en album cartonné couleurs, si je ne m'abuse ?
Ocatarinetabelatchixtchix a écrit:Hergé a désavoué les soviets pendant plusieurs décennies
Je trouve que le verbe désavouer est trop brutal, dans ce cas précis.
Désavouer, c'est renier, rejeter. Ça implique, à mon humble avis, de s'opposer à toute réédition. Condition nécessaire, qui fut longtemps remplie, mais pas suffisante.
L'artiste Hergé n'a pas jugé, pendant une période assez longue, que Soviets pouvait trouver sa place au sein de la série, laquelle avait été profondément remaniée concernant ses premiers récits.
Mais l'homme Georges Remi, tout en reconnaissant les faiblesses et les défauts de Soviets (même hors contextualisation), ne l'a, à mon sens, jamais véritablement renié. Il l'a mis de côté
(y compris quand l'Occupant avait rompu le pacte germano-soviétique en déclenchant l'opération Barbarossa, alors que politiquement, et que le contexte eût été favorable avec une approbation de l'Occupant facile à obtenir...) parce que Soviets s'était très rapidement trouvé en marge de ce qui avait suivi. Tintin avait énormément évolué, même au cours de ses cinq premières années d'existence et alors qu'il ne connaissait que le noir et blanc.
Remanier Soviets dans les années 30, 40 ou 50-60 eût exigé trop d'efforts pour un maigre ou piètre résultat.
Et des transformations trop importantes eussent pu aboutir à dénaturer l'œuvre, par conséquent à la désavouer davantage qu'en la mettant à l'abri, dans un placard.
Même pendant la longue période sans réédition, la non commercialisation du titre a donc répondu à de multiples critères, sans qu'il fût nécessaire de la renier.
L'un des facteurs principaux du désintérêt pour Soviets, à mon humble avis, et sur lequel Hergé et son éditeur étaient proches, était que ce titre se démarquait par trop du reste de la série. Il est resté à l'écart, sur la touche . Et l'auteur, accaparé par un travail colossal, s'en est tenu à distance. Sans parler que le contexte politique n'a pas été favorable à l'exhumation de cette vieillerie, dépassée (je situe ce raisonnement dans un contexte commercial pendant les 30 glorieuses).
Mais dans aucun entretien, Hergé/Remi n'a désavoué ce premier Tintin.
Pour Charles Lesnes comme pour Hergé, dès la seconde moitié des années trente, cette histoire devenait encombrante. N'avait plus tout à fait sa place au catalogue alors qu'on affichait la volonté de moderniser la saga et de proposer une série homogène.
A l'époque des premiers albums publiés chez Casterman, donc des albums en noir et blanc, Soviets fut le seul à ne pas être réimprimé, à ne pas être rajeuni au niveau du contenu (versions néerlandaises pour feuilleton dans les journaux) ou des couvertures. Congo, Amérique, Cigares, etc... ont tous connu plusieurs couvertures à l'époque des éditions n&b.
Plus tard, ni Casterman ni Hergé n'auront envie, en pleine guerre froide, de s'exposer inutilement à la risée ou à la vindicte d'une partie de la classe politique avec ce Soviets. Dont la réédition sortira néanmoins dans les derniers temps de la guerre du Vietnam, mais soigneusement englobée dans un volume omnibus sous jaquette et alors que le dialogue Est-Ouest est permanent au niveau des chancelleries (et moins tendu qu'aujourd'hui avec la Russie).
Hergé et Casterman avaient eu assez de fil à retordre avec le Congo (disparu longtemps du circuit, bien que modernisé dans les années 50). Et l'actualisation/adaptation de l'Or noir, de l'Ile noire ou de Coke en Stock avaient mobilisé des énergies.
Ce Tintin en noir et blanc, véritable péché de jeunesse, qui ressemblait plus à un Bibi Fricotin ou un Bicot chez les Soviets qu'à n'importe quel album de la série
(Tintin part faire un reportage chez Staline et la GPU le traque, mais en véritable garnement, ça ne l'empêche pas de botter l'arrière-train d'un Schupo de la République de Weimar, comme un membre de la bande des Pieds Nickelés) posait un insoluble problème d'intégration, indépendamment du contexte géopolitique (qui n'arrangeait rien). Il n'avait plus vraiment sa place dans le corpus durant les années 50, 60 et 70 où la série était entièrement en couleurs et de laquelle se dégageait une certaine unité.
Je ne vois pas non plus un véritable désaveu du Killing Joke dans les déclarations de Moore, mais je peux me tromper.
Régulièrement réédité, colori(s)é de diverses manières, proposé en noir et blanc dans différents formats, etc...
Peut-on parler d'un désaveu pour un livre disponible en librairie depuis des décennies et sur lequel le scénariste encaisse des royalties ?
Je vois dans les déclarations de Moore une position critique et un jugement sévère sur son œuvre par Alan Moore (ce qui est son droit et à son honneur), à un moment donné, c'est-à-dire à l'occasion de telle ou telle interview. A la rigueur, les médisants parleront de posture intellectuelle, puisque le bouquin est périodiquement réimprimé.