de zemartinus » 10/09/2009 15:07
Pour moi cet album est un indéniable chef-d'oeuvre. Son côté déprimant et dérangeant peut en rebuter certains, au même titre que le flou final qui s'en dégage, mais pour moi c'est indéniablement une grande oeuvre.
Cet album est quand même incroyable de maîtrise : l'enchaînement des cases, le rythme des dialogues, le découpage des planches, la composition des dessins... tout est magistralement pensé par l'auteur qui fait ce qu'il veut de nos émotions : mélancolie, horreur, joie, angoisse, tristesse... les planches d'Asano dégagent une force incroyable, c'est vraiment saisissant
Au niveau du contenu on a un schema assez simple au départ : un chapitre relatant l'enfance des protagonistes/un chapitre montrant ce qu'ils sont devenus 10 ans plus tard... mais au chapitre 10 tout se boulverse, rêve et réalité, présent et passé se confondent, si bien qu'on en vient à douter de tout ce que l'on vient de lire... on a quelques pistes mais on ne comprend pas vraiment tout, et on se rend alors surtout compte de la richesse de la construction du scénario d'Asano... on ne comprend pas tout mais on n'en est nullement frustré, ça s'inscrit parfaitement dans l'ensemble de l'album et l'impression générale que dégagent les planches en fin de volume est tellement incroyable qu'au final on s'en fout de vraiment tout saisir ou non
Avec ça on a des personnages extrêmement bien caractérisés, des psychologies très bien traitées (là où en général les auteurs de fiction choisissent une extravertion abusive Asano préfère une psychologie introspective beaucoup plus proche de la réalité), une histoire admirablement construite à la manière d'un grand puzzle, un trait fin et élégant qui, allié à un parfait jeu de lumière, donne un résultat très beau, avec une ambiance assez onirique et poétique qui plane sur l'ensemble du livre... bref c'est très prenant et très bien fait.
À côté on a pourtant un aspect très sombre qui va d'un bout à l'autre du manga d'Asano, un exposé de troubles psychologiques, de traumatismes, de petites violences du quotidien, d'autres bien plus graves... le rendu est très glauque, avec un côté assez déprimant, vraiment dérangeant et déstabilisant de réalisme et de banalité, ça m'a pris aux tripes comme rarement une BD avait réussit à le faire. Moi qui ait tendance à rigoler devant l'ultra-exagération de la violence d'une série comme MPD-Psycho (pour rester dans le manga) ou d'un film comme Saw, là ça m'a vraiment fait quelquechose. Il y a sûrement une part d'autobiographie dans cette oeuvre, on sent que d'un certain côté Asano a fouillé dans les pores les plus sombres de sa psyché et du coup ça nous touche également au plus profond de nous, comme si cette oeuvre faisait remonter une part de nous-même igonrée.
Au final, plus qu'une BD sur l'enfance et ses mécanismes sociaux, la solitude, le rejet, le destin ou la brutalité du monde, Le Champ de l'Arc-en-Ciel est selon moi une BD sur le traumatisme, sur les violences du quotidien et leurs répercussions, le tout entouré d'une enveloppe onirique et douce-amère. Mais cette oeuvre est d'une telle richesse qu'elle ne se limite évidemment pas à ça...