de anaxarque » 19/11/2015 10:10
Snyder excelle dans le genre horrifique. Son American Vampire est un chef d’œuvre. Son run sur Swamp Thing chez DC, avec le dessin de Yanick Paquette était fort réussi. Par contre son Batman peine à me convaincre car il y instille trop d'éléments fantastiques qui nuisent, pour moi, à la crédibilité de l'ensemble - on est à Gotham, Scott, pas à Salem !- lisez le tome 7, Mascarade, la révélation de la "vraie nature" du Joker me laisse très dubitatif, malgré le splendide travail graphique de Greg Capulo...
Mais là, sans hésiter, je me suis rué sur ce Wytches, d'abord en Vo, puis en VF (le superbe album ne coûte que 10 euros), car il y a Jock aux dessins ! L'ensemble est très réussi.
Snyder est un fan absolu de Stephen King : qu'il s'inspire de King oui, mais dans de nombreux passages de Wytches, j'ai le curieux sentiment de lire une adaptation d'une nouvelle de l'auteur du Maine, qui loue d'ailleurs Wytches en préambule...
Chez Stephen King, dans Carrie, Ca, Misery, Christine, Le Dôme, Le fléau, ou Shining, etc., l'émergence du fantastique ou de l'horreur n'est souvent qu'un prétexte pour dézinguer la sirupeuse American way of life.
King nous présente des familles dysfonctionnelles, des névrosés, des pauvres types, des loosers magnifiques. Les véritables monstres de King sont des humains. Le danger véritable réside souvent dans la famille qui n'a rien d'un cocon protecteur, elle est présente à l'école qui devient un lieu anxiogène. Elle vient de son voisin qui paraît pourtant si avenant. Chez King, c'est le quotidien qui est potentiellement monstrueux. Les créatures de Stephen King sont des incarnations de la perversité humaine.
Dans le récit de Snyder, c'est le même schéma "Kingien" que l'on retrouve : nous suivons une famille fracassée qui essaie de recoller les morceaux et de mener une nouvelle vie. La mère a perdu l'usage de ses jambes après un accident et rumine son mal-être malgré une apparente bonhommie. Le père picole trop, il est absent, il n'a pas su protéger sa fille, il veut se racheter auprès d'elle, la protéger, mais il est maladroit. La fille, traumatisée, a été victime d'un très violent harcèlement scolaire et a vu son bourreau disparaître dans les bois emmenée par Dieu sait quoi. Elle a peur d'être la suivante. Elle n'a hélas pas tort, mais son père est là, car il veut être un père enfin digne de ce nom.
Le scénario de Snyder est parfaitement écrit et maîtrisé. Il mélange habilement présent et passé, c'est solide et cohérent, angoissant et captivant.
Il faut aussi saluer Jock qui excelle, par son trait, à rendre la petite ville, son lycée et ses bois absolument terrifiants. Et n'oublions pas ses Wytches : les sorcières sont des créatures abjectes et vraiment épouvantables.
Le récit est très réussi, angoissant, malsain, profond. Certes, si Wytches me semble être un hommage parfois trop appuyé à Stephen King, je dois bien admettre que l'on connaît pire comme source d'inspiration. Vivement la suite.
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anaxarque le 19/11/2015 11:50, édité 1 fois.
"On Friday night, a comedian died in New York. Someone threw him out a window and when he hit the sidewalk his head was driven up into his stomach. Nobody cares. Nobody cares but me. " Roarshach's Journal, 13/10/1985.