Vivisection Par Matt Dunhill et Cisco K.Théo est un jeune chercheur en biologie. Au troisième mariage de sa sœur il a le coup de foudre pour sa cousine de 15 ans et demi, ce qui lui pose, donc, un double cas de conscience.
A première vue, le scénario de cette histoire s'inscrit plutôt bien dans ce que certains appellent la « nouvelle BD ». Une tranche de vie racontée avec beaucoup de sincérité et de réalisme. De ce point de vue là, c'est très réussi. L'histoire, bien que fictive sent le vécu et ses personnages sont touchants et complexes.
Mais, ce qu'on a appelé « nouvelle BD », c'était quoi? Dans les années 90, on a vu l'explosion d'un marché de la BD aux dessins spectaculaires, mais, où les auteurs n'avaient pas grand chose à dire. Par réaction certains auteurs ont décidé de se recentrer sur les histoires, et de mettre le dessin, un peu en arrière plan. Une des caractéristiques de la plupart des livres catalogués « nouvelle BD » est, donc, un dessin qui s'en tient à un rôle purement narratif, qui refuse le tape à l'œil, un dessin qui s'efface un peu pour mieux servir l'histoire. Attention, je ne suis pas des ses abrutis qui prétendent que les auteurs « nouvelles BD » ne savent pas dessiner ou que leurs dessins sont moches. Certains sont, au contraire de vrais virtuoses dont les planches ont une dimension esthétique forte. Il ne s'agit pas ici d'un jugement de valeur, mais d'une constatation sur le rôle du dessin et son utilisation.
Dans ce genre d'histoires de la vie réelle, intimiste et réaliste, on a rarement des dessins spectaculaires qui essaient d'en mettre plein la vue. Or dans Vivisection, le personnage principal, Théo, est un scientifique biologiste un peu rêveur, et le monde que les auteurs nous livrent à travers ses yeux est grouillant, organique, exubérant et spectaculaire.
Le dessin de Matt Dunhill, l'est lui aussi, et cela nous offre un voyage sidérant à l'intérieur de la tête de Théo.
Et c'est à mon sens ce qui fait la réussite et d'une certaine manière, l'originalité de ce livre. En effet, Vivisection permet de réaliser que dans les bande dessinées où le dessin hyper spectaculaire masque mal l'absence totale d'histoire, le problème, ce n'est pas tant le spectaculaire du dessin, mais bien l'absence totale d'histoire. Si la bande dessinée est un art de raconter les histoires, c'est un art graphique et cette dimension purement graphique peut être une arme de poids pour souligner son propos, même si l'on n'aborde que des sujet, à priori, plutôt ordinaires. A condition, bien sûr que ce clinquant graphique ne soit pas purement gratuit, qu'il y ait, non seulement un fond, mais aussi, une belle osmose entre le fond et la forme, entre le scénariste et le dessinateur, comme c'est visiblement le cas ici.
A titre d'exemple, dans Vivisection, la mère possessive de Théo finit par prendre une dimension fantastique, monstrueuse et effrayante. Rien que pour la réussite de ce personnage en particulier, l'album doit être lu.
Mais ce n'est qu'un des exemples qui font de Vivisection une expérience de lecture agréable, surprenante, foisonnante et marquante. Les auteurs ont commencé à réfléchir une suite avec les mêmes personnages, on ne sait pas encore trop si ça se fera, mais je savoure l'idée de refaire un petit bout de chemin avec Théo et ses potes.
"Une centrale nucléaire c'est comme une femme, il suffit de bien lire le manuel et d'appuyer sur le bon bouton." Homer J. Simpson