Angoisse, incertitude et sensualité insufflent une vie unique en son genre à ce récit erratique et mystérieux, où les oiseaux semblent tristes et les protagonistes sournois... Ainsi apparaît l’univers de Michael Jordan : des pierres sont léchées, au goût sucré, des stations de métro mènent au boudoir lascif, des expériences médicales douteuses vont être menées. Des questions demandent des réponses afin que notre examen physique puisse commencer, mais notre esprit, lui, erre, suit une fuite en avant dont le but même est inconnu.
Le danger sera partout, imperceptible, mobilisant un regard aux aguets. Le discours se fera rare, sourdes menaces ou dialogues de sourds. Nous marcherons parfois sans croiser âme qui vive, et toutes nos rencontres ne seront pas des plus rassurantes.
L’auteur allemand a terminé ce récit en trois chapitres juste avant la pandémie. De profondes forêts en lieux désaffectés, nous serons contrôlés par des policiers tatillons, négocierons l’accès à une zone interdite, sentirons une menace invisible et serons enfermés, subirons des examens médicaux douteux. Étrangement prémonitoire…
Les trois chapitres terminés, le récit revient au point de départ, laissant personnage et lecteurs recoller des fragments de souvenirs et donner du sens à une rêverie absconse et moite. Pourquoi nous sommes las est un puzzle, un labyrinthe grand ouvert sans murs ni cul-desacs. Y avancer signifie placer sa confiance voire son intégrité mentale entre les mains de spécialistes dont les expériences, si elles peuvent nous échapper, nous assureront plaisirs et intenses réflexions.
Michael Jordan est actif au sein du collectif Tonto (ouvrages collectifs, fanzines, expos... depuis le début des années 2000). Fruit de croquis dessinés en automatique puis retravaillés et publiés en morceaux entre 2017 et 2020, Pourquoi nous sommes las raconte les errances d'un homme lambda dans un monde post-apocalyptique. Un recueil en allemand chez Avant-Verlag est finalement publié fin 2020 et trouve écho dans un monde qui vit au rythme des confinements.
Les couleurs sont vaguement retro, à la fois chaudes et blafards comme du papier jauni. Le trait est lâche, sale, il gratte, et colle à cet univers à l'ambiance surréaliste. Sorti il y a une semaine.
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