Petit contexte : ce dessinateur caricaturiste politique aux sympathies de gauche est mis à l'index par les nazis peu enclins à goûter ses talents de caricaturiste politique.
En 1934, il participe à un concours pour réaliser un strip hebdo, et gagne.
Le journal contacte le ministère de l'information qui l'autorise exceptionnellement à recruter Plauen sous 2 conditions : qu'il signe sous un pseudo, et ne fasse aucun strip à connotation politique.
Plauen débute ainsi cette série de strips anodins, mais empreints d'un esprit très libre, peu soucieux des conventions, frôlant parfois un léger fond libertaire, mais toujours dans la limite de ce que l'auteur estime acceptable pour éviter Dame Anastasie et un probable séjour en prison.
La série va rencontrer un tel succès que des produits dérivés seront créés, que le gouvernement nazi essaiera d'utiliser ce succès (Plauen s'oppose à la publication d'un dessin après s'être rendu compte que des commentaires antisémites vont y être ajoutés), et que Plauen sera même temporairement réhabilité, signant sous son vrai nom.
En 1944, Plauen est dénoncé par un voisin pour hostilité envers le nazisme, et se suicide en prison la veille de son procès.
S'agissant de l'édition d'abord : c'est un très beau livre paru chez l'éditeur Warum, beau papier, reliure cousue, format à l'italienne, épais, avec préface et postface replaçant dans le contexte.
Bref, un écrin pour une BD de patrimoine plutôt atypique.
S'agissant de la BD elle-même : personnellement, je trouve que 'on est ici en présence d'une BD qui se situe dans le haut du panier du strip hebdo.
Il y a beaucoup de malice, j'ai souri très régulièrement, c'est malin, c'est simple de lecture (lisible dès 6 ans à mon avis, pour les strips les plus faciles à appréhender), mais non dénué d'une certaine profondeur.
J'y retrouve un peu l'esprit de "Calvin & Hobbes", certaines situations un peu absurdes mais tendres font penser à du Snoopy, voire du Krazy Kat, et graphiquement, la tête des personnages n'est pas sans faire penser un peu à Little Nemo.
La tendresse alterne avec parfois des châtiments corporels (c'est à ce sujet que certains évoquent la punition que le peuple allemand s'inflige avec le nazisme) "mérités" ou pas, mais il y a toujours une grande complicité entre le père et le fils.
En outre, chose étonnante, "une" mère figure dans le tout premier strip, mais arrivé aux 3/4, c'est le seul dans lequel apparaît la mère.
L'essentiel du strip a pour sujet la relation entre le père et son fils.
Je conseille très très vivement l'achat, et pas seulement pour la qualité de l'édition ou l'intérêt patrimonial, mais aussi pour les idées visuelles et scénaristiques de ce très bon strip particulièrement agréable à lire.