Oklahoma boy par Thomas Gilbert aux éditions Vide CocagneJuillet 2009. Thomas s'inscrit sur le site Manolosanctis, maison d'édition participative en ligne, et poste une première planche. Il construit son premier tome en improvisant, et cela ce sent un peu, mais très vite, le trait nerveux et la force de l'histoire attirent de nombreux fans. Thomas devient le premier auteur publié par cette structure avec le premier tome d'Oklahoma Boy en octobre 2009. La machine est lancée, Thomas Gilbert réalise un second tome, Iron and Flesh qui sort un an plus tard, puis un troisième, qui lui ne sort pas. Manolosanctis met la clé sous la porte, laissant ainsi cette trilogie éditorialement inachevée.
C'était compter sans la vision affutée de Fabien Grolleau qui voit là l'occasion d'ajouter une perle au catalogue de Vide Cocagne. Un projet Ulule est monté pour sortir une intégrale de luxe de la saga Oklahoma boy. Le résultat est un très beau livre pour une vraie réussite commerciale et artistique.
Beaucoup de critiques élogieuses ont été faites sur ce livre, beaucoup ont dit avoir été touchés par cette histoire et ces personnages. Étrangement, ce n'est pas cet aspect de ce livre qui moi, m'a fasciné. Les personnages sont volontairement arche-typaux et caricaturaux.
Je ne me suis pas senti suffisamment proche d'eux pour pouvoir réellement m'identifier et être touché. Non, j'ai plus vu dans ce livre une saga épique avec une dimension mythologique. Comme tout le monde, j'ai été complétement emballé par le dessin et le travail sur les couleurs.
Mais surtout, ce que j'ai trouvé à la fois admirable et original, dans Oklahoma boy, c'est que lorsque l'on parle de mythologie américaine, il y a trois grandes époques. La première est la période western, la conquête de l'ouest sauvage. La seconde est la mythologie des gangsters américains qui couvre la période de la prohibition et le développement de la mafia qui s'ensuit dans les décennies suivantes. La troisième, particulièrement importante lorsque l'on parle de bande dessinée, est la mythologie des super héros qui commence avec la seconde guerre mondiale et qui connait une seconde jeunesse de nos jours, au cinéma grâce aux effet spéciaux numériques. La prouesse et l'originalité d'Oklahoma Boy, donc, est de ne convoquer aucune de ces trois mythologies, mais d'en inventer une quatrième dans cette période de vide entre le western et la prohibition. Période relativement peu exploitée artistiquement, à côté des trois précitées, mais que l'on retrouve, par exemple dans Junior Bonner de Sam Peckinpah ou dans The High Low Country de Stephen Frears. Ce moment où les cowboys sont en train d'être dépassés par la technologie, mais où l'urbanisme ne les a pas encore fait disparaître d'une bonne partie du pays, où on les envoie sur le front de la première guerre mondiale,
comme on le voit dans le tome 2 d'Oklahoma Boy et où les fantômes passés du Ku Klux Klan hantent encore les bas fond de New York comme on le découvre dans le tome 3. Et c'est ainsi que dans cet inter période, ce no-myths land temporel entre deux Amériques, il crée une nouvelle mythologie originale, en s'inspirant quand même d'un imaginaire collectif fort préexistant. Il est ainsi libre d'en inventer les codes à sa guise, et pour cela, en plusieurs occasions, il convoque la mythologie et la tragédie grecque antique, apportant ainsi à son bouquin une dimension épique et dramatique assez inédite et tout à fait fascinante.
"Une centrale nucléaire c'est comme une femme, il suffit de bien lire le manuel et d'appuyer sur le bon bouton." Homer J. Simpson