Un très très bonne surprise
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(en fait la seule depuis le début d'année
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)
Auguste Blanqui est un personnage méconnu (je n'en avais jamais entendu parlé) et pourtant ô combien important dans l'histoire de France, et des Républiques en particulier. Un homme de combat, engagé, d'une extrême droiture morale envers ses convictions. De toute sa vie, il n'aura accepté aucun compromis car il mettait ses convictions au-delà de sa propre vie. Pourtant, il était marié et avait un enfant (qu'il n'aura presque jamais vu finalement), et semblait proche de sa mère (elle m'a fait penser à Ma Dalton, car elle l'aidait dans ses tentatives d'évasion). Il les aimait (et a pleuré leur mort) mais son combat était plus grand. C'est incroyable le nombre d'arrestations et de condamnations qu'il aura eu, et uniquement pour des propos contraires aux Institutions (bon, il aura bien essayé un peu la lutte armée, mais il semblait beaucoup plus prudent que certains de ses collègues).
Voilà pour le personnage, sujet de cette biographie bédéssinée... Il y avait donc matière à faire quelque chose de bien, et c'est ce que les auteurs ont fait !
A aucun moment le récit ne se montre didactique, façon "cours d'histoire". L'intégration du personnage fictif du journaliste recueillant les propos de Blanqui dans sa cellule est déjà un procédé connu, mais Le Roy l'a très bien utilisé en rendant le tout fluide et vivant. De plus, l'évolution de la relation entre Blanqui et le journaliste au fur et à mesure des rencontres, même si ce n'est montré que par quelques cases entre chaque "partie" historique, est très intéressante et montre une autre facette de Blanqui. Et puis la fin est super bien foutue, nous amenant à la libération de Blanqui... on peut se dire qu'il est vieux, qu'il va se ranger, et tout ça... mais non

Autre chose importante: il n'y a pas de parti pris idéologique. Les faits et les idées de Blanqui sont retranscrites, avec son point de vue (qui, je pense au vu de ses précédentes productions, est proche de celui de l'auteur) mais à aucun moment on a droit à un plaidoyer sur ce qui est juste ou non.
Concernant le dessin de Locatelli Kournwsky (plus connu sous le nom de Renart), il n'est pas du type que je préfère mais a ses qualités. Trait très fin et (faussement) hésitant, couleurs en aplat assez ternes. Il colle parfaitement bien au thème, au personnage, restitue bien l'époque et les faits. En plus il permet de fluidifier le récit et nous aide à la compréhension, surtout quand on saute du présent au passé (changement chromatique vers les sépia). Bref, efficace et fait partie intégrante du récit.
Un beau pavé 160 pages, dense mais pas rébarbatif, qui se lit d'une traite (bon, faut prévoir du temps ! mais quand on le lâche on a vraiment envie d'y revenir). !un beau livre (couverture, matière, épaisseur, qualité de papier), ce qui ne gâche rien.
Bref, à lire !
Pour finir, dans la même thématique des "révolutionnaires" oubliés, le livre American Tragedy de Florent Calvez est également une référence. Certes ici Sacco et Vanzetti étaient des anarchistes (alors que Blanqui, bien qu'inspirateur du mouvement anarchiste, était plutôt un socialiste républicain, nationaliste en plus - surtout face aux Prussiens), que le livre traite des luttes de classes aux US au début du XXème siècle et amène à la discussion sur la peine de mort. Mais le traitement qui en est fait, et la force des convictons des protagonistes contre le système en place et leur lutte permettent de faire un rapporochement entre ces deux excellents livres.