Je me retrouve en grande partie dans
l'analyse de The Wolf.
La maquette est en effet plaisante (même si certains textes sur fond de couleur s'avèrent mal lisibles). L'iconographie est très riche et fait le tour de tout ce qu'on pouvait attendre sur le sujet. Le rédactionnel, avec quasi pas de boulettes, est informatif et ne sent pas sous les bras. Quelle idée pourtant de fourrer partout des tronçons de phrases en italique mais sans guillemets ni renvois, sans jamais en expliquer la raison ni les sourcer -- ce sont manifestement des citations, mais de qui, d'où ? Décidément, quand il s'agit de bande dessinée (même au sens large comme ici puisque Belvision était un prolongement de l'activité d'éditeur de Leblanc), les rédacteurs s'affranchissent bien trop souvent du minimum de rigueur qu'on attend -- à bon droit -- des monographies équivalentes dans tous les autres domaines, ne fussent-ils qu'artistiques. À déplorer aussi l'absence d'index. Le niveau d'exigence qu'on constate le plus souvent quand il s'agit d'Hergé reste malheureusement trop souvent une quasi exception dans le domaine...
Quoi qu'il en soit le bouquin atteint bien son but : on apprend
énormément de choses sur l'histoire de Belvision (j'ignorais que Charlier avait participé au
Lac aux requins, et ce pour « l'équivalent de 250 euros d'honoraires »), ses riches heures et son naufrage, ainsi que sur tous les acteurs qui y ont pris part -- d'autant que l'auteur a manifestement pu accéder à une doc aussi vaste qu'inédite (des correspondances, des P.V. et mémos de réunions de travail, des entretiens
très récents avec nombre des personnels impliqués, etc.).
Pour ma part j'avais gardé de Belvision l'image idyllique qu'en donnait un rédactionnel à suivre paru dans
Tintin à l'approche de la sortie en salle du
Temple du soleil, et j'avais gardé en mémoire la plupart des noms qui avaient participé à la création du film (d'où une certaine émotion à en voir et entendre quelques-uns dans le documentaire qui accompagne le bouquin — mais trop peu, sachant que la plupart étaient encore accessibles au début de cette décennie-ci). Je découvre maintenant que ces noms qui m'avaient fait rêver étaient ceux de gens qui ne s'appréciaient pas tous les uns les autres (encore raté pour le « gros tas de chics copains »), et qu'évidemment Belvision n'était qu'une boîte comme une autre, avec un patron en l'occurrence paternaliste (son bréviaire du bon employé distribué aux embauchés stipulait que le bon employé ne danse pas le charleston le soir parce que son patron le veut en forme au turf demain ! On aimerait pouvoir se dire que c'était une autre époque...). En revanche quelle opiniâtreté, quelle foi il a eue en Belvision ! Dommage que chez lui l'économique ait toujours bridé l'artistique... Tous les animateurs le reconnaissent : être payé à la pièce n'incitait pas à peaufiner. C'est curieux qu'un type comme Leblanc n'ait jamais pu, ou voulu, comprendre que ses ambitions disneyennes se heurteraient toujours à cette logique comptable : il voulait produire une minute par mois quand Disney faisait cinq secondes... L'histoire a jugé.
Pour moi (comme d'autres sans doute qui ont vécu et lu ça au même moment,) Belvision était un nom un peu enchanté en raison du
Temple du soleil, ce qui me rendait à priori partial, mais je suis persuadé que le bouquin de Daniel Couvreur approche ce qu'on pouvait espérer de mieux sur le sujet, sur la forme comme dans le fond -- et contrairement à The Wolf je doute qu'on doive jamais espérer un second bouquin sur Belvision, alors il va falloir faire avec celui-ci, et je pense vraiment qu'on est plutôt bien servis.
Un premier DVD contient
Pinocchio dans l'espace, dont la principale valeur aujourd'hui est... muséale. L'autre propose le documentaire de 2003, qui complète et illustre très bien le bouquin, même si les témoignages ne pas toujours raccords entre les deux supports, voire parfois même franchement contradictoires -- et dans ces cas-là je pense que c'est le livre qui ne truque pas la mémoire des faits.
À l'attention de ses admirateurs : dans le doc on voit et entend (fût-ce brièvement) Raymond Macherot !!!