A trois jours de l’université d’été du Parti socialiste (PS), qui se tient du jeudi 29 au samedi 31 août à Blois, la tension monte au sein du mouvement. Mardi 27 août, lors d’un bureau national, son organe exécutif, les divisions entre pro et anti-Jean-Luc Mélenchon, mise en sourdine le temps des élections législatives, ont repris de plus belle, et l’attitude à tenir vis-à-vis d’Emmanuel Macron a suscité des divergences.
La réunion a été provoquée par les deux courants minoritaires, soit la moitié du PS. « Le parti est au bord de la rupture », a averti dans une sévère allocution la maire de Vaulx-en-Velin (Rhône), Hélène Geoffroy, qui conduit les partisans de François Hollande. Le maire de Rouen, Nicolas Mayer-Rossignol, soutenu par la maire de Paris, Anne Hidalgo, et par la présidente de la région Occitanie, Carole Delga, s’est pour sa part déclaré « complètement raccord avec Hélène Geoffroy ».
Si les derniers faits d’armes du fondateur de La France insoumise (LFI) après le refus du président de la République de nommer Lucie Castets à Matignon – un appel à destitution d’Emmanuel Macron et à la manifestation – ont réveillé la grogne des opposants au premier secrétaire du PS, Olivier Faure, c’est surtout la décision prise lundi par les membres de la coalition du gauche, le Nouveau Front populaire (NFP), de ne pas se rendre aux nouvelles consultations du chef de l’Etat, qui a provoqué la fronde. Mardi matin, sur France 2, le chef de file du PS a maintenu son refus de retourner à l’Elysée, afin de ne pas être le « supplétif d’une Macronie finissante ».
« Nous ne pouvons pas être des supplétifs de La France insoumise », lui a répondu Hélène Geoffroy lors du bureau national, demandant que le PS reprenne « des discussions avec le président de la République ». Pas question, ont répliqué les partisans du premier secrétaire, répétant qu’ils ne veulent pas faire le jeu d’Emmanuel Macron. Récusant toute inféodation à Jean-Luc Mélenchon, ils se sont dits conscients que le septuagénaire était un « problème », mais ils ont reproché à leurs opposants de le replacer en permanence au centre du jeu.
Il n’empêche que le ras-le-bol se propage au PS et commence à s’exprimer publiquement, y compris dans le courant du premier secrétaire. « Il est temps de rompre », a estimé le secrétaire national du PS Sébastien Vincini, dans La Dépêche du midi du 26 août.
Une « litanie » de reproche à l’encontre d’Olivier Faure
Mardi, Hélène Geoffroy a commencé par faire la « litanie » de reproches à l’encontre du premier secrétaire du PS. Parmi eux, un manque de consultation sur les décisions prises dans le cadre de la nouvelle alliance à gauche. La dernière réunion commune avait eu lieu le 13 juillet, a rappelé la maire de Vaulx-en-Velin, lorsque le PS s’était accordé pour qu’Olivier Faure soit le candidat du NFP à Matignon. Une proposition refusée par LFI. Mais quand les chefs des quatre formations du NFP se sont accordés sur Lucie Castets, le premier secrétaire n’avait cette fois pas consulté le parti.
« Tu annonces être prêt à censurer tout gouvernement qui ne serait pas dirigé par Lucie Castets. Y compris s’il est dirigé par un premier ministre dans un gouvernement de cohabitation ? », a interpellé Hélène Geoffroy, réfutant aussi tout « procès en macronisme déguisé ». « Aucun socialiste ne souhaite être le ministre d’Emmanuel Macron », assure Nicolas Mayer-Rossignol. Les partisans d’Olivier Faure soupçonnent les courants minoritaires de préférer le camp présidentiel aux « insoumis »
En guise de réponse, le premier secrétaire a expliqué qu’un premier ministre de gauche ne serait pas censuré a priori, sauf s’il poursuivait la « politique d’Emmanuel Macron ». Un geste d’ouverture : lors du rendez-vous de la gauche avec le chef de l’Etat, vendredi 23 août, Olivier Faure avait promis de ne soutenir aucune autre première ministre que Lucie Castets, la candidate du NFP – excluant ainsi l’ancien chef du gouvernement de François Hollande, l’ancien socialiste Bernard Cazeneuve, ou le maire (PS) de Saint-Ouen, Karim Bouamrane, dont les noms circulent depuis plusieurs semaines pour être nommés à Matignon. « Cela laisse de la marge pour un gouvernement conduit par une personnalité de gauche », s’est félicité l’ancien député des Bouches-du-Rhône Patrick Mennucci, qui appartient au courant d’Hélène Geoffroy.
La maire de Vaulx-en-Velin a aussi exprimé son refus « d’aller manifester », après l’appel à la mobilisation du Parti communiste (PCF) et des « insoumis ». « Les manifestations, c’est ajouter du désordre au désordre », a ajouté Nicolas Mayer-Rossignol. Là aussi, la direction du parti a transigé. Le PS a acté qu’il n’irait pas à la marche lancée par les organisations de jeunesse programmée le 7 septembre et à laquelle participeront les trois autres chefs de parti du NFP : Fabien Roussel (PCF), Marine Tondelier (Les Ecologistes) et Manuel Bompard (LFI).
N’être entraîné « ni par Macron, ni par Mélenchon »
L’inflexion d’Olivier Faure n’est pas tant une initiative personnelle que le fruit d’une discussion entre les députés, lundi, sanctuarisée lors d’une réunion du groupe présidé par l’élu des Landes Boris Vallaud, mardi. « Nous devons avoir une attitude ferme mais responsable car nous sommes les socialistes et nous devons à chaque étape penser aux Français », a justifié l’ancien président de la République, François Hollande, député de Corrèze. Il explique, en privé, ne vouloir être entraîné « ni par Macron, ni par Mélenchon ».
Comme d’autres, François Hollande a également déploré les appels à manifester du NFP. Le député (PS) de l’Eure Philippe Brun, qui a recommandé à la gauche dans une tribune publiée dans Le Monde d’engager des « discussions afin de former un gouvernement de coalition », a fait remarquer que si les sympathisants de gauche étaient prêts à se mobiliser contre Emmanuel Macron, ils n’iraient probablement pas soutenir Lucie Castets, qui reste peu connue du grand public.
De son côté, cette dernière continue de faire campagne. La candidate de la gauche s’est connectée en visioconférence à la fin de la réunion de groupe des députés socialistes, évoquant la poursuite des groupes de travail et sa présence lors de l’université d’été de Blois, vendredi – après avoir participé à celles des écologistes et des « insoumis ».
Le matin même, sur France Inter, elle avait annoncé qu’elle resterait le visage de l’union de la gauche, après que LFI a acté vouloir en faire sa candidate à Matignon durant toute la législature, quelle que soit l’issue des consultations menées par le chef de l’Etat. Cette sortie a eu le don d’agacer certains députés, qui se sont sentis ignorés dans leur rôle d’élus.
Redessiner la ligne politique du PS
Olivier Faure a réussi, mardi, à éviter un vote qui aurait exposé les divisions du PS. Mais le premier secrétaire n’est pas au bout de ses peines. Ses opposants commencent à organiser leur réplique en vue de l’université d’été de Blois. Vendredi, Hélène Geoffroy, Nicolas Mayer-Rossignol, Carole Delga, et Karim Bouamrane, qui ont comme point commun leur rejet de Jean-Luc Mélenchon, se réuniront en privé pour imaginer ce que devrait être la réponse du PS à la crise politique. Une manière polie d’expliquer que la ligne Faure n’est pas la bonne.
Le lendemain, le quatuor s’exprimera devant les militants. L’idée à plus long terme : obtenir la tenue d’une « convention », une procédure qui permettrait de redessiner la ligne politique du PS. Cette demande a jusque-là été repoussée par Olivier Faure. « Une convention sur quoi ? Il faudrait déjà qu’ils essaient de définir une stratégie et qu’ils nous disent dans quelle direction ils veulent aller », s’énerve le député (PS) du Calvados Arthur Delaporte.
Parmi les invités de marque de cette université d’été, le député européen (Place publique) Raphaël Glucksmann, qui entretient des relations glaciales avec Olivier Faure depuis les élections européennes, sera aussi de la partie. Le 20 août, il a appelé, dans Le Point, à « tourner la page Macron et Mélenchon ». A Blois, le premier secrétaire du PS croisera autant d’amis que d’ennemis.
Par Sandrine Cassini