Il y a effectivement un nombre incroyable de références littéraires dans cette BD qui est scénarisée par quelqu’un qui fut viré de l’école, ce qui est dire de l’utilité de celle-ci pour s’instruire ou aimer lire…
Dans cette saga, Moore prend l’hypothèse, que dans son univers fictionnel, tous les événements et acteurs des romans populaires (le mot n’a rien de déshonorant dans ma bouche, bien au contraire), des 19ème et 20ème siècles, sont authentiques et se sont effectivement produits.
Ainsi, dans le Black Dossier,
les héros survivants de la ligue du tome 1 sont poursuivis par les autorités dans une Angleterre dystopique conforme à l’univers de 1984, leur assaillant – Moore n’avait pas le droit juridique d’user de son nom-, le fameux B est évidement l’agent 007.
Dans cet univers où les héros de fiction sont réels, Nemo croise Quaterman, Mina Harker côtoie Mr Hyde, Le chevalier Dupin vit dans le même temps que John Carter.
Moore insiste en effet pour que tout soit plausible chronologiquement et narrativement.
Par exemple, Hyde était donné pour mort après son suicide narré dans le livre de Stevenson, Moore imagine qu’il se soit réfugié rue Morgue, à Paris et qu’il soit le vrai responsable des trois meurtres narrés par Poe, qui ne sont donc pas, ici, l’œuvre d’un gorille échappé d’un zoo…
Dans le premier volume, on apprend que les frères Holmes et Moriarty sont bien réels.
Au passage, j’adore l’idée de Moore qui fait de Moriarty un agent du gouvernement anglais qui joue au méchant tant et si bien qu’il ne sait plus s’il est vraiment un agent ou un ennemi de la couronne.
Dans le second tome, on assiste à l’arrivée des Tripodes martiens en 1898, comme dans le roman de Welles, ce, sous le regard impuissant de John Carter qui est encore sur Mars lors de sa première quête.
Et ainsi de suite.
Moore est parvenu à scénariser une exceptionnelle BD d’aventures que tous peuvent lire, mais qui présente un niveau de lecture plus profond et plus jouissif encore pour les amateurs de cette littérature « pop ».
On en parlait sur un autre topic, mais c’est cette capacité à transformer le plus sympathique divertissement pour tous (je pense à Supreme ou à son run sur Wildcats) en une œuvre très intelligente, en y insérant des références subliminales érudites, qui ne nuisent en rien à la lecture, ce sans être prétentieux et ennuyeux qui le rend unique dans le monde de la BD et qui fait de lui un des plus grands scénaristes en activité.