Marc-Antoine Mathieu est en pleine forme ! Cette BD est phénoménale (comme à peu près tous ses bouquins
) d'inventions, de thématiques et d'humour; il ne faut pas oublier l'humour très fin de Mathieu qui se cache sous un dessin sombre. On sent que Mathieu, qui est également scénographe d'exposition, s'est fait réellement plaisir dans cette histoire de musée sans fond. Au fil des chapitres, il passe en revue les entrailles de l'essence du musée : les réserves qui prennent la poussière depuis des lustres, les ateliers de restaurations où d'étranges spécialistes de techniques oubliées s'agitent sans que le profane n'y comprenne grand chose et enfn de compte la futilité du cataloguage, tâche ingrate et sans fin (comment cataloguer la création ?).
Au niveau BD, c'est du Mathieu classique pourrait-on dire. Du N&B et gris très beau (associé avec une impression et du papier de qualité, merci Futuropolis) qui renforce la profondeur des sous-sols. La scène de voyage dans le temps au fond des réserves est phénoménale : tout y est noir avec juste un soupçon de gris pour les dessins (jolie prouesse technique d'impression qui joue sur la densité des encres). Comme dans les Julius, Mathieu nous offre une petite surprise technico-BD dont le grand Fred n'aurait pas renié (je n'en dis pas plus pour la surprise).
L'histoire en elle-même n'est très originale, un peu répétitive (chaque chapitre = nouveau niveau) et la chute est très prévisible mais ce n'est que très secondaire car l'intérêt de cette BD se situe ailleurs. Les situations, les questions philosophiques soulevées combinées à une réalisation parfaite grâce au talent de Mathieu forment un tout très dense et diablement passionnant. Co-édité par le Louvre, dont l'histoire et la taille ont surement servit d'inspiration à Mathieu, c'est plus un hommage de tous les musées du monde qu'il s'agit. Une très bonne BD sur un très bon sujet.