Lecture rapide pendant ma pause boulot (mais je sais déjà que je vais la relire).
BD graphiquement splendide et habilement construite.
On suit le parcours de chaque poète en lisant les bandes correspondantes, mais on peut lire les cases dans plusieurs sens et ça reste toujours fluide (j'ai opté pour un sens de lecture différent en cours de route pour voir et, magie, l'expérience fut concluante). Le montage en parallèle est bien fait, mais je dirais que ça va même plus loin, le temps semble comprimé ou s'étirer suivant le choix de lecture que l'on fait, de même que, si le dessin peut sembler à première vue un peu figé, le travail magnifique sur la lumière donne vie aux paysages, aux personnages qui paraissent, dès lors qu'on regarde attentivement, s'animer et se déployer.
On suit les artistes dans leur quête, dans leur volonté d'embrasser un idéal par essence insaisissable, de peindre ce que l'oeil nu ne suffit pas à capter et de ce point de vue-là, je trouve qu'il y a un parallèle entre la recherche du trio et la construction, la matière même des
Illuminés. Nos personnages sont en quête d'absolu, rarement satisfaits, et Dytar et Bollée parviennent à illustrer cette quête poétique par un jeu de correspondances habile via les couleurs, la lumière, les mots qui se répondent d'une case à une autre. Le lecteur, comme Germain Nouveau au contact de Rimbaud, aiguise son regard au fil des pages, perçoit, observe différemment.
Les auteurs nous proposent une expérience sensorielle captivante qui nous permet de saisir même de façon incomplète la démarche créatrice de l'artiste.
Mais j'ai bien conscience que là aussi, la réception d'un tel livre va différer d'une personne à une autre et qu'il ne fera pas l'unanimité (j'étais peut-être complètement sous acide en fait...). Un ami m'a dit (j'espère qu'il ne m'en voudra pas de le citer) que "si graphiquement il trouvait le livre parfait, il trouvait que ça restait quand même un récit sans véritable fond qui racontait l'histoire de gars paumés dépassés par la vie "...
Je peux en effet comprendre qu'on puisse rester sur sa faim en lisant cet ouvrage, mais pour ma part, l'adéquation entre fond et forme fait que c'est une lecture marquante.
J'aime beaucoup la fin également, pourtant on pourrait dire là aussi que c'est assez insignifiant, mais j'ai apprécié
suivre les pas de Germain Nouveau, revenu de tout - mais marqué à vie par sa rencontre avec Rimbaud -, homme devenu fruste et bougon, sorte de punk campagnard, qui interpelle Cézanne en lui disant (je crois de mémoire) : " Alors, toujours à vouloir saisir ta montagne ? " .

Il faudra que je le relise, mais je ne suis pas sûr d'avoir bien perçu le sens de la scène du porche de la cathédrale devant lequel le poète finit par mendier, même si sans en comprendre précisément la signification, j'ai apprécié que ces scènes légèrement différentes viennent ponctuer et structurer le récit.