Les grands oubliés

de **Cabarezalonzo** » 15/12/2018 18:40

Sujet créé à l'initiative de Genug... et grâce à la magie de nexus4 qui aime les choses bien ordonnées et à leur place.

Genug a écrit:C'est curieux, la postérité, quand on y pense.
Je suppose qu'un pourcentage important de Terriens a -- plus ou moins -- conscience de l'existence de feu Peyo. Un nombre sensiblement plus important connaît les Schtroumpfs (sous ce nom ou un autre !), mais quelle postérité retiendra le savoir-faire de Pierre Culliford, au-delà d'un livre chez Maghen ?
Les amateurs peuvent sans doute rêver d'un Feuilleton Peyo, qui ne verra probablement jamais le jour mais dont pourtant la matière ne manque pas.
Tiens -- toutes proportions gardées par ailleurs -- ça donnerait envie d'ouvrir un topic (qui peut-être d'ailleurs existe déjà ?) sur les Grands Oubliés de l'Histoire de la BD francophone.
Pas seul mais au premier rang, je mettrais Poïvet...

Dans les grands oubliés, Poïvet, je l'aurais placé derrière Jean Cézard. Du fait que le fondateur de "l'Atelier 63" est néanmoins régulièrement mis à l'honneur, certes timidement, mais il ne se passe pas une décennie sans qu'une BD de cet auteur ne soit publiée chez un éditeur autre que les passionnés du genre Coffre à BD, Taupinambour, Vache qui lit, Pressibus, Regards. Mais, je te concède qu'au regard de la production colossale de Poïvet, les albums édités représente peanuts. :ok:

Il suffit de comparer les rubriques de BDzoom consacrées à ces deux piliers des éditions Vaillant (Cézard est réapparu parce que la revue Hop, qui avait consacré un numéro à Poivet en 2011, s'efforce de n'oublier personne et s'attache à Cézard en 2018...) :
http://bdzoom.com/54303/patrimoine/raym ... re-partie/
http://bdzoom.com/54634/patrimoine/raym ... me-partie/
http://bdzoom.com/103784/patrimoine/les-raisons-de-l’originalite-perenne-des-«-pionniers-de-l’esperance-»…-premiere-partie/
http://bdzoom.com/116016/actualites/guy ... luxembourg…/
http://bdzoom.com/131014/actu

Petit récapitulatif des albums de Poîvet édités depuis les années 60 (certes au compte gouttes, et pas toujours bon marché ; mais pour Cézard, la situation est pire : la majorité paraît depuis quelque temps au Taupinambour ou assimilé, impossible de suivre en raison du coût élevé des albums unitaires ; et pour les albums parus chez Toth, les couleurs, c'était pas top du tout...) :
- Dans les années 60 : Les éditions Vaillant publient plusieurs albums des Pionniers de l'Espérance, sa série phare.
- Dans les années 70, on recense : les éditions "du Fromage et "du Kangourou" (Pionniers de l'espérance), Glénat (L'Echiquier cubique = inédit), Colonel X, Guy Lebleu), Nathan (Tiriel = inédit), Larousse (Histoire de France).
- Dans les années 80 : Futuropolis (30/40), Humanoïdes Associés (Tiriel en couleur), Artefact (Opus 4 = inédit), Futuropolis (Pionniers de l'Espérance = 5 tomes magnifiques ), RTL (La Flûte enchantée, d'après l'opéra de Mozart = inédit)
- Dans les années 90 : Futuropolis (30x40), Soleil (Pionniers de l'Espérance, 2 tomes superbes) + 2 Pressibus (Mam'zelle Minouche) ; quant à ceci, j'en ignorais l'existence jusqu'à ce jour :

- Dans les années 2000 : Glénat (Pionniers de l'Espérance), Seuil (Faust, inédit miraculeusement retrouvé) + Taupinambour (5 volumes des Pionniers)
- Années 2010 : Sangam-Castor Astral puis Fordis publient Guy Lebleu dans des collections dédiées à Charlier (3 volumes de belle facture), + Coffre à BD (Agent P 60) + Regards (La reine Margot)
D'autres grands oubliés, en vrac, comme ça, qui me viennent à l'esprit et beaucoup moins bien traités : Erik, Chakir, Marin (Claude), Martial, Gigi, Nortier, (ces deux derniers étant des proches de Poïvet), et d'une manière générale tous ceux qui ont produit pour des journaux ou dans des quotidiens sans bénéficier d'une politique éditoriale débouchant sur des albums. En dresser la liste donnerait le vertige.

de **Rebecca Doppelmeyer** » 16/12/2018 11:54

de **tzynn** » 16/12/2018 14:53

Est ce qu’on ne les a pas oublié justement parce qu’il n’y avait pas gd gd chose à retenir ou que c’était trop daté?

de **LeJoker** » 16/12/2018 15:25

Après, ce serait intéressant de savoir si cet "effacement" , cet oubli, frappe plus sévèrement la BD que les autres arts. Pas l'impression.
Après, je l'avais déjà dit, la BD souffre de ne pas avoir des "relais" de distribution/conservation de type patrimoniaux qui assureraient une "survie minimale". Les musées et l'édition en arts protègent des auteurs de l'effacement total. Pour la BD, rien.
Par exemple, Donito que j 'apprécias: accessible NUL PART.

de **Olaf Le Bou** » 16/12/2018 15:28

tzynn a écrit:Est ce qu’on ne les a pas oublié justement parce qu’il n’y avait pas gd gd chose à retenir ou que c’était trop daté?

dans bon nombre de cas l'oubli ou la notoriété sont liés avant tout au profil éditorial des journaux qui publiaient ces auteurs. Ceux qui étaient adossés à un éditeur d'albums (Spirou, Pilote, Tintin, A Suivre ...) ont vu leur succès pérennisés par les albums et les rééditions, mais pour Vaillant et nombres de structures plus petites l'oubli est venu de l'absence de diffusion durable.

Et après s'ajoutent des aléas supplémentaires comme un décès prématuré et des dissensions sur les questions de droit ayant conduit à l'oubli l'oeuvre d'un Poirier, pourtant aussi singulière que remarquable.

Mais nul doute que si les Rigolus et Tristus de Cézard ou le grélé 7/13 de Nortier était paru dans Spirou plutôt que Pif, on trouverait de belles intégrales commentées.

de **LEAUTAUD** » 16/12/2018 16:00

C'est vrai, l'édition d'albums a été une ligne de partage pour beaucoup d'auteurs !
Mais les supports presse de parution (y compris certains PF à parution régulière) réunissaient des centaines de milliers de lecteurs...

Un autre phénomène me turlupine (n'y voyez aucune allusion salace

), c'est la notoriété one shot. Je m'explique.

Il est advenu qu'une histoire frappe durablement les lecteurs au moment de sa sortie, par son audace graphique et narrative dans le contexte où elle surgit. Cependant, en-dehors de cette unique histoire, les auteurs passent à la trappe de la notoriété (même s'ils se font connaître par ailleurs pour d'autres créations, cinéma, presse, etc...)
Par exemple Michel Finas et Eddy Ryssack furent en 1960 les auteurs d'une aventure déjantée, véritable ovni dans le journal de Spirou, "Patrick Lourpidon".(plusieurs centaines de milliers de lecteurs)
Seul Ryssack, par ailleurs connu pour ses activités d'animateur de DA, réalisera une série pour enfant sans grand succès( "Colin-Colas"). Donc, pour moi, c'est son Patrick Lourpidon qui lui donne sa place dans l'histoire du 9ème art.

De même Gerald Frydman et Touïs avec leur extraordinaire et futuriste "Sergent Laterreur" ont scotchès en 1971 les lecteurs de Pilote. (plusieurs dizaines de milliers de lecteurs).
Depuis ce chef d'oeuvre....une carrière dans l'animation pour Touïs.

Même Guy Peellaert, peintre et artiste connu pour d'autres créations, restera dans le domaine de la bande dessinée l'immortel auteur de Jodelle et Pravda la survireuse pré-publiée dans Hara-Kiri et Charlie, plusieurs dizaines de milliers de lecteurs). Ce dernier récit en a-plats chromatiques pop-art fut une fulgurance sans lendemain.
Mais cela a suffit pour inscrire le nom de Peellaert dans l'Histoire du genre.

Trois dessinateurs (Ryssack, Touïs et Peellaert) qui ont apportés une véritable valeur ajoutée, et ont fait carrière dans d'autres domaines.
Sont-ils des grands oubliés ?
J'ai tendance à le penser, malgré les rééditions de leurs oeuvres uniques.

de **LEAUTAUD** » 16/12/2018 16:19

LeJoker a écrit:Après, ce serait intéressant de savoir si cet "effacement" , cet oubli, frappe plus sévèrement la BD que les autres arts. Pas l'impression.
Après, je l'avais déjà dit, la BD souffre de ne pas avoir des "relais" de distribution/conservation de type patrimoniaux qui assureraient une "survie minimale". Les musées et l'édition en arts protègent des auteurs de l'effacement total. Pour la BD, rien.
Par exemple, Donito que j 'apprécias: accessible NUL PART.

Il y a le CBDI d'Angoulème, structure idoine (ils possèdent quelques milliers de planches originales, une bib impressionnante, et qq dépôts d'archives, comme les carnets de St Ogan).
Il y a l'IMEC, qui archive précisément les fonds d'éditeurs et d'auteurs (ils ont les archives de la Semaine de Suzette, par exemple)
Il y a la Bib centrale de Marseille qui possède un fonds d'albums originaux de la haute époque.
En Belgique il y a le CBBD.

C'est peu, je te l'accorde, mais le business autour des originaux pervertit un mouvement d'archivage général dans des lieux appropriés, ajouté à la reconnaissance encore bien jeune du genre par la culture officielle.
Cela devrait se mettre en place dans les décennies à venir, comme ce fut le cas pour les autres arts plastiques, la littérature (et plus récemment le cinéma).

de **the frog** » 16/12/2018 17:15

Pour moi, un des grands oublies de la BD est Rene Follet. Il ne me semble vraiment connu que par les grands amateurs de BD mais quasiment pas pour le plus grand nombre. Ce que je trouve tres regrettable et injuste eu egard a son talent.

Et il est toujours des notres. On ne va pas attendre de dire en parlant de lui que feu Follet etait un grand dessinateur?

de **Genug** » 16/12/2018 17:17

Bien d'accord. Quand j'écrivais « Pas seul mais au premier rang, je mettrais Poïvet », sur ce même rang je mettrais volontiers Follet.

de **tzynn** » 16/12/2018 18:20

Genug a écrit:Bien d'accord. Quand j'écrivais « Pas seul mais au premier rang, je mettrais Poïvet », sur ce même rang je mettrais volontiers Follet.

Follet est un très bon illustrateur, mais il a toujours manqué du bon scénariste.

de **xof 24** » 16/12/2018 19:46

Amusant ...
Les grands oubliés ou les GRANDS oubliés ?

Sinon pour la majeure partie des auteurs qui sont oubliés c'est un soucis de publications dans la durée.
Si un auteur n'est plus publié édité réédité pfiuuut il disparaitra ...avec les lecteurs de cette génération.
Certes il y aura quelques lecteurs qui découvriront un auteur au détour d'un bac en brocante ou chez un bouquiniste.
Ils feront peut être une recherche sur le net pour y voir sa production mais sinon c'est l'oubli.

Pour Ryssack l'oubli est sûrement plus du côté français que belge neerlandophone.

Sans paution nouvelle ni réédition même Hugo Pratt pourrait devenir un grand oublié.

de **Genug** » 16/12/2018 20:49

Il faudrait peut-être créer une sous-branche consacrée aux auteurs non pas oubliés mais sous-évalués (que ce soit leur faute ou pas). Dans ce registre, au premier rang toujours des virtuoses, je proposerais une place bien au chaud à Denis Bodart. [:lega]

de **xof 24** » 17/12/2018 15:37

Genug a écrit:Il faudrait peut-être créer une sous-branche consacrée aux auteurs non pas oubliés mais sous-évalués (que ce soit leur faute ou pas). Dans ce registre, au premier rang toujours des virtuoses, je proposerais une place bien au chaud à Denis Bodart.

Oui il y a des auteurs qui ainsi sont méconnus du grand public et qui sont pourtant de très bons auteurs.
Faute souvent au fait qu'il leur manque la série pour les révéler...

Francq a eu Largo Winch
Marini a été boosté par Scorpion et Rapaces

Mais il y a beaucoup d'autres auteurs qui restent dans "l'ombre". Ils produisent assez pour vivre , mais non pas cette "reconnaissance" du grand public.

de **yannzeman** » 17/12/2018 15:49

Le site des BD oubliées
http://bdoubliees.com/bdd.html
et celui du coffre à BD
http://coffre-a-bd.com/
permettent de retrouver les oeuvres des auteurs oubliés.

Est-ce que des livres sur ces auteurs oubliés seraient indispensable ?
Pas sur...

Ils sont quand même oubliés pour plein de raisons, mais peut-être avant tout parce que leurs oeuvres n'étaient pas faites pour traverser le temps.

J'ai adoré "Génial Olivier" de Devos qui paraissait dans "Spirou" quand j'étais jeune, dans les années 70 et 80.
Est-ce que cela mériterait une biographie de son auteur ? Des rééditions, une relance du titre ?
Je ne le pense pas ; en tout cas, je n'en ressens pas le besoin.

de **geep** » 18/12/2018 12:11

Les premiers noms qui me sont venus sont Chakir et Martial. Mais en y réfléchissant, pas sûr que je me précipiterais sur une intégrale "Séraphin et Angelure"... Par contre, je jetterais sans doute un œil si quelqu'un avait la bonne idée de publier les "Tony Laflamme". J'aimerais bien aussi voir ce que donne dans la durée la série "Sylvie" qui, dans mon souvenir, valait bien certains comics "familiaux" américains… mais ce n'est peut-être que l'effet d'une nostalgie passagère quoique récurrente dès qu'il s'agit de BD années 50/60.

de **tavern** » 18/12/2018 18:09

Outre Claude Marin, JC Poirier, Cézard (premiers noms qui me viennent, et pour les raisons éditoriales fort bien décrites par Cabarezalonzo), je citerai aussi Eugène GIRE ... au sens où sa bande "La pension Radicelle" semble avoir eu un succès énorme dans Vaillant. J'ai lu un jour qu'il y avait un véritable engouement, chaque semaine, pour découvrir la suite des aventures.