Aelement comics est une petite maison d'édition indépendante qui sort des comics à la française et dont les publications sont essentiellement disponibles sur commande en ligne. Ils viennent de sortir le numéro 1 de la série Le Privé par Jrmy et Sebba (
http://www.aelementcomics.com/pages/LE_ ... 76186.html ).
Ce premier numéro est en réalité un recueil remanié et colorisé d'histoires courtes parues à l'origine dans le fanzine Bahniwé. Le privé avait d'abord été créé par Jrmy comme un exercice de style pour différents dessinateurs. L'idée de départ était de jouer à prendre des extraits très courts d'articles de journaux à la rubrique fait divers, et de suggérer en une ou deux planches, une réalité bien plus complexes qui se cacherait derrière les formules toutes faites et convenues des articles. Sebba, s'est vite imposé et approprié la série. Sont style qui rappelle des gens comme Miller, Frusin ou Risso et son gros travail sur la mise en page donnant une belle ambiance à la série, ils l'ont bien développée et ont eu envie de se lancer dans des histoires plus longues. C'est ce que nous découvriront dans les prochains numéros.
En attendant intéressons nous à ce premier numéro. Le plus gros défaut de celui-ci est sans doute le manque d'ambition de départ des auteurs: On peut regretter le côté un peu trop effacé, anonyme du personnage principal, pas grand chose pour le rendre attachant ou le démarquer d'un autre « privé ». On peut être frustré par cet enchainement de tranches de crimes très courtes où les choses sont très peu développées. On peu aussi reprocher à Sebba d'avoir des influences un peu trop visibles et de manquer d'un petit quelque chose d'une peu plus original et personnel.
En ce qui concerne le dessin, il est amusant de noter que les références de Sebba sont des gens comme Miller, ou les Romita père et fils, mais aussi des gens comme Tardi ou Pratt. Il est intéressant de constater que le résultat est assez proche du style des nouveaux dessinateurs de l'école argentine, Comme Risso ou Frusin, qui, eux aussi, ont des influences partagées entre l'école américaine, et des gens aux styles plus « européens » comme Pratt, Munoz ou Zarate. On peut aussi remarquer que copier les mises en page compliquées des comics est une chose déjà pas si facile, mais réussir à le faire de façon graphique efficace et marquante, tout en restant parfaitement au service de l'histoire et en conservant une narration fluide en est une autre. Et c'est surtout sur ce point que Sebba est impressionnant et que son travail va bien au delà de celui d'un simple imitateur besogneux.
Quant au reste, malgré le côté un peu frustrant de ces histoires courtes, de ce qui n'était au départ que de simples petits exercices de style, on voit se dégager de façon très agréable une vraie cohérence entre les différents articles et on sent poindre un fond plus lourd et pas mal de pistes intéressantes de développement en arrière plan. En arrivant à la fin, j'avais la sensation d'avoir assisté à une petite mise en bouche, à un galop d'essais. La bête est maintenant rodée, les éléments sont en place, la monture ne demande plus qu'à partir au galop. Quelque part, tous ces défauts que je viens d'énumérer sont pour moi des preuves que l'on a affaire à deux auteurs consciencieux, et intelligents qui qui ne se lancent pas là dedans juste avec un peu de poudre aux yeux mais qui savent où ils vont et comment y aller. Je vous conseille donc de jeter un œil sur leur travail et j'attends la suite avec beaucoup de curiosité et une certaine impatience.
"Une centrale nucléaire c'est comme une femme, il suffit de bien lire le manuel et d'appuyer sur le bon bouton." Homer J. Simpson