de LEAUTAUD » 13/04/2024 10:56
"Le Fantôme de Canterville" est un nouvel album paru ce mois-ci chez Mosquito, scénario Rodolphe et dessin Marcelé. (La fiche n'est pas encore dans la Bédéthèque)
C'est une adaptation de deux nouvelles d'Oscar Wilde (parues en 1887), Le fantôme de Canterville, et Le crime de Lord Arthur Savil
Cette version en bande dessinée des célèbres nouvelles d'Oscar Wilde s'inscrit dans une longue série d'adaptations dont quelques films, pièces de théâtre et radiophonique, albums, etc ...Ces récits de la fin du XIXè sont toujours lus et étudiés, la déclinaison de leurs thèmes victoriens et gothiques, sublimés par l'ironie de Wilde, sont validés dans la durée comme repères culturels et universels : aucun dépaysement à les lire encore aujourd'hui car on en reconnaît les types et archétypes.
Rodolphe sert de près le texte originel mais y apporte sa patte de scénariste éprouvé et dialoguiste d'expérience, il a su préserver toute la saveur humoristique et critique d'Oscar Wilde, se permettant tout de même d'infléchir la conclusion du crime de Lord Savil sans en dénaturer la finalité : le Lord reste menacé par l'ombre de son crime, commis au nom d'une morale victorienne et d'un cynisme de classe qui affûtent le mordant de la plume de Wilde (dont on retrouvera, entre autres, la trace dans l'inoubliable "Noblesse oblige" proclamé par Alec Guiness, sur ce registre des travers de l'aristocratie anglaise traités avec humour)
Son découpage en séquences dynamiques rythme les mésaventures du Fantôme de Canterville et le pragmatisme hilarant de la famille américaine qui inverse les rôles et démoralise le pauvre fantôme, pour lui offrir au final une mort bienvenue
Le dessin de Marcelé restitue la beauté et la bonté de la jeune femme qui apportera la paix au spectre.
Si la joliesse des traits de Virginia possède cette douceur c'est en contraste avec la grisaille ambiante : ce choix graphique de Marcelé accroît l'étrangeté des récits, chacune de ses cases est nimbée de gris pulvérisé comme un nuage menaçant décors et personnages, présent dans les deux nouvelles : le château hanté comme le Londres victorien.
Cette maîtrise des dégradés de noir sur un blanc contaminé hisse l'adaptation en images au diapason de cette haute littérature classique, l'album appartenant sans contestation à ce registre réaliste. Les codes de la bande dessinée sont ici bien présents, onomatopées incluses, avec ce point d'orgue de la page de fin, un dessin pleine page où l'action s'éloigne en ligne de fuite alors qu'à l'avant-plan les auteur réassignent au lecteur sa véritable place, celle du spectateur. Une réussite !