Le Dessin, « it’s a Kind of Magic »‘’Il est important d’avoir des rêves assez grands pour ne pas les perdre de vue lorsqu’on les poursuit.’’
Mark Twain
Cet article s'adresse plutôt à ceux et celles qui débutent en dessin, et qui se demandent s'ils ont bien fait de choisir une telle voie (ma réponse est oui). A bien y regarder, le Dessin est un véritable numéro de prestidigitation. Quand un tableau vous émerveille par ses couleurs bien choisies, son dessin soigné, l’ambiance particulière qu’il dégage, par l’impression que vous laisse ce coup d’œil par la fenêtre de l’imaginaire de son auteur… ou que votre Héros (ou anti-héros) préféré de BD vous interpelle par ses péripéties, vous fait marrer et suscite votre sympathie ou toute autre émotion, comme une personne réelle, et qu’il vous en fait oublier que le réveil tourne alors que vous restez scotché(e) sur les pages… Tout cela reste finalement de l’illusionnisme.
Car dans l’absolu, la plus belle peinture, le plus époustouflant personnage de bande dessinée, le croquis le plus évocateur, ne sont physiquement que de la couleur appliquée sur un support… Et pourtant, ce tour de passe-passe peut parfois allègrement traverser le temps : voyez les peintures rupestres réalisées dans les cavernes par nos lointains ancêtres – s’ils ne mangeaient pas tous les jours, ça ne les empêchaient pas d’avoir du goût – et qui continuent de fasciner d’innombrables générations de curieux, dont votre sympathique serviteur.
Alors, grâce à quelle potion magique de simples traits sur une feuille, qu’une gomme irascible peut anéantir si on ne la surveille pas, peuvent autant nous captiver ? Peut-être parce que chaque dessinateur nous livre, via son univers imaginaire transcrit sur papier, un peu de lui-même. Et que ses créations nous resteront, longtemps après que les asticots auront fait valoir leurs droits… Puis ce qui nous interpelle aussi dans tout dessin qui nous attire, c’est que quelques part en nous, cela nous rappelle des choses qu’on apprécie, et qui peuvent éveiller notre gourmandise comme un gros gâteau débordant de crème ; et dans une BD notamment, toute silhouette bipédique, même simplement suggérée, nous rappelle nos semblables humains.
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Et pour les personnages non-humains, s’ils ont un caractère, des émotions qui nous plaisent, le tour de passe-passe fonctionne tout autant. Voyez R2D2 dans Star Wars : cette «boîte de conserve» sur roulettes n’a même pas de visage, il ne parle que par onomatopées, et pourtant Georges Lucas a su en faire un merveilleux personnage plein de drôlerie, attachant et intrépide.
Bon, bon, je vois qu’au fond de la salle, certains nouveaux attablés devant leur feuille de papier et le crayon en main se demandent désespérément où je veux en venir, et une phylactère de BD se forme au-dessus de leur tête avec écrit : « Concrètement, moi, je fais quoi ? »
Pas de panique, j’y viens. Puisque le dessin consistera à matérialiser sur le papier ce qui peuplera votre imaginaire, il va falloir puiser dans votre inspiration. C’est de ce coffre à jouets que vous puiserez toutes les trouvailles et surprises qui épateront vos spectateurs.
Même si vous débutez tout juste en dessin, vous demander déjà ce qui vous plairait justement de dessiner - vos thèmes donc - constituera un bon avant-goût.
Prenez donc une feuille de papier, et notez en guise de thème ce qui vous passionne, vous amuse, vous intéresse ou vous énerve, tout ce qui ne vous laisse pas d’une indifférence apathique. Et développez selon chaque sujet trouvé la ou les façons de l’illustrer (histoires en BD ? Illustrations ? Tableaux ? Blog ? Un peu de chaque ?), toutes les idées qui vous passent par la tête, même les plus folles. En fait, surtout les plus folles.
Si vous avez des domaines de prédilection, des sujets qui vous passionnent au point que vous en êtes interminables quand vous en parlez, alors vous avez de quoi noircir votre feuille avec toutes les idées que cela peut vous donner ! Cet exercice vous parait incongru – après tout, vous voulez apprendre à dessiner – essayez quand même : vous pourriez être surpris de mettre vos idées sur le papier.
Ok, d’accord, puisque vous insistez, je vais vous énumérer une portion de ma propre liste de thèmes :
- Les femmes (idéales pour des sujets de tableaux, illustrations, et la garantie qu’ils seront regardés avec attention. Comment ça, « non » ? Et ça peut être flatteur pour ces dernières (Dali et Gala, Raphaël et sa copine, la Fornarina) Dans mon projet de BD ‘’Dévastation’’, la plupart des personnages importants sont des femmes, et dans l’univers héroïco-loufoque de Patateman, j’ai même réussi à en coller une en la personne de la sensuelle Patategirl)
- L’architecture (notamment les cathédrales gothiques, somptueuses dentelles de pierre ; ainsi que les édifices conçus par Gaudi. En extrapolant ces derniers, cela constitue une source d’inspiration idéale pour des villes fantasmagoriques. Dans mon projet ‘’Dévastation’’, même si ça ne se voit pas, mon goût pour des édifices aux formes sinueuses, pleins de décorations, m’ont été inspirés par mes bouquins sur Gaudi)
- La nature (on n’a jamais fait mieux que la nature du point de vue source d’inspiration, même pour imaginer d’autres planètes. Par exemple, regardez des moisissures au microscope électronique, ne peut-on pas en extrapoler des forêts étranges ? Océans, plages, forêts, déserts, prairies verdoyantes ou steppes arides… je n’ai, comme vous, que l’embarras du choix)
- La SF/Fantastique (de bons terrains pour débrider votre imaginaire, car si dans le monde réel, vous avez, en théorie du moins, des contraintes historiques à respecter pour que vos histoires ou illustrations soient crédibles ; avec la SF ou le fantastique ou tout autre imaginaire de votre choix, c’est vous qui décidez. Voyez le roman la Machine à explorer le Temps de Wells, les descriptions somptueuses de l’enfer déguisé en paradis que constitue l’Angleterre de l’an 802 701, avec ses ruines splendides peuplées par les Elois ? Et sa description hallucinée de l’agonie du soleil, son extinction progressive et la Terre qui se transforme en glaçon ?
Ou les univers baroques de Serge Brussolo, son imaginaire débridé, à l’outrance maîtrisée ; et qu’il a conservé bien qu’il n’écrive plus de SF (à ma connaissance).
Concernant mes tableaux, on leur trouve un côté onirique ou surréaliste selon les réactions. Et songez que pour des histoires qui se dérouleraient sur d’autres mondes, vous décidez de tout : la géographie, les formes de vie, toutes les extravagances sont possibles !)
- Les femmes (ah, je l’ai déjà dit)
- L’Art Nouveau (sans être un expert, loin de là, du Modern Style (fin 19ème-début 20ème siècle), les créations architecturales de Victor Horta, Antoni Gaudi ou les graphismes de Mucha, avec leur allure organique, sont autant de sources d’inspiration pour créer des univers féériques)
Bon, j’arrête là, je sens qu’il y en a qui fatiguent.
Hmm, donc, votre inspiration, elle a déjà ses sources en vous, exploitables à la façon d’une mine de diamants pratiquement inépuisable. Prenez votre pioche :
- Par exemple, vous adorez ces fascinants insectes que sont les
Fourmis, et autres bestioles aux allures d’extra-terrestres ? Alors, pourquoi ne pas concevoir une BD où le clan des Fourmis noires, du fond de leur Ville souterraine, étendant son réseau de galeries sous le jardin de votre tante Hortense, a fort à faire avec leur Ennemi de toujours, les terrifiantes Fourmis Mutantes (et priapiques), lesquelles préparent une offensive profondément dévastatrice… Face à cet Ennemi supérieur en armes et en libido déviante, les Fourmis noires décident de s’allier avec les Termites, pour sauver leur peau et leur dignité.
- Ou alors, vous aimez les
Chats, chiens et autres sympathiques sacs à puces ? Hmm, vous pourriez envisager une BD qui se passerait essentiellement sur les toits de Paris, avec des félins hauts en couleurs : le Chat-Gentleman, sorte de Cary Grant version féline qui fait tourner la tête de toutes les minettes, on aurait le Chat-Philosophe avec ses discours existentialistes interminables (comme dirait Coluche, « il a des idées sur tout, mais il a surtout des idées ! »), le Chat-Voyou avec sa trogne de travers, toujours à se battre avec les Rats et les chiens quand il n’est pas occupé à fourrager dans les poubelles, mais qui a bon fond malgré ses airs de gros dur (style Clovis Cornillac dans
Faubourg 36), tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes…
Jusqu’au jour où débarque le Gang des Taxidermistes psychopathes, qui se met en tête d’empailler tous les quadrupèdes de la capitale (puis du reste du pays)… La situation devient tellement critique que les Chats décident l’impensable : une alliance avec les chiens contre le prédateur commun.
- Vous êtes un fan de cordonnerie, vous adorez les
belles chaussures de cuir ? Pourquoi ne pas raconter les Mémoires d’une vieille grolle, qui le soir, quand son Maître s’endort, commence sa vie à elle ? Et elle part avec sa jumelle inversée rejoindre le Clan des Objets Rebelles qui en ont marre d’être traités comme des choses sans vie. Et voilà que, suivant leurs Prophètes de cuir, les magasins de chaussures, de jouets, se vident, envahissent les rues et sonnent l’avènement des Objets libres ?
- Par contre, si vous envisager de créer une patate sympathique qui veut répandre le bonheur à travers le monde avec ses amis légumes, c’est trop tard : le concept est déjà pris par Bibi :
http://www.patateman.com Bon, à travers ces exemples ludiques vous voyez le principe ? N’importe quel thème est potentiellement valable, il s’agit de donner libre cours à son imagination, vous éclater, et si c’est votre penchant, basculer dans l’outrance (maîtrisée). Si les idées citées plus haut vous tentent, merci de me reverser 10% de vos revenus ^^.
Plus sérieusement, tenez-moi au courant de toutes vos idées, projets, premiers croquis… Apprendre, ce n’est jamais à sens unique.
@ bientôt,
Roland
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Prochainement : L’ABC du Dessin, ou les briques élémentaires qui constituent tout crayonné.