Lartigues et Prevert Par Benjamin Adam, chez La Pastèque.J'étais passé complétement à côté de ce livre sorti en 2013, et pourtant... Le côté très graphique de ce livre, quand on le feuillète, est à la fois attirant, et inquiétant. J'étais perplexe, la couverture, la mise en page élaborée font penser à du Chris Ware. Mais chez Chris Ware tout est extrêmement net et précis et cette minutie quasi robotique a une incidence forte sur les histoires qu'il raconte en amplifiant encore les névroses pathologiques de ses personnages. Chez Benjamin Adam, si la complexité des mises en page est comparable à celles de Chris Ware, son trait est beaucoup moins précis, beaucoup moins froid, beaucoup plus rond et vivant. On se demande alors si ces mises en pages complexes ont un sens, si elles n'ont pas un côté purement intello et vain.
Je vous rassure, si j'ai décidé de vous parler de ce livre, c'est que ce n'est pas le cas. Les mises en pages ont beau être élaborées et complexes, l'histoire reste toujours extrêmement lisible, l'œil est guidé sans effort à travers les cases, et on ne prête vite plus trop attention à cette esthetisation formelle tant on plonge profondément dans l'histoire, si ce n'est qu'on en garde un plaisir de lire assez jubilatoire et une impression d'être séduit tout le long de la lecture, par ce côté design en parfaite adéquation avec l'époque, les années 70, où se déroule l'histoire.
Et c'est au final, l'histoire qui nous est racontée, justement, qui va marquer le lecteur. On y suit le destin inexorable de deux losers après un braquage raté dans la pure tradition du roman noir américain des années 30. Avec cette petite touche très particulière au roman noir français, de Malet à Vargas en passant par Izzo, qui consiste à y ajouter de l'humain, du quotidien et du social.
On s'attache à ces deux personnage tout en sachant dès le début que leur destin est scellé. A tel point, que rarement, je crois, je n'avais autant trépigné pour connaître la fin d'une bande dessinée ni autant détesté y arriver. Sur le fond comme sur la forme ce livre est une réussite admirable en tous points que je conseille à tous les fans de polars.
"Une centrale nucléaire c'est comme une femme, il suffit de bien lire le manuel et d'appuyer sur le bon bouton." Homer J. Simpson