Parfois, on découvre un livre et c’est une excellente surprise, je partage donc ici.
La maison de poupée est un ovni, mêlant bande dessinée, photo et théâtre de poupées.
Florence Hirigoyen raconte son histoire, une histoire d’inceste. Son théâtre de poupées lui a permis ce retour en arrière, en enfance, lui a donné la clé pour structurer et raconter ce qui ne parvenait pas à sortir autrement. Et ça fonctionne, le résultat est saisissant. L’apparente candeur du dispositif, déposé sur un cahier d’écolier, permet des plongées vertigineuses dans le réel de ce qui se joue derrière les murs, le « ce dans quoi l’enfant est acculé ». Le travail sur les corps impressionne, chaque geste, chaque posture a été pensé pour signifier. J’ai été bluffé par le cadrage, tout a été conçu avec minutie et un sens de la mise en scène impressionnant. Dès les premières planches, les dialogues sont percutants et annoncent la couleur, ce qui va suivre est dur.
Les 200 pages du livre permettent à Florence Hirigoyen de déployer son récit dans le temps, de croiser les époques, et de donner ainsi à percevoir les impacts qui, bien évidemment, sont installés à vie : son sentiment de décalage par rapport à ses camarades d’enfance, ses difficultés à lier avec autrui, sa relation incompréhensible avec sa mère et sa difficulté à placer les curseurs avec ses enfants.
Alors certes, on n’a peut-être pas envie de se confronter à cette violence, mais j’ai tendance à penser que s’y confronter, c’est aussi se donner des moyens de mieux comprendre les choses, de se donner la capacité de saisir d’éventuels signaux faibles émis par des enfants (c’est le cas ici). Trop souvent, lorsque le fil de telles histoires est déroulé, l’aveuglement et la passivité des adultes interrogent
a posteriori. Il ne s’agit pas de jeter la pierre, mais de se donner les moyens de tendre vers un mieux.
La manière de narrer distingue ce témoignage. Il est, sur le sujet, la seconde claque que je me prends après la lecture de
Triste tigre de Neige Sinno (P.O.L). Il est parfois bon de se prendre des claques !
Ce livre a paru en 2022 chez Les Arènes -
lien vers la page éditeur