L'été des Bagnold par Joff Winterhart chez ça et là

[edgarmint]

Proposé en France par çà et là, la première bande dessinée de l'auteur Anglo-Saxon Joff Winterhart :

Cet été-là avait très mal commencé pour Daniel Bagnold, un jeune anglais de 15 ans. Au lieu d’aller passer ses vacances en Floride avec son père qu’il ne voit jamais, Daniel se retrouve coincé pour tout l’été avec sa mère Sue ; le cauchemar absolu pour cet ado peu habitué à passer des journées entières en tête à tête avec sa progénitrice. Les six semaines de congés vont s’écouler au rythme lent des parties de jeux vidéos, des discussions sans fin de Daniel avec son pote Kyle, et de ses tentatives de monter un groupe de Hard-Rock poétiquement nommé SkullSlayer (massacreur de crânes). Sue, 52 ans et bibliothécaire, est confrontée à la difficulté de communiquer avec son fils amorphe. Elle se remémore ses échecs successifs avec les hommes de sa vie : son père, GI américain retourné aux États-Unis quand elle avait sept ans, son « presque » petit ami du lycée mort dans un accident de mobylette, et son mari qui l’a quittée, la laissant seule avec leur fils encore bébé...

Pour ceux qui chercheraient l'édition en VO, cette bande dessinée a été éditée en Angleterre par Jonathan Cape en 2012

La page dédiée sur le site de ça et là avec quelques planches proposées : http://www.caetla.fr/spip.php?article99

[Guy Georgou]

bonne initiative ce sujet. je ne connaissais pas. les quelques pages sur le site donnent un aperçu juste ce qu'il faut. Je suis tombé sur le livre chez mon libraire, cette après-midi. 16 euros, format à l'italienne adapté aux strips sur deux bandes. Je l'ai pris avec mon Batman-Chevalier noir, cycle de violence.
Bref, j'ai déjà lu la première semaine des vacances d'été des Bagnolds, les semaines découpant la bd en chapitre. Excellente la dégaine de Daniel, on ne pouvait mieux dépeindre l'ado à cheveux long gras, qu'il soit amateur de métal ou de reggae, crétin et glandeur, avec des éclairs d'intelligence et de lucidité, mais bien con-con quand même des fois, avec ses remarques "sympas" gratuites à sa mère.

[Guy Georgou]

j'ai terminé ma lecture. Félicitation à l'éditeur pour le bon boulot de trad ; et de relecture : pas une coquille à l'horizon. Joff est un jeune auteur à suivre. Son portrait d'ados vaut des points. Un introverti (Daniel) et son pote extraverti, Ky. Accéssoirement, le duo fera réfléchir les célibataires inconsolables de ne pas avoir eu d'enfant. difficile de faire plus ingrat qu'un ado, autant se contenter d'un chien, ou même d'un satané greffié! Et le dialogue avec sa télé peut être plus enrichissant, via la télécommande. Au moins on peut l'éteindre, voire la débrancher et s'en débarrasser. Mais un ado? Est-ce que l'auteur ne veut pas nous dire qu'il faudrait les tuer à la naissance, les ados, en fin de compte?

[toine74]

La chronique de L'été des Bagnold est en ligne !

[Guy Georgou]

Intro chronik : "Voûtés comme s’ils portaient le fardeau du monde sur les épaules, ils marchent à respectable distance l’un de l’autre, le fils derrière, traînant les pieds, les mains dans les poches, et la mère devant, semblant l’attendre, ses sacs de course aux mains. En fait, c’est surtout le poids du néant de leur existence qui leur pèse."

c'est plutôt les problèmes de communications qui leur pèse. Cette couv illustre le fossé entre les générations, qui ne se comprennent pas, déconnectées. Daniel n'est pas déprimé, ni sa mère.

[edgarmint]

Je ne pense pas avoir parlé de déprime, même si la mère est en l'occurrence déprimée. Par contre, oui, je parle du néant de leur existence, qui fait que la mère se projette dans son fils comme dans un miroir de ses ratés et que son fils ne se projette dans rien, tout à son rien (enfin un rien assez commun à cet âge là, moi-même, peut-être, à bien y regarder... mais c'est là un autre problème). Les problèmes de communication sont conséquences de ce néant, et oui, ils pèsent à la mère, par contre, son fils n'est que peu concerné par ce problème - on est fort à cet âge là ! L'auteur passe tout ça avec beaucoup de finesse, il donne à ressentir.

[Guy Georgou]

si Daniel marche derrière sa mère c'est qu'il a honte de s'afficher avec elle, c'est tout. C'est juste une tête de noeud d'ado, ingrat, comme il y en a plein (même s'il se rattrape à la fin). c'est tellement commun comme situation... En plus c'est souligné par un ou deux strips dans l'album. Le vide de son existence? il a le temps de s'intérroger là dessus, 20 ans plus tard.

[edgarmint]

Concernant ses interrogations concernant le vide de son existence, je ne crois pas dire autre chose quand je fais le parallèle avec l'album de Lauzier et que j'écris "Pour l’heure, il est dans ce rien et n’en est pas encore à de pareils questionnements existentiels." : il n'en a absolument pas conscience, il ne s'interroge pas du tout, mais alors pas du tout dessus, il le vit... façon de parler, hein.

Après, la honte de s'afficher avec elle, oui, et non, je ne sais même pas si c'est ça, je te suivrais plus sur l'idée simple que c'est un grand dadais un peu tout con et que, par principe inconscient, il se traîne lamentablement derrière elle, les mains dans les fouilles alors qu'elle porte ses sacs de courses. Aucune conscience en core une fois, inconséquence totale.

Bon, on s'envoie un peu en l'air là, c'est le principe, mais sinon on semble se rejoindre sur l'idée que c'est un très bon bouquin.

[Guy Georgou]

Tout à fait. en tout cas, à la fin, il marche à côté de sa mère. Finalement c'est un bon garçon!

[edgarmint]

Oh oui, il n'a pas un mauvais fond !!!

[Charlus]

Tout à fait. en tout cas, à la fin, il marche à côté de sa mère. Finalement c'est un bon garçon!

Non mais faut pas raconter la fin !

Bon, acheté et lu suite aux avis d'Edgar, et sans être une claque pour moi, une très agréable lecture. Le découpage par séquence donne une petite impression de feuilleton qui permet de rentrer à chaque fois directement au coeur du sentiment que nous inspirent ce fils et sa mère. C'est efficace.

Et l'effet de répétition de ces séquences fini par construire un propos cohérent, subtil et réaliste. Le dessin est assez étonnant. Les personnages sont très travaillés, ils ont du corps, alors que les décors sont quasi absents. Toujours je pense dans souci d'aller à l'essentiel.

C'est franchement à conseiller si on a pas d'a priori sur la BD "indé" !!

[vacom]

Je suis resté un peu à la porte de cet album pourtant très bien réalisé. Sans doute suis-je moins sensible aux thématiques abordées. Pour le reste, la forme est très maîtrisée et le dessin, rebutant à une première approche, est en fait particulièrement pertinent.

Un bon album !