Jacques à dit – Scénario de Fabien Grolleau, Dessins de Thierry Bedouet editions Sarbacane.Ça fait maintenant un peu plus de sept ans que je côtoie messieurs Fabien Grolleau et Thierry Bedouet, co-créateurs de la maison d'édition Nantaise Vide Cocagne et que mon admiration pour eux ne faiblit pas.
Fabien est un amoureux d'histoires et d'aventures épiques, doublé d'un raconteur hors pair, un virtuose du dessin, maitres des lavis, roi du clair obscur, au trait souple, précis et plein de vie capable de vous pondre en une nuit vingt pages à faire pâlir d'envie les auteurs les plus minutieux. Son Masque du Fantôme aux éditions Delcourt collection Shampooing est une démonstration magistrale des multiples facettes de son talent.
Thierry fait parti des quelques authentiques punks incorruptibles que je connais. Sa culture graphique ne vient pas forcément de la BD, mais plus des milieux du graphisme et de l'illustration, cela donne à son trait une originalité fascinante qui allie toujours efficacité narrative et beauté plastique, le tout associé à une impressionnante maitrise des couleurs. Ses illustrations des Contes et magies d'Afrique de Souleymane Mbodj chez Milan nous fascinent, ma femme mes fils et moi à chaque lecture.
Thierry et Fabien possèdent en commun des consciences politiques et humanistes aiguisées et une exigence extrême vis à vis de leurs travaux qui les rendraient incapables de produire quoi que ce soit de médiocre même si leur vie en dépendait. Inutile de vous dire que lorsque que j'ai appris qu'ils allaient enfin, après plus de dix ans de vie associative puis éditoriale commune, donner naissance à un livre ensemble avec Fabien au scénario et Thierry au dessin, je me suis mis à attendre avec impatience le petit joyaux qui allait en résulter. Lorsque l'on a des attentes aussi grandes vis à vis d'un livre on est bien souvent déçu.
Ce ne fut pas mon cas en ce qui concerne ce livre. Jacques à dit c'est une histoire grande comme la vie, à la fois belle et triste, pleine de poésie. Le dessin de Thierry est fabuleux, il nous fait voyager avec plaisir et fluidité du soleil éclatant de la Polynésie, à la majestueuse grisaille de Nantes et nous plonge dans les entrailles d'un navire de guerre à l'abandon.
D'une case à l'autre, sans temps mort, on regarde la mort dans les yeux, on est témoins de belles histoires d'amours sincères, on rit entre amis, on refait le monde avec eux autour d'une bouteille en crachant sur l'impérialisme nucléaire français, on se remet à grand peine d'une cuite, on assiste à la lente et triste agonie d'un mythe de la marine française, on nage avec les sirènes, on dit merde au destin... accompagnés tout du long par la musique et les mots du « grand Jacques » de Bruxelles dont l'ombre plane tel un fantôme bienveillant sur ces admirables pages.
"Une centrale nucléaire c'est comme une femme, il suffit de bien lire le manuel et d'appuyer sur le bon bouton." Homer J. Simpson