Insomnies par Germain Boudier, chez Sixto.Dans le roman noir, et en particulier le roman noir à la française, de Léo Malet à Fred Vargas en passant par Jean Claude Izzo, l'intrigue policière est un prétexte pour explorer l'humain, ses failles, ses noirceurs, sa place dans la société. Le fait de mettre les personnages face à des évènements violents, et à la mort servant de révélateur.
Mais une distance se créé souvent avec le lecteur du fait de la position particulière du personnage principal, qui est souvent policier, ou détective, donc, pas tout à fait monsieur tout le monde. Cette distance n'a rien de gênant en soit, mais ici, dans Insomnie Germain Boudier tente de placer son lecteur au plus près de son personnage principal en en faisant un vrai monsieur tout le monde ordinaire et réaliste, puis en créant une intrigue où son personnage ordinaire tomberait dans le roman noir de façon subtile et plausible. La première, réussite, de ce livre, je crois, c'est qu'il y parvient tout à fait.
A Concarneau Damien, le héros de cet histoire est un homme au bord de la dépression, coincé entre un boulot de vendeur de chaussures inintéressant et son couple qui bat de l'aile, il erre la nuit sur un sentier biscornu et mal fichu en bord de mer en fantasmant sur une vie plus aventureuse. De manière subtile, Germain Boudier joue avec son lecteur et le lance sur des fausses pistes, cette balade le long du sentier ne permet jamais d'en deviner la fin, et très subtilement sert de prétexte à une réflexion délicate sur la vie et sur nos choix. Au final on se rendra compte que chaque personnage rencontré sur le sentier le mettra face à une version alternative de lui même, de ses futurs possibles.
Quels choix va faire Damien? Vivra-t'il le grand frisson en découvrant le butin convoité et caché de braqueurs banques décédés? La noire réalité sera-t'elle à la hauteur de ses fantasmes? Sombrera-t'il lentement dans la folie? Sera-il submergé par la morne routine du quotidien? Ou trouvera-t'il une troisième voie innattendue? Tout le long du récit Germain Boudier brouilles parfaitement les pistes, en flirtant habilement avec les clichés du genre, et déroule le fil de son intrigue de manière cohérente et inattendue.
Graphiquement, l'album est très maitrisé, chaque image impeccablement composée avec un noir et blanc qui installe une ambiance lourde et inquiétante entrecoupé de quelques scènes d'actions fantasmées aux lavis de toute beauté.
"Une centrale nucléaire c'est comme une femme, il suffit de bien lire le manuel et d'appuyer sur le bon bouton." Homer J. Simpson