Eh bien pour ma part j'ai bien aimé ce bouquin !
Pour commencer — cela n'a pas dû aider Haytam à se faire connaître et donc à se vendre — pour moi, Haytam n'a absolument rien à faire dans la catégorie Alternatif (ce choix, sur un forum comme celui-ci, a forcément des répercutions commerciales et du coup c'est dommage !) Que ce soit au niveau du dessin comme au niveau du scénario ou de la narration, c'est conventionnel et donc plutôt à classer en franco-belge que dans l'alternatif...
Adaptation de Nicolas Hénin d'un récit vu par les yeux d'un enfant de 10 ans environ, Haytam, que l'on suit sur quelques années, le ton est donc volontairement simple, pas forcément simpliste. Il ne faut pas s'attendre à une analyse politique, économique ou historique poussée. Ce "lissage" reproché plus haut est donc à relativisé si on ne se trompe pas de point de vue et qu'on le replace comme il le faut, à hauteur des yeux du jeune Haytam. C'est sous cette perspective abaissée qu'Haytam saisi le contexte et c'est bien rendu, on sent les tensions comme ce qui lui échappe sous la naïveté de sa jeune perception. On ne peut donc lui reprocher ce choix narratif. Ce n'est pas le récit d'un adulte racontant ses souvenirs d'enfant, mais un récit d'enfant replacé dans le contexte, et cela permet de mieux l'appréhender.
Bien sûr la situation est plus survolée que dans un Arabe du futur, mais l'objectif est non seulement moins ambitieux mais aussi différent. Il n'y a pas ici de critique du monde arabe, hormis celle de la dictature syrienne, et encore, elle est surtout relative au contexte de soulèvement et au renforcement coercitif gouvernemental inspiré par le printemps arabe qui a débuté ailleurs avant d'arriver en Syrie. Même si le fait que la dictature ait été transmise de père en fils, de Hafez à Bachar, soit abordé, même si on sent que les libertés ont été restreintes depuis de longe date, ce n'est pas le sujet principal. Le regard est essentiellement tourné vers cette révolution arabe dont Haytam, du haut de ses 10 ans est le témoin impliqué et même parfois amusé, comme tout enfant ne saisissant pas toujours les enjeux ou le danger peut l'être. Le récit est plutôt à mettre en correspondance avec celui sur la dictature coréenne, L'anniversaire de Kim Jong-Il de Ducoudray/Allag.
J'ai trouvé ce récit très bien mené. Sans temps mort ni aucune lassitude (là où La dame de Damas m'avait passablement fait décrocher à différentes reprises par exemple), on suit les aventures de ce jeune garçon au travers des prémisses de la révolution arabe en Syrie, le soulèvement des foules, la répression et la fuite d'une partie de la population. C'est toujours intéressant, le récit tient en haleine tout au long des 77 planches.
Le dessin est à l'avenant, collant parfaitement à l'ambiance. D'un trait noir, fin, fouillé et réaliste, rehaussé de lavis, Park appuie solidement le récit par une maîtrise graphique sûre. Les cadrages et le découpage sont variés et participent sans doute aucun à rendre ce récit captivant.
Haytam est un beau récit malheureusement passé inaperçu, marquant à sa façon d'une pierre cette époque et venant s'ajouter aux témoignages sur le sujet.
15/20