En Angleterre, quelques jours avant le débarquement du 6 juin 1944, a lieu un sordide tirage au sort. Cent quatre-vingt-huit numéros pour autant d’hommes. L’ordre d’extraction déterminera celui de l’arrivée sur la plage. Les premiers seront fatalement abattus. Les suivants auront peut-être une chance de déposer une charge d’explosifs au pied d’un mur de béton et de survivre. À la pointe Guillaume, ce jour-là, Lucky Marry perdra la vie ; Alan, blessé, sera recueilli par Louison. En janvier 1964, peu de temps avant son mariage avec Louison, Alan retourne brutalement aux États-Unis, promettant de revenir vite, sans donner d’explication. Au mois de juin de la même année, à Omaha Beach, lors d’une cérémonie commémorative, Alice, qui était fiancée à Lucky, apprend des vétérans qu’un étrange contrat avait été conclu après la loterie morbide : un certain Arlington aurait échangé son numéro, le quatre, avec celui de Lucky, le cent quarante-huit, contre 1,44 millions de dollars. En cas de décès de Lucky, Alice devait être la bénéficiaire. Mais celle-ci n’a reçu aucun argent. De là s’engage une course à la fortune, à la vengeance et à la vérité.
Le premier polar de Michel Bussi, paru en 2007 sous le titre Omaha crimes, a été retravaillé par le romancier, réédité en 2014 et rebaptisé Gravé dans le sable. Philéas, qui se présente comme une maison d’édition résultant de la fusion de Jungle et d’Éditis, en propose une adaptation orchestrée par Jérôme Derache (Les Astromômes, Drôle d’histoire) au scénario et Cédric Fernandez (Saint-Éxupéry, Faucheurs de vent) au dessin. Il en résulte un thriller mené tambour battant, riche en coups de théâtre, s’enroulant autour d’une intrigue complexe. De procès et tentatives de meurtre, aux côtés d’une sénatrice sans scrupules ou d’un coiffeur tueur à gages, le lecteur est emporté entre France et Amérique, dans une intrigue à remonter le temps, à la chasse aux faux semblants et aux acteurs cachés d’un drame secret. Point de forces de police, mais un détective amoureux de sa cliente et des enquêtrices aussi amatrices que déterminées.
En dépit d’un récit subtilement ficelé et prenant, l’album ne séduit guère. Deux raisons à cela. D’une part, le parti pris narratif est exclusivement au service des événements, des faits et des réflexions des protagonistes. Il n’y a donc pas de moments (cases ou planches) permettant de donner de l’épaisseur aux personnages, de marquer des pauses ou de créer des ambiances. Le rythme est celui de certaines séries américaines, qui ne prennent pas leur temps et visent une trop importante efficacité du récit, avec un maximum d’informations données à chaque minute. D’autre part, le dessin de Fernandez, trop simple et dépouillé, n’apporte rien aux dialogues. La proportion de cases représentant deux protagonistes en train de converser est affolante. Visuellement, il ne se passe rien.
Cette lecture a au moins le mérite de réaffirmer qu’un bon roman n’implique pas forcément une bonne adaptation, qui exige également du talent, de l’audace et une vision personnelle. Mais point n’est besoin pour faire ce constat d’avaler ces cent vingt-huit pages. Il est conseillé de passer son chemin et de revenir à l’œuvre originale.
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