J'ai trouvé ça brillant.
Phil Hester au top de sa forme et Tom King trousse un excellent polar.
La manière dont King détourne une nouvelle fois les tropes attendus d'un genre, ici le polar, pour y injecter avec son intelligence habituelle les thématiques qu'il entend traiter force une nouvelle fois mon admiration.
Le sujet de la mini-série, c'est le racisme, la discrimination et la ségrégation.
King exploite à merveille la position d'intermédiaire (in-betweener) de Slam, à la fois dans l'intrigue elle-même mais surtout en montrant à quel point son statut de colored blanchi, intermédiaire elle-aussi, est intenable (ça m'a fait penser au magnifique film "Shadows" de John Cassavetes, réalisé en 1958 alors que Gotham city : Year one se déroule pile-poil à la même période - 1961).
Le final brutal montre qu'il ne sera jamais à ses yeux qu'un autre NWC (Negro went crazy), tout comme son frère l'avait été avant lui. Quelque part, c'est là qu'il quitte sa position d'in-betweener et qu'il réintègre le camp qui lui aurait institutionnellement été attribué s'il n'avait pas triché lors de son enrôlement dans la police. Très belle illustration de la fameuse one drop rule et de la manière dont la ségrégation assigne sa place à chacun.
Il y a chez King une grande finesse et une grande intelligence pour subtilement évoquer cela.
Un exemple de dialogue parmi beaucoup d'autres,
dans l'épisode 4 après que Slam ait couché avec Constance
, à propos de la cigarette :
"I got started at 13 when I was thirteen. I was angry all the time then. My older brother smoked proudly. He said it might help. I quit a few years after I quit the force. Told myself I wasn't angry anymore. Took up the pipe. Seemed more civilized."
Sans y toucher, tout est là. La colère juvénile liée à la ségrégation, la figure du grand-frère qui embrasse fièrement sa couleur. Le passage de la cigarette à la pipe en miroir de sa "trahison" de noir blanchi. Même la référence au passage à l'armée (qui ne tombe pas de nulle part parce qu'elle a déja précédemment été évoquée quand il révèle le rôle de sniper qu'il y a joué) qui constituait un espoir d'intégration pour les Noirs est présente.
En un seul dialogue de confession sur l'oreiller d'apparence assez anodine, Tom King expose le parcours psychologique de Slam, l'enrichit d'un miroir sur la condition de l'ensembe de la communauté noire et montre de quelle manière Slam s'y retrouve coincé.
N'oublions pas que l'action se déroule en 1961, on est en plein dans le mouvement de lutte pour les droits civiques qui provoque d'importantes tensions au sein de la société américaine. Et Tom King ne manque pas, ici et là, et particulièrement dans l'ambiguité de la dernière planche de jeter des ponts avec l'Amérique d'aujourdhui.
"Ca ne résout pas vraiment l'énigme, ça y rajoute simplement un élément délirant qui ne colle pas avec le reste. On commence dans la confusion pour finir dans le mystère."
Denis Johnson - "Arbre de fumée"