Pour ma part, c'est l'une de mes BD de l'année...
"Juillet 2011. C’est à cette période précise que Face au Mur allait prendre vie. Comme Laurent Astier le raconte dans son blog, les retrouvailles avec un ami photographe seront l’élément déclencheur de la future rencontre avec Jean-Claude Pautot. Le futur créateur de ce polar se voit proposer des ateliers BD dans un établissement pénitentiaire, la maison centrale de Saint-Maur. À sa première venue, Seul Jean-Claude se trouve dans la pièce attitrée. Après plus trois heures de discussion intense, quelque chose se passe entre les deux hommes. Cinq ans plus tard, le fruit d’une amitié évidente s’appelle Face au Mur.
« Bienvenue dans mon théâtre d’ombres ! » Voici comment la voix intérieure de Jean-Claude Pautot nous accueille. Elle nous accompagnera tout au long de ce sombre récit. Jean-Claude est un membre actif du grand banditisme de l’hexagone. Nous faisons d’abord connaissance avec lui alors qu’il est incarcéré dans ce qu’il décrit comme « la pire prison de France ». Celle de Lyon qui rassemble deux centres, celui de Saint-Joseph et Saint-Paul. Nous sommes en 1982, Jean-Claude, 25 ans vient d’être arrêté par l’antigang lyonnais. Un braquage de banque qui a mal tourné. Malgré son jeune âge, le surnommé « Pépé » n’en est pas à son premier coup, ni à sa première visite aux cellules.
Ce premier chapitre décrit un homme rusé, expérimenté et endurci par son passé. Des qualités intrinsèques pour préparer son évasion. Celui qui résidait non loin de la pièce ou était enfermé un certain Klaus Barbie, nous raconte de quelle façon il écourtera son séjour à Saint-Paul. Pour ne plus être confronté à ces murs, il devra faire face au vide…
Les six autres chapitres qui suivront dans Face au Mur sont présentés dans un désordre chronologique. Comme si nous parcourions les souvenirs de Jean-Claude au moment même où surgissaient de son inconscient toutes ces anecdotes narrées. Ainsi, ce qui pourrait paraître perturbant, apporte beaucoup d’épaisseur. Tant chaque partie définit une période précise de la vie du protagoniste.
Le dessinateur de L’Affaire des Affaires et de Cellule Poison a mis de côté sa palette graphique pour proposer un dessin plus réaliste agrémenté d’une couleur spécifique pour les différents chapitres. Cette technique ajoutée aux effets de plongées ou contre-plongées apportent à Face au Mur ce rythme indispensable pour décrire l’intensité de l’intrigue. On ressentait déjà cette faculté qu’avait ce jeune quarantenaire à faire « mordre la poussière » à ses lecteurs en illustrant le très réussi Comment faire fortune en juin 40. Force est de constater qu’il réussit une nouvelle fois à nous faire partager les différentes émotions par lesquelles passent Jean-Claude Pautot.
Ce dernier a du sentir toute l’honnêteté qu’il se dégageait du dessinateur. Sans quoi, sa méfiance maladive et justifiée par son vécu aurait pris le pas sur toutes les confidences apportées et qui font de Face au Mur un résultat unique en bande dessinée. Aujourd’hui, Jean-Claude Pautot n’est plus l’homme décrit dans ce récit graphique. Les armes ont laissé place aux pinceaux, les murs sont devenus des toiles qui lui permettent de s’exprimer artistiquement. Celui qui était emprisonné physiquement et intérieurement s’en est brillamment sorti. C’est certainement la plus réussie de ses évasions.
Mais avant d’en arriver là, il y a encore des épisodes à dévoiler, des zones à éclaircir. Et Laurent Astier se sert de tous ses échanges avec Jean-Claude pour qu’un deuxième et dernier tome voit le jour. En attendant, on peut se délecter de ce premier opus de Face au Mur. Cet album ne se terminant pas sur un frustrant cliffhanger, il permet une véritable plongée dans une vie tumultueuse, où se mélangent morale des truands, système carcéral blâmé. Mais aussi la possibilité d’entendre ceux qui sont condamnés au silence. "
Chronique intégrale sur : http://www.comixtrip.fr/bibliotheque/face-au-mur/