Juste pour rendre justice à Yves Frémion (collègue es-moustache du MaîÎtre), voici le texte dont parlait Courcoison ci-plus haut (trouvable et retrouvé là :
https://bdm.typepad.com/legeniedesalpag ... moris.html) :
Le Transhumoriste, portrait de F'murrr par Yves FrémionPortrait presque chinois d'un monomaniaque amoureux de L'alpe.Il ne faut pas prendre son ticket d'entrée dans le F’Murrrpark si l’on n'a pas auparavant renoncé à ce qu'on a appris à récole. La raison n'y résisterait pas. Il faut en effet la disponibilité nécessaire. C'est pourquoi son oeuvre, Le Génie des alpages en particulier, déconcerte. Il s'agit incontestablement d'une œuvre humoristique et pourtant la plupart des épisodes (deux planches en général) ne comportent même pas de gags. Son humour est implicite. Une fois entré dans l'univers f'murrrien, cet humour est acquis. Il est le paysage même de ses histoires, au même titre que l'herbage, non pas décor mais tapis sur lequel tout se passe. Aussi, une fois admis ce principe, rien ne surprend plus. On est happé, on est dedans, cet humour est notre paysage comme celui des personnages. On est littéralement alpagué....
Transhumons et résumons. Nous sommes sur le mont Blanc, gigantesque scène de théâtre verte et blanche. Le lac Léman n'est pas loin, avec des sous-marins dedans et des dinosaures paissant sur les collines environnantes. Le reste du monde, hostile bien sûr, a encore peu de prise malgré de fréquents envois, depuis la vallée, de touristes idiots, d'étrangers obtus, de fonctionnaires obsédés, de scientifiques crétins et de visiteurs agressifs. Au sommet, une « Buvette des cimes» où la serveuse Mariette est accueillante. Une maison où vit le berger qui n'a pas de nom et dont le père a manifestement fauté avec une brebis, puisque l'une, Particule, est sa fille.
Les sphynges ont de jolis seinsLe berger, fumeur de pipe, peint des fresques dans les grottes pour attirer les touristes. Il sera remplacé en cours de route par un plus jeune, Athanase Percevalve, qui lit des bédés, vêtu d'une couche de pulls. En laine, bien sûr. Il finira par sauter plus tard sur une voisine bergère mignonne (ressortissante du royaume de Meuf) qui s'obstine à apprendre une langue étrangère improbable et se trouve être également propriétaire de Choupinet, un bouc cousin du bélier noir du troupeau, Romuald, qui fait des vers et tricote.
Le chien non plus n'a pas de nom, sinon Cabot. Il élève des automates dans un trou et ses « pattuscrits » sont refusés par tous les éditeurs. Il se refuse absolument à jouer le rôle de chien de berger puisqu'il parle comme tous les animaux de la série et marche sur deux pattes comme la plupart.
Berthold le saint-Bernard ne quitte jamais son tonnelet sous le cou et «mange ses clients ». Un lion errant qui cherche éternellement son «petit Liré» comme du Bellay, a amené un temps son cousin d'Égypte, aux allures de sphinx, Katarsis, lui-même cousin du vrai sphinx, une sphynge à jolis seins et aux questions vite élucidées.
On voit passer épisodiquement un phoque, Marconi (calembour scientifique lointain avec le morse !), qui a besoin de lait de brebis pour entretenir ses moustaches, l'ourse Dorothée qui ne songe qu'à hiberner, un renard idiot qui voit des poules partout, Carotte, la rousse anglaise, et de multiples jolies touristes, le Chat Botté qui s'est trompé d'histoire, sans oublier Platon, Rostand, Galilée, Elizabeth II, Dieu et Khomeiny, qui n'ont rien à faire ici.
Quelques personnages extérieurs passent également. Notamment des héros de la BD (Tintin, Mickey, Snoopy) et des éditeurs ou critiques (Etienne Robial, Henri Filippini et votre serviteur en génie narcissique des eaux). Le bruit des véhicules volants à moteur produit un «Poutouhpoutouhpoutouh », clin d'œil à la photographe de BD Christine Poutout. Les clins d'œil sont d'ailleurs nombreux. Ce qui tombe à l'eau fait « Plioutch », en souvenir d'un célèbre dissident russe, et une barque de rivière s'appelle «Ivre» à cause de Rimbaud ...
Les vaches jouent au tennis ou au foot, une brebis se prend pour un chien et ronge un éternel os, une autre couche avec un aigle dans son nid, un ours déclame des poèmes et les corbeaux sifflotent la Paimpolaise. Des brebis joutent avec les aviateurs, montées sur des aigles qui planent en permanence sur la série, tandis que passent dans le ciel cyclistes, pères Noël, baleines, anges, péniches et TGV. D'une falaise, sort un coucou suisse à l'heure tapante et un « Sésame» ouvre la montagne (d'où sort un gant de boxe assommeur de touristes). Parfois, celle-ci se déchire ou dissimule l'abri anti-atomique des brebis. Un aviateur y cherche toujours Saintex, on y voit voler soucoupes volantes, lamas et vieux coucous tandis qu'un autocar reste éternellement suspendu en l'air plusieurs albums durant. Tous attendent le facteur Temps qui apporte le courrier sur un vélo volant à moteur d'avion, vêtu en indien. IL y a même des brebis-sirènes au fond de l'eau et toute la montagne se trouve en autogestion quand les brebis décident de vendre elles-mêmes leur laine.
Téléférique fou et « fondue au dénum »On l'aura compris: la montagne est hostile. Surtout au rationaliste dans la vallée ou au visiteur qui dérange le bon ordre parfait ci-dessus décrit. Les chasseurs se font tuer par leur propre fusil, les touristes sont lynchés, le téléférique fou écrase les skieurs, les avions se crashent, les emmerdeurs sont scalpés (« On nous tond bien, nous! ») et si une brebis bouche le trou de sa baignoire avec son canard en celluloïd, un lac se crée qui inonde le paysage. La faune est variée (lions, girafes, gnous, hermines, etc.) et les aigles font des concours d'enlèvement de brebis, comme dans le Baron Noir de Got et Pétillon.
Des micro- climats peuvent faire un mètre carré seulement et la moindre goutte de pluie peut blesser une brebis. On se nourrit de « fondue au dénum », propice aux cauchemars. Pas étonnant que (clin d'œil cette fois à René Pellos, pour qui une montagne ne pouvait rester anonyme dans le Tour de France) certaines aient toutefois un visage anthropomorphique, spectatrices résignées de toute cette fantaisie