Lecture validée aussi pour ma part !
J'ai beaucoup aimé la force et la poésie de la narration. Pourtant la preview m'avait un peu rebuté par le statisme du départ, mais j'ai toujours du mal à lire sur ordi de toute façon. Et une fois l'album en main, la double page visible dans sa totalité, le rendu est différent. Oui c'est statique mais ce n'est pas gênant, au contraire, ça pose le récit dans une sorte de calme, de lenteur à l'image de l'étendue des paysages, et de la profondeur des propos.
Le dessin tout en atmosphère est à la fois brut et poétique. Un curieux mélange qui a du caractère et qui colle bien au récit. En quelque sorte on est ici aux antipodes absolus de Prugne qui enrobe des histoires banales et creuses dans un superbe apparat. Ici c'est exactement l'inverse : l'histoire est belle, profonde et touchante, tandis que la forme brute, mal dégrossie fait plus penser à des croquis préparatoires. Mais comme toujours, quand on a quelque chose à raconter et qu'on le raconte bien, les illustrations accompagnent le récit et leur forme est à la fois secondaire et magnifié. L'inverse est vrai.
De cette histoire inventée qui aurait pu être vraie, naît beaucoup de ressenti. Thierry Murat a su intelligemment raconter son histoire, mêlant réflexions philosophiques sur la vie, la colonisation, la fatalité, l'impuissance, la bêtise, et aussi la vie personnelle et intime du héros balloté et tiraillé au milieu de ces événements qui changèrent le monde de l'Amérique du nord brutalement.
J'ai malgré tout fait un petit reproche à l'auteur que j'ai vu en coup de vent au salon de Bassillac : la planche de verre brisée p71 dont le traitement dynamique tranche trop avec le reste de l'album. Certes cela représente le mouvement comme il s'en est expliqué mais moi de lui rétorqué que le rendu mouvement n'était pas forcément nécessaire pour retranscrire l'action, par exemple lorsqu'un homme reçoit une flèche à un moment, c'est un mouvement au moins aussi brusque mais traité de façon plus statique qui s'incorporait mieux.
Je n'ai pas eu le temps de lui parler par contre du fait que dans le scénario j'aurais préféré
que le personnage ne retourne pas chez lui une première fois avant de repartir. Cela crée une coupure dommageable dans l'ambiance des grandes plaines. J'aurais préféré que la brouille avec le chef de l'expédition le fasse la quitter et que suite à ce nouveau départ il rencontre la tribu qu'il rencontrera dans son second voyage... Il n'y aurait eu qu'un seul retour donc, le retour final...
Pour finir, j'ai aimé pouvoir faire des passerelles de lectures dans ma tête avec Joséphine Baker dont je viens de finir le recommandable bouquin aussi, et dont l'histoire débute quelques décennies plus tard seulement sur des territoires vidés/exterminés de leurs occupants. Avec Monsieur désire ? lu aussi récemment et dont le final rejoint le final de Etunwan (la colonisation de l'ouest avec la ruée vers l'or naissante et de l'activité connexe liée), et enfin à l'Odeur des garçons affamés qui traite le même thème sous un angle fantastique/onirique totalement différent mais complémentaire...
17/20