El Mesias, Par Mark Bellido et Wauter Mannaert, Collection Soudain ! chez Vide Cocagne.Depuis 1989 et la chute du mur de Berlin, le capitalisme est devenue l'idéologie dominante dans le monde. Elle nous est imposée brutalement et en boucle selon une propagande bien huilée. Devant l'absurdité de ce modèle économique qui anéanti la planète et écrase les peuples, générant toujours plus de misère et d'inégalité, nombreuses sont les personnes sensées qui se disent : « Ce n'est pas possible, un autre monde doit être possible. » A ces gens, le rouleau compresseur idéologique, condescendant et dédaigneux fait toujours la même réponse : « Non, il n'y a pas d'alternative. »
Et pourtant, soigneusement ignorées par ses idéologues, des alternatives existent telles de villages de Gaulois gavés de potion magique (à ne pas confondre avec des Galloises gavées d'argent publique).
Parmi ses initiatives alternatives, le village de Marinaleda en Espagne existe bel et bien :
« Marinaleda est une commune de la province de Séville située dans le comarque de Sierra sud de Séville, dans le bassin de Genil, en Andalousie, Espagne. Elle compte une superficie de 24,8 km² et une population de 2 778 habitants (…).
Son économie repose essentiellement sur l'agriculture. Elle est connue pour son expérience sociale fondée sur une idéologie de gauche. Expérience dirigée par Juan Manuel Sánchez Gordillo maire de la commune depuis 1979 (...). La lutte ouvrière et paysanne organisée a permis d'atteindre quasiment le plein emploi pour tous les habitants.
(...)
L'économie locale est principalement portée par le secteur agricole. (...) Les bénéfices produits par la communauté ne sont pas distribués, mais réinvestis pour financer la création de nouveaux emplois ainsi que divers services et équipements municipaux (piscine, terrain de sport, etc.) que sont tous gratuits, exceptée la piscine pour laquelle l'abonnement annuel bon marché coûte 3 €.
(...)
Le salaire de tous les travailleurs, quel que soit leur poste, est de 47 euros par jour à raison de six heures et demie de travail quotidien aux champs et huit quand il s'agit d'un poste à l'usine. La moyenne du salaire dans le reste de l'Andalousie est de 30 à 35 euros par jour.
Le coût de la vie à Marinaleda est faible, à l'image du prix de location des logements (15 euros/mois) ou de celui de la garderie d'enfant (12 euros/mois cantine comprise)
(…)
La mairie offre divers services aux habitants :
à part la piscine, l'accès à toutes les installations sportives est gratuite ;
les habitants règlent seulement la moitié de leurs taxes d'habitation. Le reste est pris en charge par la commune ;
un restaurant communal dit : « syndicat » offre une restauration très bon marché, subventionnée par la mairie. Un plat y coûte au consommateur 1 € ;
l’eau potable est distribuée à la population par une régie communale. Le montant à payer est de 5 € par mois. Il est inchangé depuis 1979 ;
la crèche pour un enfant coûte 12 € par mois nourriture comprise ;
la mairie a créé une chaîne de télévision locale et associative où les habitants ont la possibilité de venir s'exprimer ;
la population est invitée à se servir des murs pour s'exprimer graphiquement et ne s'en prive pas.
(…)
La somme à acquitter pour un logement se monte finalement à 15,52 euros par mois, dont 50 centimes de frais bancaires.
À tout fils ou à toute fille d'habitant qui a besoin d'une maison, la mairie fournit le terrain, le matériel et l'architecte gratuitement, à condition que le futur habitant de ladite maison participe à la construction.
Les ouvriers qui édifient la structure sont des professionnels de la construction, des maçons sous contrat de la mairie, qui viennent en renfort pour diriger les « autoconstructeurs » et pallier le manque de savoir-faire des habitants. Les futurs voisins d'un même quartier se mettent à travailler ensemble sur le groupe de maisons à construire … » (source Wikipédia)
Mark Bellido et Wauter Mannaert sont allés à Marinaleda, ils ont rencontré ses habitants et observé leurs vies. En partant de ce lieu bien réel et de ce qu'ils y ont observés, ils ont créé une fiction.
Ils se sont inspiré d'un autre personnage bien réel, l'espagnol, Francisco Hernando surnommé « El Pocero » fils d'égoutier devenu l'une des plus grande fortune d'Espagne en spéculant sur la bulle immobilière de la fin des années 90.
Ils ont imaginé leur « El Pocero », ruiné par la crise de 2001 (ce qui a failli arriver au vrai) qui atterrirai à Marinaleda plein de désillusions après avoir été trahi par le capitalisme.
Comme tout choc des cultures, la rencontre entre l'ex-homme d'affaire impitoyable et le maire communiste de la ville (inspiré du vrai maire de Marinaleda) est propice à des situations cocasses, magnifiées par le caractère picaresque et hors normes des deux personnages.
Mais là où El Mesias est à la fois admirable et habile, c'est qu'il se garde bien d'idéaliser la réalité. Ce livre est une farce, au sens noble du terme, qui n'épargne personne et surtout n'essaie à aucun moment de faire croire que Marinaleda est un village parfait ou règne un bonheur total. Au contraire, il s'attaque de face à tous les problèmes et les défauts du système.
Parce que pour gagner, El Mesias n'a pas besoin de nous faire croire qu'un monde parfait est possible. Il lui suffit juste de nous montrer qu'un autre monde est possible, en plein coeur du système capitalisme. Il le fait avec brio, et ça fait sacrément du bien.
"Une centrale nucléaire c'est comme une femme, il suffit de bien lire le manuel et d'appuyer sur le bon bouton." Homer J. Simpson