de TOPIL » 01/02/2016 12:06
Critique trouvée sur le blog les 8 plumes (Express) :
Ce qu’il faut de terre à l’homme, Martin Veyron, Dargaud, 2016
Pacôme, un jeune paysan vit en Sibérie avec sa femme et son fils. Ils ne sont pas riches mais ont suffisamment pour eux trois. Comme tous les paysans du village, ses bêtes vont pâturer dans les champs de la Barynia, la riche propriétaire terrienne du coin qui ne dit rien. Mais un jour, le fils de celle-ci n’accepte plus que les paysans se servent des terres qui lui reviendront en héritage et il engage un contremaitre particulièrement sévère et zélé chargé de faire respecter la loi de la propriété. Quelques temps plus tard, la Barynia vend ses terres, Pacôme avec l’aide de son beau-frère se porte acquéreur de certains terrains, aiguisant son désir enfoui de devenir riche.
Cette nouvelle bande dessinée de Martin Veyron est l’adaptation d’une nouvelle de Léon Tolstoï, dans laquelle le héros se prénomme Pakhomm, écrite en 1886. C’est une histoire d’humains, de relations entre eux. La vie du village est plutôt paisible, les paysans s’entraident pour les gros travaux, notamment les moissons. Il n’est nul question de rapport de hiérarchie entre eux, chacun donne un peu de son temps pour aider son voisin et tout le monde vit en harmonie et se contente de ce qu’il a. Puis vient l’héritier qui n’entend pas laisser ses terres utilisées sans en tirer profit, puis la violence du contremaitre. Dès lors, rien ne sera plus comme avant. L’attrait du profit, d’une vie meilleure et de plus de bien, l’agrandissement de l’exploitation et donc l’embauche d’ouvriers agricoles… le cercle infernal du capitalisme et de nos sociétés occidentales. Très en avance sur son époque, Tolstoï décrit là ce qui adviendra de l’agriculture post-seconde guerre mondiale et plus globalement de la société de consommation.3plumes6
Une belle histoire très bien mise en dessins pas Martin Veyron. Les paysages varient en fonction de la saison, en Sibérie, l’hiver rend tout blanc, mais les autres saisons sont plus jaunes (les blés), vertes (les champs) et bleues (le ciel). Les personnages sont nombreux et très reconnaissables, et si l’histoire n’est pas franchement drôle, certains facétieux font sourire par leurs réparties.
Un ouvrage bienvenu en ces temps d’individualisme forcené. Il prône l’entraide, les relations humaines plutôt que le repli sur soi, l’enrichissement et la hiérarchie sociale. Martin Veyron a le bon goût de ne pas trop appuyer le trait, de mettre un peu d’humour et le message passe ainsi de manière joyeuse et évidente. Un beau travail mis en couleurs par Charles Veyron. A lire et faire lire même aux enfants, à partir d’une dizaine d’années.
Yves