de anaxarque » 25/03/2013 09:54
Judd Winick achève dans ce second volume son run sur Catwoman. A partir du numéro 13, ce sera Ann Nocenti qui prendra la relève.
Judd Winick, qui vient de la BD indépendante, s'est taillé une solide réputation dans l'histoire de Batman en ramenant d'entre-les-morts Jason Todd dans l'excellente saga Under the Hood. Son Catwoman me semble fait du même bois.
On accusa pourtant Winick, en raisons de certains plans explicites sur l'anatomie parfaite de Selina Kyle et de la nature de sa relation tout aussi explicite avec Batman, de sexisme. Cette attaque me paraît absurde pour plusieurs raisons :
- La sensualité voire la sexualité sont désormais clairement évoquées dans les comics books même mainstream : la scène du baiser très langoureux entre Superman et Wonder Woman dans Justice League ou celui entre Alan Scott et son amant dans Earth- 2 n'ont rien de bien choquant quand on y pense ; que les pudibonds sortent et nous fichent la paix.
- De même, il y a bien longtemps que les héroïnes de comics (et de BD en général) ressemblent à des top-models (voyez les plastiques d'Emma Frost, Jean Grey, Super-Girl, Starfire, Black Widow, Spider-Woman, Miss Marvel, et tant d'autres !). Souvenons-nous que la très grande majorité des lécteurs de Comics ainsi que leurs créateurs sont des hommes, jeunes, qui « imposent » leurs fantasmes sur le papier. Ils y représentent depuis toujours des hommes à qui ils voudraient ressembler et des demoiselles qu'ils aimeraient cotoyer.
- Ici, l'étalage d'une certaine sensualité n'est pas purement gratuite, car elle apporte quelque-chose à la compréhension du personnage de Selina Kyle.
La Catwoman de l'univers 52 a un comportement auto-destructeur, borderline, elle avoue "rechercher le danger, voire la mort" (cf. tome 1). Elle prend perpetuellement des risques inconsidérés qui lui mettent à dos les truands, Batman et les flics, ce qui, hélas, a des répercussions dramatiques sur ses proches. Batman aime sincèrement cette fille paumée et il aimerait bien la sauver d'elle-même et de la rage qui la consume, rage qu'il ne connaît que trop bien même s'il est parvenu à la canaliser. Mais cela est plus facile à dire qu'à faire : les relations humaines, ce n'est pas vraiment le truc du plus grand détective du monde.
Ce run est-il alors parfait ? Non cela va de soi.
Winick doit composer avec l'inévitable event (ici Night of Owls) pendant un épisode, même s'il parvient à le rendre très intéressant grâce à la présence du Pingouin, il perd de la place et un numéro de perdu sur 12, cela fait beaucoup. On ressent ainsi une certaine précipitation dans les dernières pages du numéro 12 où il doit achever son histoire et conclure de manière cohérente pour laisser le champ libre à Nocenti. Sincèrement, on aurait apprécié en savoir plus sur les motivations de Dollhouse ou sur celles de Spark.
Winick a, au final, parfaitement su replacer la figure de Catwoman dans la Gotham post-Flashpoint.
Il lui a donné de nouveaux ennemis particulièrement vicieux, de nouveaux alliés (parfois surprenants et éphémères) et (re)donné une profondeur psychologique que je n'avais pas vu depuis les runs de Brubaker ou chez Simone qui permettront à ses successeurs, s'ils savent utiliser ces outils, de composer de superbes sagas.
"On Friday night, a comedian died in New York. Someone threw him out a window and when he hit the sidewalk his head was driven up into his stomach. Nobody cares. Nobody cares but me. " Roarshach's Journal, 13/10/1985.