On parle de manga, de comics, de fumetti, mais il y a aussi un marché qui reste à explorer pour les francophones, celui de la bande dessinée russe. Pour le moment il existe des traductions en anglais et en italien des productions de la maison d'édition Bubble Comics, mais il y avait des bruits de couloir pour une probable traduction française. Pour le moment, pour ceux qui veulent se laisser tenter pour pas grand-chose, ils peuvent télécharger l'application sur leur téléphone et avoir des intégrales pour quelques euros et en anglais, vu que les applications sont à la mode ,récemment Disney a lancé la sienne, DuckToon .
Avant l'émergence de Bubble Comics en 2011 , il y a quelques tentatives de production locale (la BD sur Poutine à jamais dans mon coeur... si vous connaissez le dessin animé Rambo, c'est dans la même veine. ) , mais en Russie, la bande dessinée n'a pas le même aura, du moins avant la dernière décennie qu'elle l'aurait en France, en Belgique, au Japon ou aux USA pour prendre quelques exemples. Pour la population de Russie et notamment les adultes, ce n'est pas de la bonne littérature, au contraire c'est un moyen d'abrutir les masses et une fois arrivée à l'adolescence, il faut se consacrer à autre chose. Il y a une percée des comics américains au moment de la chute de l'URSS et encore c'était épisodique et encore plus bordélique que la période Lug et Semic en France, il y a quelques gros titres de la production franco-belge avec notamment des éditions pirates de Corto Maltese, de Tintin et j'en passe, mais rien de local et de conséquent.
2011 , Artiom Gabrelianov se lance dans l'aventure, fan de BDs, il voulait proposer au propre vision du média et même si très vite les gens ont surnommer l'univers Bubble , "le Marvel à la sauce russe" le créateur lui s'en est toujours défendu, ne voulant pas que l'on compare inlassablement son univers avec celui des américains. Il ne faut pas y voir une quelconque animosité, au contraire, le créateur avoue lui-même s'inspirer de l'univers partagé type Marvel , DC Comics ou Valiant, mais avec une touche slave, en s'inspirant du folklore local, de la politique ou de ce qui fait le charme du pays et de son peuple.
La première salve de comics arrive donc en 2011 et même si son avenir est encore incertain, on sent que les artistes de l'époque se font plaisir. Il propose le titre majeur en cinquante numéros, Major Grom, le Punisher à la sauce russe. La particularité du titre et des autres comics, c'est que nous sommes loin d'un univers policé. Les artistes sont critiques des croyances, de la justice et surtout du pouvoir. Ils n'épargnent personne et quand on suit l'actualité, on comprends par moment qu'il vise des personnages de notre monde, du moins ils s'en inspirent. Igor Grom est un personnage que j'affectionne particulièrement et ce n'est pas à cause de son style de vie qui me rappelle celui de mon oncle maternel ou son personnage Yulia Pchelkina. Pour vous donnez une idée, c'est Jessica Jones version comics et non pas celle de la série ou encore Lois Lane en plus délurée. La galerie de méchant fait penser d'une certaine manière à celle de Batman, Daredevil ou encore du Punisher. Je ne parle pas de similitude dans le look des uns et des autres ou encore leurs origines, mais dans ce côté réaliste et surtout proche de la Mafia ou des Industriels.
Sur une cinquantaine de numéros, on a droit à des aventures violentes, très violentes, mais aussi très politique, voir surnaturel par moment et avec quelques touches d'humour grotesque. Le dessin se cherche encore, par moment on dirait du comic-book, d'autre du manga dans tous les stéréotypes du genre, mais avec le temps, il se peaufine et surtout il voit émerger d'excellents artistes comme Konstantin Tarasov.
On aura droit aussi à une série plus horrifique, même si le dessin des premiers numéros confère au titre un côté plus gentillet que le laisse entendre les scénarios, je parle du titre Demonslayer, une sorte de Spawn à la sauce russe avec un personnage ayant fait un pacte dans un épisode rappelant les récits de Viy et qui par la suite se confrontera à des créatures plus horribles les unes que les autres. L'anti-héros affronte les hordes de l'Antéchrist ainsi que des créatures du folklore local comme le strigoi, les sorcières de l'Est ou les Marcheurs de Lumière. C'est un titre que je trouve vraiment charmant et c'est assez badass. On a droit à des affrontements titanesques et certaines planches sont vraiment plaisantes à voir, j'ai d'ailleurs un numéro entièrement en noir et blanc et c'est beau.
Il y a aussi Red Fury que j'ai lu en entier et qui est en soit une déception. Un titre d'espionnage écrit du point de vue de la Russie, c'était le feu pour moi, mais bon on a droit à un titre faisant penser à Danger Girl ou encore du James Bond pour le côté extravagant, alors que j'attendais un récit plus sobre, plus proche d'un scénario de Ed Brubaker pour le coup. Maintenant on voit bien que le scénariste Artem Gabrelyanov puise tout de même dans l'histoire du KGB, du FSB ou encore du GRU avec quelques allusions, quelques noms et j'en passe, mais rien de bien foisonnant. Ça reste un bon titre, c'est bien écrit, c'est fou, on a de l'action, de l'humour, mais ce n'est pas ma came pour un tel titre.
La première salve de titres se fera sur cinquante numéros. Arriveront par la suite d'autres titres, des suites à Major Grom avec toujours la même qualité, ou encore des titres plus jeunes visant un autre publique du coup.
Bubble Comics a un vrai impact dans le paysage de la BD dans le pays. Elle s'inspire des américains ou des européens certes avec par exemple des séances d'autographes (qui peuvent partir en vrille à cause des fans un peu trop heureux de rencontrer les artistes ^^) des festivals de comics, déjà pour leurs titres, mais qui se multiplient et qui invitaient avant la guerre en Ukraine des artistes en provenance des USA, du Japon, de Corée ou d'Europe au sens large. Ils ont même du merchandising désormais et des adaptations en film, vous pouvez voir le film Major Grom (excellent en ce qui me concerne) sur Netflix et il y a aussi un court métrage et un second film, non traduit encore en français, mais allant encore plus loin dans le démasticage de mâchoire ^^.
J'essayerai de vous écrire régulièrement des chroniques des sorties de chez Bubble ou d'autres petits éditeurs, bon depuis qu'il y a blocus autour de la Russie, je reçois les comics avec du retard par la presse, mais il y a toujours les versions dématérialisées, merci internet et merci à l'application officielle, mais bon j'ai du retard sur toutes mes chroniques de lecture ^^ (coucou le Journal de Spirou.)
Voilà, j'espère qu'avec mes prochains messages, je vous donnerai envie d'en découvrir un peu plus. Merci à vous.