« Bouche du diable » : le surnom moqueur que vaut au jeune Youri, orphelin miraculeusement recueilli en Ukraine à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, le bec-de-lièvre qui lui déforme la lèvre... Mais qu'importe, puisque la nation soviétique, qui s'est généreusement substituée à ses parents absents, a rêvé un exaltant destin d'exception pour cet enfant perdu : devenir l'un de ses envoyés les plus secrets de l'autre côté du monde, dans l'enfer capitaliste de ses ennemis américains...
J'ai exhumé cette BD de l'enfer de mes relectures. Ce qui m'avait frappé dans le bon sens de prime abord, c'était le contraste entre les aspects sordides de l'histoire et la luminosité visuelle qui domine tout au long des chapitres, contraste renforcé par un dessin au trait nerveux, tourmenté, riche en détails. L'univers stalinien et post-stalinien moribond passe mieux sous un ciel bleu.
Pour diverses raisons, certaines scènes contribuent aussi à redonner un coup de fouet à la lecture: le dépucelage avec les prostituées, les perspectives d'immeubles vertigineuses sur le chantier de construction, le rêve expressionniste, le vitrail qui explose à la fin, etc. Le jeu entre troubles de la personnalité et monde de l'espionnage a un air de déjà vu mais reste intéressant car bien amené.