Seymour, 27 ans, juif d’origine irakienne, est monteur dans le cinéma du Hollywood des années 1970. Films de série B, bandes annonces… il n’est que simple exécutant au sein des studios Revery. Or, Seymour se rêve cinéaste, et espère qu’il pourra bientôt réaliser son premier projet, Blood of the virgin, un film de loup-garou qu’il a presque fini d’écrire. Lorsqu’on lui propose enfin de le produire, le budget alloué est minime, on lui en refuse la direction et il s’en retrouve très vite complètement dépossédé. Seymour traverse en même temps une crise dans son couple, fragilisé depuis la naissance de son fils.
Tout semble lui échapper à mesure qu’il s’accroche. Seymour évolue dans un système qui broie les individus, les rend fous ou désabusés. Dans un monde où les apparences deviennent identités et les vérités avancent sous le masque du non-dit, il n’a pas d’autres choix que de partir en quête de lui-même et de la femme qui partage sa vie.
Cette histoire captivante et profonde sur le désenchantement du rêve hollywoodien s’enrichit de digressions géographiques et temporelles, de changements de points de vue et d’un découpage nerveux et cinématographique. Rien n’est laissé au hasard dans ce récit qui témoigne d’un pays et d’une industrie en pleine mutation et qui aborde avec justesse des thématiques telles que la parentalité, le déracinement ou l’Holocauste. Jusqu’à sa conclusion, Sammy Harkham réussit avec brio à nous plonger dans le quotidien de ses personnages, dont la sensibilité et l’imperfection provoquent immédiatement l’attachement.
Plus d'infos chez l'éditeur
Malgré une oeuvre restreinte, Sammy Harkham est une figure essentielle du comics alternatif de ces 20 dernières années, en créant le fanzine Kramers Ergot. La revue concentre tous les auteurs qui comptent dans l'indé américain et international, s'inscrivant dans la continuité d'un RAW (édité par Art Spiegelman dans les années 80) ou d'un Zero Zero (Fantagraphics dans les années 90). Harkham crée également le fanzine Crickets dans lequel il publie l'essentiel de ses travaux, dont celui qui nous intéresse, Blood Of The Virgin, qui est sans doute son oeuvre la plus ambitieuse. Et on peut rendre gloire à Cornélius qui le sort dans une version inédite (les chapitres compilés, format remanié, passages inédits...) dans sa belle collection Solange.
Le synopsis de l'éditeur pose bien le truc et explique bien les enjeux, on peut ajouter que Blood Of The Virgin a été un work-in-progress dont la publication s'est étalé sur une décennie et qui a trouvé sa conclusion l'année dernière. C'est aussi un puzzle bâti sur les aspects de la vie de Sammy Harkham (son père juif irakien, ses études en école d'animation, le Los Angeles de son adolescence, la naissance de son fils...). Enfin, l'essentiel : sobre, sans esbroufe, c'est une leçon de de gestion du rythme et de composition, au service des personnages, dialogues, détails, etc... une très bonne BD, dans le haut du panier de la production alternative américaine.