de anaxarque » 23/09/2013 09:29
Happy ! : L'instant Millerien de Grant Morrison ?
Happy est l'histoire de Nick Sax, un flic déchu qui a perdu son emploi, sa femme et sa dignité. Colérique, misanthrope, alcoolique, il est devenu un tueur un gage.
A l'approche de Noël, par mégarde, il refroidit le neveu du chef mafieux le plus dangereux de la ville.
Blessé, il se réveille à l'hopital et découvre avec effarement qu'une petite licorne bleue, en peluche, qu'il semble le seul à voir lui parle et le supplie d'aider une petite fille en péril éminent... Elle a été enlevé par un pervers se grimant en Père-Noël.
D'abord réticent, Nick se lance à sa traque avec les policiers et la mafias à ses trousses...
Ce récit édité par Image Comics aux USA comporte quatre chapitres, cela est bien court pour développer les psychologies des personnages. Nick est un ronchon et une machine à tuer les salauds. Happy, l'étrange peluche parlante est dotée d'un optimisme quasi inébranlable et sert de contrepoint à son improbable "partenaire".
Le scénario n'est pas très original, pas plus que les personnages qui sont que des stéréotypes du genre. Pourtant, le récit est absolument magnifié par un Dareck Robertson en très grande forme qui peint comme personne une ville agonisante, une authentique Sin City où tout semble corrompu : les hommes politiques comme la police. la neige elle-même semble sale, comme grisâtre et boueuse...
Happy, ami imaginaire de la petite fille enlevée, est la seule trace de beauté dans cet univers. Happy parait comme déplacée, dans cette Babylone moderne.
Cette opposition graphique, voulue par les créateurs, symbolise le but du livre et de la quête du héros : le sauvetage de l'enfant est le dernier espoir pour cette cité afin de retrouver un peu de pureté.
Alors non, décidément, le scénario n'est pas subtil. Nick jure comme un charretier et massacre ses adversaires avec sauvagerie comme le feraient Marv ou Dwight à Sin City. Dans cette ville déchue, le recours à l''ultraviolence et au sadisme du "héros" sont les seules et uniques chances de survie pour les rares innocents... Comme dans Sin City, la fin paraît évidente, mais Morrison parvient, par son talent, à nous mener sans ennui aucun à cette conclusion logique.
Happy n'est certes pas la meilleure œuvre de Grant Morrison, mais on y retrouve son savoir faire : l'histoire avance vers son climax final avec une implacable logique. Si les personnages sont des archétypes, ils n'en demeurent pas moins réussis. Morrison voulait clairement faire un polar à la Miller ou à la Tarentino, il s'est bien amusé et a accompli son but : transmettre ce plaisir un brin coupable aux lecteurs qui aiment, comme lui, ce genre de récits bruts et "virils". Le dessin de D. Robertson, absolument magnifique, apporte une plus-value incontestable à l'album.
Amateurs de Grant Morrison, de thrillers glauques et poisseux, de polars virils très violents, avec beaucoup d'humour noir, où le taux de mortalité est affolant, mais où une certaine fantaisie est présente, Happy mérite absolument votre attention.
Dernière édition par
anaxarque le 23/09/2013 15:51, édité 1 fois.
"On Friday night, a comedian died in New York. Someone threw him out a window and when he hit the sidewalk his head was driven up into his stomach. Nobody cares. Nobody cares but me. " Roarshach's Journal, 13/10/1985.