Pour rappel, la preview :
http://www.bdgest.com/prepub.php?IdPrepub=1081Je montrais Balthazar à deux lecteurs de BD. Pour protéger leur anonymat je prends des pseudos excentriques.
Dr. No a écrit:Je ne pense pas avoir l'esprit particulièrement étriqué, mais j'ai feuilleté des catalogues d'exposition qui se rapprochaient davantage d'une bande dessinée.
Ecole Marcinelle a écrit:Balthazar c'est intéressant. C'est pas de la bd, mais y'a qq chose derrière.
Les bras m'en tombent. J'ai l'impression de voir deux gros balourds qui sortent éberlués d'une projection de "Twin Peaks" et qui se rendent compte que "La soupe aux choux", c'était en salle 2 finalement.
Pour essayer de situer l'affaire, sur le système narratif, on est du niveau d'Andreas, Chris Ware, Charles Burns ou encore Scott Mc Cloud. Que ce soit dit.
Je conseille de lire ce qui suit avec le livre entre les mains.
Sur les thèmes abordés, Bathazar, qui est le nom d'un des trois rois mages, est une histoire de mystification qui mêle à la fois l'immaculée conception et la nativité. C'est bourré de détails et je ne prétends aucunement posséder toutes les clés. Je vais vous livrer ma perception. N'oubliez pas le guide, les questions à la fin, merci.
Dès la page de garde par exemple, l'étoile filante, qui est sensée guider les rois mages symbolise aussi un spermatozoïde qui féconde un ovule à la page de titre suivante.
On va retrouver ce symbole de fécondation et le thème de la nativité dans les illustrations et documents qui sont proposées dans les premières pages de l'album, en introduction de la BD.
S'y ajoute aussi le thème de la confrérie mystique sous la forme des 5 moines à chapeau. Toutes les oeuvres ont été réalisées par l'auteur, y compris la sculpture et le film n&b, sauf peut être la couverture d'Amazing Science. Ce ne sont pas des images d'archives. La mystification commence là, y compris les deux pages de notes serrées qui sont un pipeau total mais aussi le cœur du récit, sur fond de prophétie, de société secrète et de sélection biologique. Notez qu'on retrouve ce principe chez Chris Ware, qui, on le sait tous, ne fait pas non plus de la BD, ca se saurait. Je crois que la BD a été réalisée avant l'émergence de Chris Ware si j'ai bien suivi l'interview de l'auteur réalisée par Thierry Groensteen, à la fin.
Notez aussi, sur la couverture, les étoiles qui ne sont pas sans rappeler des chromosomes et qui sont en fait une reproduction de la page 59, j'y reviendrais.
Document-annotation 9 : On nous montre une planche de bande dessinée "old school" avec un héros de base arrêtant, trop tard, nos 5 moines qui ont déclenché un rayon fécondateur sur une adolescente. "Too late, you ignorant fool ! A better future await us !" (ce document est important pour comprendre la fin du récit). Toujours le thème de l'immaculée conception. Dans les notes des notes, on trouve aussi de nombreuses références à la création d'un être divin (féminin), la femme en tant qu'incubateur etc. Super-être féminin dont on retrouve l'avènement en couverture d'Amazing Science (document-annotation 7).
Document-annotation 10 : on retrouve dans les extraits du film les trois éléments : La femme, les moines, le rayon fécondateur. On trouve aussi allusion au mythe de Danae, qui lui existe. "Danaé fut retenue captive dans une chambre de fer par son propre père, le Roi d’Argos, afin de l’empêcher de tomber enceinte, car l’oracle de Delphes a prédit que le Roi serait tué par son petit-fils. Jupiter, épris de Danaé, parvient malgré tout à la féconder en prenant la forme d’une pluie d’or". Là encore on retrouve en écho dans la mythologie grecque et la religion catholique, l'immaculée conception, la vierge et la création d'un être divin.
Pour résumer, les documents tendent à accréditer l'existence d'une confrérie secrète millénaire dont le but est créer un être divin, féminin.
Bon, le récit maintenant. Interviennent les concepts d'interne et externe, de visible et d'invisible. Je ne vais pas faire le fier, sur le début, je patauge un peu. Comme dit plus haut il me fait penser à "The Element of crime" de Lars Von Triers et du coup, je pense que je suis dans une mauvaise direction. En tout cas, Il y a deux univers qui se causent, c'est très Andreassien.
Passons à la page 42 : Un organiste de rue reçoit un signal, il ouvre le tiroir (notez les clés), sort un rouleau sur le boitier duquel est dessiné le symbole de la secte de Balthazar et joue la mélodie. Celle-ci arrive à l'oreille d'un moine qui se met en route.
Pages 43 : on a la représentation mentale du moine concentré sur sa tâche et pour qui la réalité n'existe plus. Un strip sur deux le représente seul, et l'autre strip représente la même scène mais avec la réalité d'où il s'est replié. Il est en mission.
Pages 44/ 45 : l'homme du sous marin à accompli sa mission.
Page 46/47 : là on a une vision très Scott McCloud. La pièce est représentée comme un cube déplié dont chaque coté, vu en écorché, représente la scène dans toute sa temporalité et sa séquentialité. Les dessins blancs sont les pensées des deux protagonistes. Grosso modo l'un pense qu'il faut vite faire le ménage, l'autre n'en a rien à foutre si ce n'est qu'une brouette serait la bienvenue pour porter le corps trop lourd. La danseuse n'est qu'une allégorie du moment où il redresse le corps pour le mettre sur son dos. Un court instant il danse avec le mort. Cf. la planche à l'envers
(thème de la danse qu'on retrouvera plus loin). Page suivante on a le cube vu de haut.
Pages 48/49 : le moine rejoint ses frères d'arme dans leur repère. Notez que les mains "écrivent" le mot BALTHAZAR en langage des signes. Ils envoient un signal, toujours représenté par l'étoile/spermatozoïde. Notez qu'ils ont la même position que dans la 6e image du film (document 10).
Page 50 à 52 : la cible est identifiée par un compère dans un vaisseau planqué dans un nuage (cf. document 9). C'est une jeune fille qui a une peur panique d'un chien. Sa fuite est suivi au au radar alors qu'elle rentre chez elle. C'est elle qui doit être fécondée.
Page 53 et suivantes : dans sa chambre l'élue ouvre son journal intime, elle est amoureuse de son prof de science nat (SVT on dit, maintenant
) qui est lui en relation avec une autre prof (ou la mère d'un élève).
Page 58/59 : les chromosomes de la couv sont en fait la représentation des habitants des maisons de la page précédente (toujours le switch interne/externe qu'on a déjà vu), qui sont sur elle comme un feu de pentecôte. On retrouve la pluie d'or du document 10 et le mythe de Danae.
Page 60 et suivantes : elle imagine qu'elle danse pour son prof et s'offre à lui. Ce qui me fait penser que c'est imaginaire c'est que la page 61 reproduit des cases des pages 56/57 mais avec la fille à la place de la femme en bleu. Elle s'imagine en position de séductrice et d'être aimée (aux deux sens de l'expression).
Page 64 : prostrée, elle déroule sa vie qu'elle aurait pu avoir après cette union imaginaire, avec l'enfant qu'elle éduque, la vieillesse solitaire, le temps qui passe etc.
Bref, tout ça est le délire d'une fille hystérique (du grec hystera, signifiant utérus), amoureuse de son prof et qui imagine coucher avec lui, tout en étant l'élue. La crise de folie est déclenchée par le stress consécutif à sa phobie des chiens.
Pour le baigneur, je ne sais pas.