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alouses qui se crêpent le chignon, marâtres tyranniques, concurrentes pour conquérir le cœur d’un homme, oiselle fragile appelant de ses vœux un (beau) sauveur... Les femmes ne seraient-elles que cela ? Réunies dans une salle, Marie Curie, Cléopâtre, Jeanne d’Arc et Rosa Parks entendent rendre leur stature à leurs consœurs laissées pour compte par une historiographie faite par les hommes. Elles convoquent ainsi le souvenir des figures féminines qui, à travers les siècles, ont su s’unir pour faire avancer leur cause.
Un peu à la façon des Culottées de Pénélope Bagieu (chez Gallimard, en 2016 et 2017), Caroline Cohen Ring a choisi, pour sa première bande dessinée publiée chez Glénat, de dresser les portraits de plusieurs femmes qui ont, à un moment ou l’autre, marqué l’histoire.
De la dame de Cavillon, dont le squelette a trop longtemps été considéré comme celui d’un homme, à Mahsa Amini, Iranienne emprisonnée parce qu’elle ne portait plus le voile, le tour d’horizon traverse les époques et les lieux. Reine révoltée (Boadicée), guerrières scythes à cheval, poétesses ou écrivaines engagées (Sappho, Christine de Pizan), espionne (Etta Palm d’Aelders), militantes des droits des femmes (Millicent Fawcett, Emmeline Pankhurst, Huda Sharawi, les sept sœurs Nardal) se succèdent chronologiquement. Si certaines de ces dames bénéficient d’un chapitre en leur nom propre, d’autres sont rassemblées par le biais d’une lutte commune (comme dans « Des actes et des mots » s’intéressant aux suffragettes). Ainsi, l’autrice évoque la polémique historiographique qui, du XVe au XXe siècle, a débattu du statut des femmes dans la société et revendiqué l’égalité des sexes. « Qui porte la culotte » éclaire, pour sa part, sur cette expression tirée du langage populaire et sur les différences qu’impliquait l’imposition d’un vêtement féminin ouvert, facilitant l’accès à l’intimité donc aux abus, au contraire d’un pantalon constituant une barrière. Par ailleurs, hors du champ européen, il est question des mouvements féministes égyptiens (des années 1950 à 2011), du long combat pour les droits des noires mené par les Martiniquaises Paulette et Jane Nardal, sans oublier Mahsa Amini et Armita Garavand qui ont osé se dévoiler au pays des Mollahs et l’ont payé de leur vie en 2022 et 2023.
Le format obligeant la scénariste à aller à l’essentiel, ces vies sont retracées dans leurs grandes lignes, mais mettent l’accent sur l’engagement au profit du groupe, de la sororité. Le ton se veut léger, dans la bienveillance, malgré le sérieux de plusieurs situations. Quant au dessin, il s’inscrit dans une veine semi-caricaturale et croque toutes ces protagonistes une bonne expressivité. Le décorum étant moins important que le message, il ne faut pas chercher les détails qui restent portion congrue. Les couleurs pastel habillent l’ensemble avec douceur.
Soutenu par un graphisme simple et plutôt agréable, Histoires de sororité a le mérite de remettre en perspective et de souligner l'entraide féminine au nom de toutes, à travers quelques destinées éloquentes. Un thème certes dans l'air du temps, mais toujours utile.
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