Quasiment inconnue en France, l’œuvre de Philippa Pearce jouit, outre-Manche, d'une forte popularité. C'est l'un de ses romans, Tom et Le Jardin de Minuit, qu’Édith a choisi d'adapter dans la collection Noctambule des éditions Soleil. Jouant sur la fibre nostalgique, dans des ambiances victoriennes que l'auteure affectionne particulièrement, l'album trouvera un écho, certes fort différent, aussi bien chez les adultes que parmi les plus jeunes lecteurs.
Comment avez-vous eu connaissance de ce roman ?
Édith : J'ai lu ce roman à l'âge adulte . Mais je ne me souviens plus qui me l'a prêté à l'époque.
Quelles ont été les difficultés pour l’adapter ?
E. : En fait, je me suis rendu compte en écrivant l'adaptation que, contrairement à mon appréhension première, je n'ai pas rencontré de difficultés. Je crois que, pour avoir énormément aimé ce roman et l'avoir plusieurs fois relu, j'avais déjà une certaine vision de l'histoire et de ce qui m'avait le plus touché. Alors l'écriture a été assez évidente.
Retrouver, comme dans Basil et Victoria ou Les Hauts de Hurlevent, des ambiances victoriennes, est-ce le seul fait du hasard ?
E. : C'est une question que je me suis posé, que l'on m'a posée, mais je n'ai jamais pu y répondre. Pourquoi je me sens à l'aise dans ce 19e siècle reste un mystère. Car je n'aurais pas eu envie d'y vivre, la vie d'une femme à cette époque, vu du 21e siècle, ne me semblant pas particulièrement enviable. Je n' aurai sans doute jamais de réponse...
Qu’apporte la narration à la première personne du petit garçon ?
E. : Je voulais centrer l'histoire sur les trois personnages principaux, Tom, Hatty et le jardin et donc me passer d'un narrateur. Et ensuite, je me suis aperçu que les narratifs sous la forme des lettres que Tom écrit à son frère l'ancrait dans la réalité entre deux passages dans le Jardin et du coup servait bien le principe du récit.
Allan semble quelqu’un de très pragmatique et cartésien, voire austère. Le parfait contrepoids de Tom ?
E. : Je ne l'ai pas vu tout à fait comme ça. Oncle Allan n'a visiblement pas de capacité à s'émerveiller, c'est évident. Il n'a pas non plus l'habitude des enfants et s'adresse à Tom comme à un adulte et ces deux traits de caractère sont sans doute liés. Mais Tom a aussi ce besoin de comprendre, même si les données du problèmes ne sont pas du tout les mêmes pour lui et pour son oncle.
Comment expliquez-vous que le succès du roman ait été beaucoup plus important outre-Manche qu’en France ?
E. : Je ne sais pas trop. Il y a une tradition anglaise du roman sinon fantastique, en tout cas de l'étrange, avec par exemple Henri James, Stevenson, Lewis Carroll... Le genre de la ghost-story est aussi un genre plutôt anglo-saxon, il me semble... Mais je ne m'y connais pas assez en histoire de la littérature pour analyser le fait que Tom et le Jardin de Minuit soit si peu connu en France.
Philippa Pearce étant décédée en 2006, comment avez-vous négocié les droits du romans ? Qu’ont pensé les ayants droit de la bande dessinée ?
E. : Les droits ont été négociés par l'éditeur avec l'ayant-droit, c'est-a-dire sa petite-fille. Et si elle n'avait pas une idée précise de ce qu'était une bande dessinée ( et donc une adaptation en BD ) au départ, elle a aimé le résultat.
À qui s’adresse ce livre ? Aux adultes, nostalgiques, ou aux enfants, avides de découvertes ?E. : Au départ, j'ai réalisé cet album en pensant aux lecteurs adultes, pas forcement nostalgiques. La nostalgie implique une idée de mélancolie, de tristesse. Avec cet album, je voulais donner aux lecteurs un billet aller-retour pour certains de leurs souvenirs en les emmenant, comme Tom, se promener dans les souvenirs de Hatty. Et même si, pour certains, cela entraîne une certaine émotion plus ou moins ressentie, je n'avais pas l'intention de suggérer le moindre regret. Après, chacun fait sa propre lecture de cette histoire.
Comment avez-vous abordé graphiquement cet album ?
E. : Graphiquement, ce qui m'a enthousiasmé dans cette adaptation, c'est le projet de dessiner un jardin, immense, infini et avec une grande liberté. Construire ce décor végétal tout au long de l'album a été un véritable plaisir.
Vous êtes-vous inspirée de personnages réels, notamment pour croquer Tom et Hatty ?
E. : Non. Tom et Hatty sont venus très naturellement. Là aussi, mes lectures successives du roman m'avaient déjà permis de donner corps aux personnages.
Philippa Pearce a écrit ce roman relativement jeune. Pensez-vous que la fibre nostalgique puisse s’éveiller à n’importe quel moment de la vie ?
E. : Ça me parait évident. Et si je n'ai pas mis d'intention nostalgique dans cette adaptation, je connais la nostalgie comme tout le monde et depuis très, très longtemps. Et en y pensant maintenant, j'étais beaucoup plus nostalgique enfant qu'actuellement. Nostalgie d'un temps que je n'avais pas connu et qui passait par les vieilles photos de familles, les objets, les lectures... Pour ça aussi, je n'ai pas d'explication...
Quels sont vos projets ?
E. : Je viens de commencer un album Jeunesse sur une histoire de Rascal pour les éditions Pastel, qui s'appellera l'Œuf du loup. Et j'ai en projet "Les brèves de Mimosa" qui sont des strips écrits par Catmalou, et dont les premiers ont été édités dans les deux premiers numéros du Anita Bomba Comics.