Un premier tome sorti en septembre 2018, le sixième et dernier tout juste disponible : RIP a été du début à la fin réglé comme du papier à musique. Une mélodie certes parfois un peu macabre mais qui a su fédérer une floppée de lecteurs attendant chaque nouvel opus avec impatience et une certaine délectation presque sadique. L'entretien ayant été réalisé il y a quelques semaines, Gaet's et Julien Monier attendaient le jour J avec une certaine impatience...
Le deal d'un tome par an sortant entre août et septembre a été respecté à la lettre...
Julien Monier : C’est parce qu’on est très scolaires. Je n’ai toujours pas vu l’album et j’ai toujours peur qu’il y ait un souci d’impression.
Gaet’s : Ça a été dur mais on a réussi. Les albums sont arrivés à la librairie et apparemment tout va très bien.
J. M. : Le choix de septembre était au départ un choix commercial. Avant le gros rush et juste après l’été, c'était pas mal. Une fois qu’on avait choisi ça, on voulait tellement rassurer les lecteurs qui s’intéressaient à la série qu'elle irait jusqu’au bout, qu'on a absolument tenu à garder ce rythme.
G. : D’expérience, on voit bien que les séries qui s’éternisent ou qui mettent trop de temps avant de sortir le tome suivant perdent des lecteurs. Vu que c'était une série avec des cliffhangers, on avait envie de maintenir en haleine, il fallait aussi qu’on assure derrière et qu’on ne nous oublie pas. Le but était aussi de ne pas se faire oublier.
Quelques jours avant la sortie de l'ultime tome, comment vous sentez-vous ?
G. : Pour l’instant, je ne m’en rends pas trop compte parce que j’ai la tête dans le guidon sur d’autres projets à venir. Mais de l’avoir déjà dans les mains donne une petite appréhension de savoir si le final plait, on n’est jamais trop sûr de soi. Je pense qu’au bout d’un mois quand on aura eu le retour des premiers lecteurs, des premières critiques, on sera déjà un peu plus rassurés, ou pas...
Une série concept qui se termine dans les temps avec une fin prévue dès l'origine du projet, c'est plutôt rare !
J. M. : Je pense que c’est parce que c'était prévu en six tomes. En plus de vingt tomes, je ne suis pas sûr que le projet aurait été à son terme. Je trouve qu’on est assez chanceux en règle générale. On est partis sur ce nombre de tomes qui me parait cohérent rétrospectivement, on a eu le bon rythme. On a eu de la chance sur la façon dont la BD a été reçue par le public et ça nous encourageait à continuer, à finir cette petite aventure comme on l’avait imaginée. C’est vrai que ça s’est passé comme prévu donc on est agréablement surpris. Je ne pensais pas que ça intéresserait autant de lecteurs cette histoire de racistes qui pataugent dans la mouise. C'était un chouette projet, c'était du plaisir à faire et de l’avoir mené à son terme.
Le scénario était-il déjà entièrement ficelé en 2018 ou a-t-il évolué au fil des tomes ?
G. : Un peu des deux. On avait l’ossature générale de base, on avait nos six personnages et on savait dans quel ordre ils allaient se présenter et évoquer leurs galères. Par contre, on se laissait une grande marge d’improvisation quant à leurs vécus, à leurs vies, à leurs quotidiens. On avait nos débuts et nos fins de chaque tome, on savait où on allait, on avait une boucle à boucler et c’est pour ça qu’on savait qu’on allait s’arrêter à six tomes et que notre histoire avait une fin. Généralement, on avait les grandes ficelles de notre histoire. On s’est laissé pas mal d’impro et, parfois, on s’est fait un peu plaisir avec des petits challenges qui pouvaient provenir de rencontres, de films, ou de séries qu’on regardait...
Quelles étaient vos références justement en termes de films ou de séries ?
G. : Il y a du Fincher, du Scorsese, et plein d'autres références cinématographiques qui sont diverses et variées. Ça peut aussi être dans le roman polar ou dans d’autres BD. J’aimais bien les persos de Berceuse assassine avec les constructions à tiroir de Ralf Meyer et Tome. Avec Julien, on la chance de s’être vite retrouvés sur les mêmes références, on a les mêmes goûts niveau cinéma et musique. Ainsi, ça nous permet de pouvoir avancer ensemble et de s’y retrouver tous les deux.
Julien est arrivé de suite sur le projet ?
J. M. : Le premier tome était écrit en entier, contrairement à tous les autres tomes. Gaêtan l’avait écrit plusieurs années auparavant. D’après ce que j’ai compris, il avait fait des essais avec d’autres dessinateurs(trices) mais qui étaient un peu impressionnés à l’idée de dessiner ce genre de choses pendant six ans. Je suis arrivé après coup, dans un second temps sur le projet. J’ai fait quelques essais et ça a convaincu Gaëtan.
G. : Ce qu’il faut savoir, c’est qu’avant de le proposer à Julien, je l’ai proposé à plusieurs éditeurs sans Julien et personne n’en voulait. Je m’étais dit qu’il fallait que je trouve d’abord l’éditeur et, finalement, ce n’est pas toujours comme ça qu’il faut démarcher. Une fois que Petit à petit m’a fait confiance, m’a même donné les rênes de la direction éditoriale, on m’a mis en contact avec Julien et là, ça a matché.
Éditer chez Petit à petit n’était pas une évidence dès le départ ?
G. : Pas du tout, au départ on m’a même laissé l’opportunité d’aller le présenter à d’autres éditeurs. Petit à Petit aimait bien le projet mais ils le trouvaient en dehors de leur ligne éditoriale qui est très axée docu-BD. Je l'ai donc porté ailleurs mais personne n’y croyait, même le Label 619 qui, pour moi, était un éditeur idéal. Finalement, au bout d’un moment, Olivier Petit (éditeur de Petit à Petit, NDLR) m’a dit de me lancer. Il m’a dit de me débrouiller et m’a donné un budget. Au début, on y est allés vraiment avec humilité sur le premier tome, c'était un tirage à cinq mille et on est restés un peu dans l’anonymat. On a finalement été jusqu’au bout et Petit à Petit nous a constamment soutenus. C’est l’avantage avec cet éditeur, ils n’avaient pas le choix, on avait signé pour six tomes. Tout s'est vraiment déclenché au troisième tome. Avec le recul, je me dis que si on avait présenté le premier tome aux autres éditeurs avec le dessin de Julien, ça aurait convaincu davantage. L’histoire s’est faite comme ça et tant mieux pour nous et pour Petit à petit.
Nommer le premier tome « Derrick », c’est gonflé...
J. M. : C’est sûr que les amateurs du crime allemands ont été très déçus en lisant le tome un (rires). Comme Gaëtan le rappelle souvent en interview, ce n'était pas une volonté de coller à Derrick le fameux inspecteur nazi, c'était parce qu’il avait rencontré un gars qui faisait sensiblement le même travail que Derrick et qui s’appelait Cédric. C'était donc un petit clin d’œil sans mettre le vrai prénom.
G. : Peut-être qu’un jour il sera plus connu que l’ancien Derrick ? On verra !
La série est caractérisée par un découpage très cinématographique...
G. : Ça permet de marquer une pause sur des sujets qui sont assez sombres et lourds. Ça me permet aussi de mettre de petites références, comme on peut le voir dans des séries comme The Wire qui insèrent des citations d’un des personnages. On voulait rendre hommage à des choses qu’on aimait bien ou parfois juste citer des chanteurs ou des extraits de films qui collent au récit. J’imite Tarantino parfois dans ses découpages, le chapitrage permet de faire des ellipses faciles qui ne tombent pas comme un cheveu sur la soupe. Ça permet de faire une respiration, une pause, des pages faciles à faire pour Julien.
J. M. : Quand je les vois venir, j’adore ! Je sais que je vais gagner beaucoup de temps par rapport à une vraie planche et du coup je souris toute la journée.
Vous avez un livre de citations à portée de main ?
G. : Elles ne viennent que des romans que j’ai lus, des ouvrages que je connais, des chansons que j’aime bien, des films que j'ai vus. Parfois, j'en vois passer une sur les réseaux mais les trois quarts proviennent des choses que j’aime et que j’apprécie.
Comme Ahmed, aviez-vous un tableau dans votre bureau avec les personnages et des fils les reliant entre eux pour ne pas se perdre dans le récit ?
G. : J’en ai un. En ce moment, je suis sur un autre projet et j’y mets toutes mes petites notes, mes idées. Le tableau actuel est assez propre, celui de RIP était plus bordélique, il y en avait dans tous les sens et j’en faisais un pour chaque tome. Pour construire chaque album, on en parle d’abord avec Julien, ça me permet d’avoir un deuxième regard, un peu plus de recul, et de ne pas faire d’erreurs sur la chronologie, sur le cheminement. Le tableau m’a bien aidé.
Comment éviter le coté répétitif, donner à chaque tome un impact supplémentaire pour ne pas lasser le lecteur ?
J. M. : L’intérêt de la série se situe aussi dans l’écriture des personnages. Dès lors qu’ils deviennent centraux dans l’histoire, revoir des scènes déjà vues avec leur point de vue permet de garder le lecteur attentif je trouve. Chaque tome suit un personnage avec sa propre vision du monde, il me semble que l’intérêt est là. En termes d’intrigue, on est plus dans l’ordre du clin d’œil quand on voit la scène, c’est même ludique quand le lecteur doit fouiller sa mémoire pour se souvenir dans quel tome il l’a déjà vue. Même si le tome précédent n’est pas « frais » dans l’esprit, ça permet de lire l’histoire sans que ça ne devienne un labyrinthe insurmontable de références de tome en tome.
En ce sens, le tome consacré à Fanette, qui n'a jamais été présente sur les scènes principales, n'a-t-il pas été différent à écrire ?
G. : C’est le seul personnage féminin, il avait donc déjà un caractère un peu différent au milieu de tous ces dégénérés. Elle a un regard extérieur, neutre, mais sans spoiler, elle fait partie du puzzle. C’est l’avant-dernière pièce, il ne reste que quelques morceaux à ajouter. Ça n’a pas été différent à raconter, les scènes sont peut-être un peu moins glauques, il y a moins de mouches... L’histoire est tout aussi sordide je pense. Tous nos personnages ont des vies de merde et se retrouvent seuls et ils prennent à partie le lecteur dans leur solitude qui devient complice de chaque personnage. L’intérêt de RIP est aussi de trouver un personnage qui est à chaque fois effacé dans les autres tomes. Le seul qui parle et qui ouvre un peu trop sa gueule, c’est Eugène.
Pour chaque personnage, il y a une référence à son enfance. C'était important pour expliquer leurs choix de vie ?
G. : Exactement. C'’est hyper important de connaître le passé, les casseroles, les lourdes valises qu’ils ont pour arriver à faire ce dur labeur, à être dans cette misère totale et avoir ces mœurs. Qu’est-ce qui a amené ces enfants qui avaient tous des rêves, comme nous tous, à faire ce boulot ? On se dit qu’ils ont marché à quatre pattes, qu’ils ont joué à l’école, qu’ils ont eu des copains, des ruptures amoureuses, ils ont eu des échecs et des réussites... Qu’est-ce qui fait que, d’un coup, c’est un échec total dans leur vie ? C’est important de le rappeler et d’aller au plus profond de nos personnages.
J. M. : Ça permet de les humaniser, plus généralement. Sinon, il y a toujours le risque que les personnages ne soient pas très attachants car la plupart ont quand-même plus de défaut que de qualités. De tout recontextualiser permet de voir que certains ont des raisons derrière leurs comportements.
Pour un dessinateur, c’est amusant de faire rajeunir ou vieillir un personnage ?
J. M. : Je serais tenté de dire oui. Après, les pages de flashback ne sont pas si nombreuses que ça dans l’album. Il y a souvent quatre ou cinq pages où on voit l’enfance d’Albert, Maurice ou Dolorès... Ce n’est pas le gros de l’album, c’est souvent une petite respiration, une petite parenthèse rigolote qui permet de chercher une ambiance différente en termes de couleur, de graphisme mais je ne pense pas que ce soit un truc assez récurrent pour que je m’y sois énormément attardé.
G : Ce qui est rigolo, c’est quand on voit par exemple sur Eugène les traits physiques communs avec ses parents, et ça c’est aussi un truc qui est assez intéressant. Quand je découvre les dessins de Julien, je m’amuse à les chercher, ça montre bien que ce sont les parents du personnage que l’on voit sur les pages d’après.
Il y a beaucoup d’humour dans la série, ce qui passe aussi par des dialogues truculents...
G : L’humour noir pinçant, c’est quelque chose qu’on aime bien avec Julien. L’épisode avec la morte vivante dans le sous-sol est un vrai fait divers que j’ai vécu il y a trois ou quatre ans. Mes voisins se sont enfermés dans leur congélateur et la femme est restée vivante puis est sortie parce qu’elle avait trop froid, le mari, lui, est mort. La bêtise humaine et les faits divers regorgent de trouvailles qui nous permettent d’en rire par la suite. C’est ça qui est dur dans RIP, d’arriver à rire de la mort, ou de ces choses tristes, glauques et malsaines. Quand Albert dit qu’il est tombé amoureux d’une jeune junkie et qu’il l’aurait bien embrassée alors qu’elle a la bouche pleine de vomi et qu’elle est morte, ça amène à sourire parce que c’est complètement absurde. D'un autre côté, on se dit aussi qu'on n’a pas trop le droit de sourire car c’est quand-même pas bien ce qu’il fait. C’est très dur de faire rire les gens, de faire de la BD humoristique.
Julien, comment avez-vous trouvé graphiquement tous vos personnages ?
J. M. : J’ai été assez libre. Je crois qu’à la fin du premier tome, en bonus, on met les quelques docs que Gaëtan m’avait envoyés pour me dire ce qu’il avait un peu en tête, il y avait deux ou trois visages d’acteurs/d’actrices. Au final ça n'y ressemble pas du tout et ça a continué d’évoluer de tome en tome. J’ai un dessin mouvant comme on dit pudiquement. On s’était juste mis d’accord sur casquette et barbe. Il y a des personnages que j’ai mis plusieurs tomes à trouver. C’est aussi parce qu’à la lecture des premiers tomes je ne savais pas qu’ils auraient une importance sur le long terme. Albert change beaucoup par exemple. J’aime bien RIP parce que, graphiquement, c’est une BD que j’ai faite très spontanément. Je pense que j’ai trouvé mon style, ce mélange de semi-réalisme et de trucs détaillés dans les décors avec des couleurs particulières.
Julien, vous attardez-vous beaucoup sur ces scènes de dialogues afin de rendre le récit plus vivant ?
J. M. : Oui mais je ne passe pas non plus des heures à me poser la question de comment ça va être. Je sais spontanément que quand il y a deux personnages qui parlent, si on reste dans un champ/contre-champ un peu répétitif, on va perdre le lecteur. On est donc obligés de trouver des astuces. Dans cette scène du début du tome six avec le scientifique et le flic, ça se passe dans un endroit qui est complètement calciné. En cherchant la doc sur internet, j’avais été assez saisi par le fait qu'une maison calcinée offre des visions très géométriques, il ne reste que des ossatures noircies. Je trouvais ça marrant d’exploiter vraiment le décor même si encore cette planche est plus axée sur les personnages.
G. : La couleur aussi, avec le fond vert-gris-beige, j’aime bien. Il y a toujours ces petits rappels avec les gants, les uniformes, ça n’a pas du tout l’air sinistre comme un décor gris-noir tout brûlé, il y a quand-même une patte de couleur qui amène un peu de vie.
Justement, comment gérez-vous la palette de couleurs ?
J. M. : Dans RIP, la difficulté de trouver des codes couleurs qui permettent de simplifier les passages entre les moments de narrations et de flashbacks, que tout soit un minimum compréhensible par le lecteur. Plus on avançait dans l’histoire, plus il fallait trouver une nouvelle palette de couleurs, je ne pouvais pas tourner éternellement sur les mêmes kakis et verdâtre du tome un. C’est pour ça qu’on arrive finalement à des couleurs assez tranchées. À partir du tome quatre, avec Albert, il y a pas mal de rose. Je trouvais ça marrant, alors que c’est un tome assez sombre, d’avoir des couleurs assez gaies. Pareil pour le tome cinq avec l’ambiance de boite de nuit, c'était un prétexte pour exploiter des couleurs plus pop, plus turquoise, fuchsia... Il y a un code couleur pour chaque personnage et pour chaque moment dans le temps.
En plus de « l’unité narrative », il y a aussi une « unité de couverture », sauf pour le tome un où on ne voit pas le visage de Derrick...
G. : C’était plus pour montrer le coté scientifique qui rappelle un peu Dexter avec ces combinaisons genre Tchernobyl. On ne connaît pas encore Derrick dans le tome un, les lecteurs n’ont pas encore cette affinité avec les personnages. La couverture du tome un a été pensée plus autour de l’histoire que du personnage, on s’est dit qu’ensuite le personnage parlait et qu’il serait mis en avant de cette façon. Sur la couverture, il y a déjà son nom et le sous-titre mais, encore une fois, je ne pense pas que c'était l’idée de base. Il faut qu’il y ait une régularité entre les différentes couvertures pour que le lecteur reconnaisse immédiatement la série. Les titres de chaque tome sont très courts, les titres à rallonge sont pour les one-shot. Je trouve qu’un titre qui claque dont on peut vite se rappeler, et demander quand on va réclamer le livre, c’est important. Après, Julien a amené la couleur pour chaque tome. On sait que le tome jaune c’est Fanette, le tome rose c’est Albert, le tome bleu c’est Ahmed et le rouge, ce sera donc Eugène.
Vous parliez d’un nouveau projet commun...
J. M. : J’ai commencé à dessiner l’adaptation d’un livre qui s’appelle Fan Man, un livre américain des années 70 qui parle des déambulations new-yorkaises d’un doux-dingue, de ses aventures totalement lunaires dans les rues de New York. Graphiquement, ça va être dans la veine de RIP, ce n’est pas un polar, on est plus entre Las Vegas Parano et Don Quichotte. Ça sera chez Petit à petit.
G. : C’est un one-shot de cent-cinquante pages à peu près dans la même collection que RIP. Il sera prêt l’année prochaine je pense, si tout va bien, hein Julien ?
J. M. : C’est long à dessiner (rires), on verra...
G. : Pour noël 2024 au plus tard ?
J. M. : C’est peut-être de l’ordre du possible. Je fais tout à la palette graphique, je vais plus vite que sur papier. En général, je fais un et demi à deux albums par an. Pour RIP, ça allait assez vite parce qu’on avait nos habitudes de travail, il n’y avait pas de phase exploratoire un peu longue. Pour Fan Man il y aura plus de pages et ça parle d’un mec qui a entre autres le syndrome de Diogène donc il accumule les objets de manière totalement anarchique. C’est marrant graphiquement mais c’est très long à dessiner.
G. : Et on lui demande énormément de choses entre les couvertures différentes, les affiches, le jeu de société qu’on vient de sortir... On prépare une intégrale pour plus tard, deux fois trois tomes, entièrement recolorisée. Elles seront en noir, blanc et jaune, façon série noire entre Berceuses assassine et Sin City. Il y a aussi tous les petits goodies que l’on fait à coté, les marque-pages, les cartes de vœux, tout plein de petites choses en plus qui prennent du temps.
J. M. : On ne s’ennuie pas c’est sûr. On flirte avec le burnout mais tant qu’on s’amuse ça va.
G. : Julien fait aussi partie du collectif sur les parcs animaliers qui vient de sortir chez Petit à Petit (Auprès des animaux, NDLR). Il a fait notamment les planches sur l’opération d’une girafe au parc de Paris. On a aussi un autre projet chez Dupuis, tous les deux encore, en partenariat avec le rappeur Gringe, qui a écrit un roman sur la schizophrénie de son frère qui s’appelle Ensemble, on aboie en silence. Après ça, on a encore une idée de polar sur une série qui aura lieu dans des décors similaires au grand nord canadien ou scandinave et ça sera en plusieurs tomes chez Petit à petit. J’ai déjà des esquisses de scénario à mettre une fois qu’on aura fini nos deux autres projets. Fidèles jusqu’au bout, on ne se lâche plus.
J. M. : Les mêmes, mais en plus vieux !
G. : J’ai aussi un projet chez Aire libre avec Sylvain Bauduret au dessin, un thriller politico-social sud africain avec en toile de fond le braconnage, qui fera environ cent-cinquante pages. Le thème tournera autour du braconnage des rhinocéros et la culture zoulou du Natal. J'ai aussi d’autres projets chez Dupuis, notamment un one-shot qui sera illustré par Vincenzo Balzano qu’on a pu voir chez Ankama, avec l'adaptation d'un roman de Dimitri Rouchon-Borie qui s’appelle Le Démon de la colline aux loups que je co-scénarise avec lui. Ce sera un roman graphique de cent-quatre-vingt pages, pour l’année prochaine ou 2025. Vincenzo est rapide aussi, il fait tout à l’aquarelle, ce sera très graphique, assez joli, très aqueux. Chez Dupuis, je vais aussi avoir une série sur des zombies vegans avec l’illustratrice Clé. Ce sera trash un peu dans le genre de Walking dead. Il y aura de l’humour noir, de la politique, de l’émotion, avec aussi pas mal de cliffhangers très cinématographiques et des références, musicales et du cinéma. J'ai une autre série qui sort l’année prochaine, en jeunesse cette fois. Ce sera au Lombard et ça parlera de petits dinosaures qui vont partir dans une quête pour découvrir comment ne pas disparaître. C'est très mignon, ce sera illustré par Clotilde Goubely qui fera ses premiers pas dans la BD. Ce sera une série pour les gamins avec des albums de cinquante pages. Le storyboard est terminé, on a déjà les premières planches, ce sera surement pour le printemps ou l’été prochain. Chez Petit à Petit, il y aura également un deuxième opus d’Un Léger bruit dans le moteur qu’on avait sorti en 2012 avec Jonathan Munoz. Cette fois, ce sera Un Léger goût sous le palais. Ce ne sera pas une suite mais l’histoire d’une petite fille qui tue des gens avec Etienne Friess au dessin, tout à l’aquarelle et pour la fin de l'année prochaine. Il y a aussi un album de commande chez Glénat sur les combats de chars, avec Alessio Cammardela qui évoquera le conflit indo-pakistanais de 1965 dans le Cachemire. Il y a déjà deux tomes sortis dans la même collection sur la bataille des Ardennes et la bataille d’El Alamein.
J. M. : C’est une liste sans fin !
G. : J’ai plein d’autres idées encore pour Le Lombard, pour Dupuis et Petit à Petit, d’autres séries que je suis en train de pitcher petit à petit en ce moment avec d’autres illustrateurs. Beau programme à venir pour les futures années.