Si Dans la Tête de Sherlock Holmes a reçu le prix de la Meilleure Couverture des derniers BDGest'Arts, il serait bien dommage de ne pas pousser la curiosité un peu plus loin en découvrant l'histoire concoctée par Benoît Dahan et Cyril Liéron. Encore un récit sur Sherlock Holmes ? Oui, mais c'est cette fois par le prisme du cerveau du célèbre détective que l'enquête se déroule en enchaînant les trouvailles graphiques et narratives. Un pur bonheur de lecture !
Qu’est-ce qui donne envie aujourd'hui de se réapproprier le personnage de Sherlock Holmes ?
Cyril Liéron : Pour nous c'était d’abord une prise de risques. C’est Benoît qui, au départ, m’a parlé du projet. Nous sommes tombés amoureux de Sherlock petits, à travers le cinéma d’abord et plus tard par les bouquins et la littérature. La décision de reprendre ce personnage provient d’un véritable amour et nous avions la volonté d’apporter quelque chose de nouveau. La reprise devait se justifier en changeant de point de vue. Cette fois ce n’est donc pas Watson qui est le narrateur mais on est dans la tête de Sherlock Holmes. En utilisant le vocabulaire qu’on trouve dans les romans comme « la mansarde » qui est vraiment stipulée dès Une Étude en rouge ou encore le fil rouge qui s’emmêle, qui se casse, lorsqu’il lance des pistes. De le transcrire graphiquement dans une bande dessinée, ça, c'était l’idée de Benoît au départ. Moi je pensais que c'était plutôt une difficulté pour convaincre les éditeurs du fait qu’il y a déjà énormément d’adaptations de Sherlock Holmes. Que ce soit Dracula ou tous ces personnages emblématiques qui ont marqué avec le cinéma, le jeu vidéo, il y a à boire et à manger. Je craignais personnellement qu’il y ait une forme de saturation et qu’on nous dise que notre projet était sympa mais que ce serait non car il y en avait déjà trop. C'était plutôt risqué. On n’a pas choisi ce personnage par facilité, mais vraiment parce qu’on en avait envie, retrouver quelque chose qui revienne aux sources. Avoir un Sherlock authentique, même si on aime beaucoup par exemple la série Sherlock de la BBC - on trouve qu’elle est vraiment intelligemment adaptée -. On voulait retrouver l’époque victorienne et le trait de caractère vraiment fidèle au personnage et à Arthur Conan Doyle, mais en ayant un point de vue différent.
Quels sont les éléments indispensables à insérer dans un récit de Sherlock Holmes ?
Benoît Dahan : Comme incontournables, il y a la pipe, la drogue, sa tenue très connue bien sûr. Ceux qui le connaissent bien savent que Sherlock ne porte son fameux chapeau, le deerstalker, et la cape Inverness qu’à la campagne, normalement il ne porte jamais ça en ville. Ce n’est même pas décrit dans les livres, c’est l’illustrateur qui, à l’époque, avait créé cette tenue pour la campagne, c'était un choix à faire : allait-on aller à fond dans les codes avec cette tenue justement avec le chapeau pour que tout le monde le reconnaisse tout de suite ? Nous avons choisi un entre-deux qui est à peu près le même que dans la série où, en gros, il a un chapeau haut de forme quand il est à la ville et quand il va à la campagne il peut avoir la tenue que tout le monde connaît. Ça, ça fait partie des codes, mais il n’y a pas que le visuel, il y a bien sûr aussi son attitude, son caractère. Comme disait Cyril, notre but, l’originalité on l’espère, de notre projet, c’est de changer de point de vue et voir comment fonctionne le cerveau de Sherlock Holmes à l’intérieur. À part ça, nous sommes 100% fidèles à ce qu’a fait Conan Doyle dans les moindres détails, le caractère, la manière de parler des personnages, de leurs habitudes, etc. On suit les codes au plus près. Ça nous a même valu la joie que la société Sherlock Holmes de France nous dise qu’elle a vraiment beaucoup aimé notre BD et qu’elle nous soutient. Il faut savoir qu’elle est quand-même très pointilleuse lorsqu’il y a quelque chose qui n’est pas trop respectueux de l’oeuvre originale.
Pouvez-vous nous en dire plus sur cette société ?
B.D. : On pourrait dire que c’est une sorte de fan club qui existe depuis très longtemps, depuis les années 90 en France. En fait, il y a au moins une société Sherlock Holmes dans chaque pays du monde et même plusieurs dans certains pays comme le Japon ou les États-Unis. La première, c’est celle d’Angleterre ou celle de New York. Certaines sont plus connues que d’autres. Ce sont des passionnés, ils vont discuter de Sherlock Holmes, organiser des évènements, des repas, parfois en déguisements, parfois pas, ce sont un peu les premiers cosplayers. Nous avons en fait contacté le président de la société Sherlock Holmes de France, Thierry Saint-Joanis, plutôt vers le dernier tiers de cet album, parce qu’on voulait avoir confirmation pour certains détails, être sûrs pour l’adaptation des affaires parce que notre histoire s’inscrit aussi dans la chronologie officielle des affaires de Sherlock. Ils nous ont donc aidés pour certains détails y compris pour la suite.
Vous évoquez Peter Cushing dans les remerciements, est-ce pour vous l’acteur qui a incarné Sherlock de la façon la plus magistrale ?
C.L. : En ce qui me concerne, oui.
B.D. : Nous sommes tous les deux d’accord là-dessus.
C.L. : D’autant plus que c’est mon tout premier contact avec Sherlock Holmes. C'était à l’occasion du film Le Chien des Baskerville avec Christopher Lee aussi. C’est vrai que Peter Cushing est un acteur que j’admire énormément, qui est capable dans un décor en carton pâte d’incarner son rôle en deux secondes. Il avait vraiment un excellent jeu d’acteur. On sentait qu’il y croyait ou en tout cas il nous faisait y croire. C’est donc à la télévision que j’ai vu Le Chien des Baskerville avec la vieille émission d’Eddy Mitchell, La Dernière séance, où il y avait toujours une petite séquence d’introduction où il explique la genèse du film, le pitch, etc.
B.D. : Nous avons tous les deux la même impression quand on voit Peter Cushing, avec les pommettes creusées comme dans le film, vraiment maigre. Conan Doyle parle d’un bras interminable, c’est celui qui y ressemble le plus, il a les pommettes vraiment saillantes, légèrement émaciées, ça colle parfaitement. Même s’il y a eu aussi d’autres très bon acteurs pour incarner ce rôle.
Vous avez co-écrit le scénario. Comment avez-vous travaillé à quatre mains ?
C.L. : Benoît adore travailler le scénario, il n’est pas que dessinateur. Il est très impliqué et très créatif donc, pour lui, ce n’est pas concevable de ne pas s’impliquer, surtout dans un projet comme celui-là qui est un petit peu complexe. Le fait de travailler à deux est pour nous une valeur ajoutée, véritablement. C’est à dire que ça permet de rebondir sur les idées de l’autre, les enrichir, échanger entre nous.
B.D. : Un brainstorming en fait… Des réunions de travail où on réfléchit ensemble.
C.L. : Oui, presque à tout… Après on ne peut pas dire qu’il y en ait un qui ait eu plus d’idées que l’autre, c’est vraiment un partage à 50/50 sur les idées. Je vais avoir une idée, mettons, sur tel type, s'il se passe ceci à la fin, le pourquoi, quel est le but de l’antagoniste ou des choses comme ça, Benoît va en avoir d’autres.
B.D. : L’idée de la fin du diptyque c’est Cyril qui l’a écrite…
C.L. : Et l’idée de concept c’est Benoît qui l’a eue. Il est venu alors qu’il travaillait sur Psycho-Investigateur avec Erwan Courbier qui est aussi un ami commun, en 2013, et il m’a dit « là, j’ai un truc, ce serait de rentrer dans la tête de Sherlock Holmes ». Parce qu'il y a toujours un peu de la frustration quand on entre dans ce genre de nouvelles. Parce qu'on sait très bien la difficulté qu’a représenté Sherlock Holmes pour Conan Doyle. C’est un personnage qui a un peu bouffé sa vie, qui l’a dépassé en notoriété, au point qu’il l’a tué quand même. Pendant dix ans il ne voulait plus en entendre parler et ça se sent parfois dans certaines nouvelles. Il y en a certaines qui ne sont pas un peu bâclées mais presque, où il y a Watson qui va lui demander « Comment vous avez trouvé cette solution ? » Et Sherlock de répondre « Il suffit de trouver une bonne quantité de tabac »… Donc pour ces nouvelles là, on trouvait ça un peu frustrant. Benoît me disait que ce serait chouette de voir comment il fonctionne dans sa tête et d’utiliser le vocabulaire des romans pour le transcrire graphiquement. Parce que Sherlock décrit lui-même son cerveau comme étant une mansarde dans laquelle l’ouvrier adroit y stocke les outils nécessaires à l’exercice de son art.
B.D. : Il y a cette phrase dans L’Étude en rouge…
C.L. : Dans le tout premier roman en fait, avec leur rencontre, c’est comme ça qu’il décrit son cerveau et c'etait tout le concept de la série, le fil rouge.
B.D. : Ça ce sont aussi des mots qui reviennent régulièrement dans le bouquin, le fil rouge…
C.L. : Par exemple, dans Le Chien des Baskerville, vous avez « trois fils se cassent » parce qu'en fait le fil symbolise une piste qu’il a lancée et elle n’aboutit pas donc il peut se casser.
B.D. : Ça peut se casser, s’emmêler… « Quel fil nous mènera à la vérité », etc, c’est du vocabulaire qui revient assez fréquemment. Ça vient de là, on prend au pied de la lettre certaines des expressions employées dans les livres et il faut les illustrer.
L’originalité vient également du traitement graphique...
B.D. : Alors oui, c’est lié à la question précédente effectivement. On travaille ensemble un peu pour tout. Donc en fait, au moment où on commence à réfléchir effectivement à ce qu’il va y avoir dans chaque page, il n’est pas rare que je fasse des petits croquis pendant qu’on parle. Il y a des idées par rapport à une situation qui s’imposent presque tout de suite, parfois non. J'y réfléchis chez moi et je soumets mes idées à Cyril par la suite. Je souhaite, quand on tourne la page, que quelque chose d’immédiat se dégage tout de suite. Rien qu’en regardant la structure de la page on sait un peu déjà de quoi ça parle. Par exemple, sur la page avec la forme de la loupe, on se doute qu’on va avoir Sherlock en train de fouiner avec sa loupe. On va donc en gros essayer de dégager un élément emblématique de la scène soit par ce qu’il s’y passe, soit parfois de façon subliminale avec juste un élément architectural, comme la page en ovale où ça repend les moulures du plafond du St Bartholomew's hospital. Ça peut être soit un jeu graphique qui fait écho avec l’architecture, soit une référence à ce qu’il se passe vraiment dans la page. Ça c’est un truc que j’ai développé petit à petit sur la série précédente Psycho-Investigateur, surtout sur le dernier, L'Héritage de l'Homme-Siècle où je suis allé plus loin dans les mises en page tarabiscotées et aussi des effets de narration un peu spéciaux du genre regarder le papier par transparence, recourber une page ou d’autres choses comme ça.
Qui est-ce qui vous a inspiré le personnage de Watson ?
B.D. : J’y suis allé un peu fort sur la mâchoire, je voulais qu’il ait quand même un coté un peu costaud. Quand il y aura des scènes d’action, on verra qu’il est fort, c’est un ancien soldat, mais médecin quand même.
C.L. : Très souvent dans les films, on ne sait pas pourquoi, ils ont pris des acteurs où Watson est carrément plus âgé que Holmes, il fait vraiment vieux, un peu bouboule et benêt et franchement plus stupide que dans les livres.
B.D. : Voilà, c’est ça. Dans les livres il ne l’est pas à ce point là on va dire. Donc on voulait qu’il soit un peu plus beau gosse quand même. Pour Sherlock c'était vraiment Peter Cushing, même si je n’en fait pas un portrait exact mais c’est une inspiration forte alors que pour Watson il n’y a pas un acteur en particulier. Il est censé être très charmeur, il adore les femmes. À chaque fois qu’il y a une scène avec une femme il ne peut pas s’empêcher de dire qu’elle est très jolie, pour faire contraster justement avec Sherlock qui est complètement insensible à ça. Donc il lui fallait un coté un peu baraqué…
C.L. : Tout en ayant un visage bienveillant, c’est un Saint Bernard. Il a énormément d’empathie, c’est à l’opposé du coté un peu froid de Sherlock Holmes. C’est le personnage le plus humain en fait, même si Sherlock l’est aussi à travers ses défauts. Il a aussi un coté super-héroïque quand on le prend dans les bouquins, il a même presque une super force, il peut tordre les tisons à mains nues, etc, moi j’ai essayé et je n’y suis pas arrivé (rires), il a une super mémoire... Ce sont ses défauts qui vont le rendre plus humain. Tandis que Watson, véritablement, c’est son humanité et son empathie qui le caractérisent. Et c’est ce duo de personnages qui fonctionne très bien, on a vraiment un personnage complet avec ces deux personnages là. On avait envie de lui rendre un peu ses lettres de noblesse et d’en faire un personnage à part entière, intéressant aussi, même si évidemment quand lui s’essaye à faire du Sherlock Holmes et des déductions, généralement ça se passe un petit peu moins bien.
L’approche est assez ludique. Comment jongle-t-on avec l’aspect sérieux, le fait que l’on est attendu au coin du bois pour l’adaptation du personnage justement ?
B.D. : Ça justement, ça fait partie de ce qui pouvait nous différencier. Il y a déjà tellement de projets de BD Sherlock Holmes que c'était important de ne surtout pas différencier gratuitement et d'éviter le gadget. Comme pour la découpe de la couverture, il faut que ce soit justifié, il faut que ça colle bien. Pareil à propos des artifices - même ce mot est négatif -. Pour les effets de la transparence du papier, c’est un coté ludique. Ça vient aussi, comme dit Cyril, du fait qu’on a beaucoup pratiqué le jeu de rôle, les jeux de société, donc ça nous anime et en fait, l’enquête-même à la Sherlock Holmes se prête tellement bien à un coté ludique. Ce n’est pas pour rien s’il y a eu plein de jeux de société sur Sherlock ou de jeux vidéos. Après, on voulait vraiment avec nos éditrices chez Ankama ne pas faire un livre-jeu. Ça existe aussi et c’est très bien, je ne dis pas le contraire, c’est juste que c’est autre chose, ça ne se vend pas de la même manière non plus. Nous voulions que ça reste un album qu’on lit pour l’histoire avec quelques éléments ludiques mais pas un livre-jeu. Il a donc fallu doser.
C.L. : C'était aussi une manière d’impliquer le lecteur un petit peu plus et une façon d’utiliser le média BD d’une façon un peu différente qui vient reprendre les éléments qu’il peut y avoir dans le livre pour jeunesse. Mais comme le disait Benoît de ne pas en faire un livre-jeu pour autant. C’est à dire qu’on prend quelques idées, quelques astuces, ou on les trouve nous-mêmes. Comme on est dans la tête de Sherlock Holmes c’est l’occasion aussi d’impliquer le lecteur avec un degré un petit peu plus élevé.
Pour le deuxième tome, vous avez déjà trouvé des astuces ?
C.L. : Oui, et on en cherche encore ! Surtout des astuces qui n’ajoutent pas de coût de fabrication. On n’en est pas encore à avoir une loupe qui va être attachée à l’album ou quelque chose à gratter où il y aura une odeur, non, on essaye avec des astuces de pages et de composition, ce qui est vraiment difficile pour Benoît. Par exemple, les effets de transparence lorsqu’on a cette fameuse poursuite, pour lui, le fait que ça fonctionne et qu’on voit le personnage au travers, que l’on comprenne qu’en fait c’est une scène simultanée, c'était un gros casse-tête, pourtant ça semble simple comme ça.
B.D. : Ça complique la mise en page pour que ça colle bien.
En termes de coût de fabrication, la couverture n’a pas posé de souci particulier ?
B.D. : Évidemment c’est un peu plus long à fabriquer qu’une couverture classique. En fait, quand on l’a proposée aux éditrices, elles se sont renseignées, elles trouvaient ça très sympa comme idée donc ça ne les a pas freinées là-dessus et puis finalement ce n’était pas si cher que ça. Avant c'était le genre de choses qui se faisait toujours en Chine alors que maintenant ce n’est plus nécessaire, c’est fait à Tournai, chez Lesaffre en Belgique donc à 10 minutes de chez Ankama !
Pour revenir sur la conception de la couverture, comment vous est venue l’idée ?
B.D. : Cette couverture là était un peu une évidence en fait puisque tout est dit dans le titre, Dans la Tête de Sherlock Holmes. Contrairement au Psycho-Investigateur où j’avais fait plein de couvertures différentes, là c'était évident. Dès qu’on a commencé le projet au début avec Cyril, j’avais directement fait une petite esquisse, pas exactement pareille bien sur mais, avec le profil de Sherlock Holmes et si possible une découpe et qu’on voit à l’intérieur cette bibliothèque. C’est apparu de manière évidente.
La couverture du deuxième tome sera du même genre ?
B.D. : Il y aura toujours une découpe, en fait, mais pas la même.
C.L. : Il y en aura une différente à chaque fois et c’est devenu un peu la signature de la série.
Faire rentrer une enquête en deux tomes est-ce une contrainte ?
C.L. : On l’a conçue comme ça en fait, comme étant une histoire avec pas mal de pages, au moins 80/90. D’abord parce que c’est une enquête, il faut poser les éléments, que l’intrigue naisse et on voulait qu’elle naisse à la façon de Conan Doyle. Il fallait donc qu’au départ on commence sur les chapeaux de roues, et il fallait introduire le concept pour que les lecteurs comprennent comment ça va fonctionner dans la BD, comment on rentre dans la tête de Sherlock Holmes, comment il récolte ses indices, comment il les traite, les trie… Donc on avait tout ça à présenter et pour ça il nous fallait de la place. Quand on a présenté le projet chez Ankama, tous les synopsis détaillés étaient écrits avec un découpage des scènes. Il aurait pu être fait en un gros tome ou un diptyque, ce fût un choix éditorial de la part d’Ankama.
B.D. : Quand on a démarché les éditeurs, on savait que notre histoire ferait environ 90 pages et ensuite c'était à l’éditeur de choisir, là ça a été Ankama et on a été très très contents. On a proposé les deux possibilités et ce sont eux qui ont choisi. On avait prévu un moyen de couper l’histoire en deux au cas où. Comme sur le dessin c’est un travail de très longue haleine, les planches sont hyper travaillées, j’avoue que ça me convient aussi. Parce que je ne me vois pas faire 90 pages travaillées comme ça sans avoir de retour, il y aurait un coté un peu oppressant quand même, donc en 46 pages ça va déjà un petit peu mieux (rires). Après c’est sûr que ça fait une attente pour les lecteurs…
Se retrouver dans une sélection comme Fnac/France-Inter en fin d’année, ça fait plaisir ? (L'entretien a été réalisé au mois d'octobre 2019, NDLR)
C.L. : Oui, plutôt, ça fait très, très plaisir. Surtout que dans la sélection il y a du beau monde donc c’est évidemment une forme de reconnaissance et c’est un coup de bol pour moi parce que c’est ma première BD en tant que co-scénariste. Pour Benoît c’est vraiment une reconnaissance de son travail.
B.D. : On est nommés pour trois prix, il y a Landernau, le prix des libraires Canal BD et Fnac/France-Inter.
D’autant que c’est un premier tome et qu’on ne connaît pas encore la fin.B.D. : Oui, et si jamais c’est nul, ouf, on aura été sélectionnés avant (rires) !
C.L. : Évidemment on est très très contents.
B.D. : Disons que lorsque l’on a proposé le projet à Ankama, évidemment le scénario était écrit jusqu’à la fin (rires) ! On sait exactement comment ça finit, et les éditrices ont choisi en connaissance de cause, elles savaient que la fin serait bien, il n’y a pas trop de risques de ce coté là !
Psycho-Investigateur c’est mis de coté, en stand-by ?
B.D. : Oui, c’est en stand-by parce que clairement nous allons être occupés au moins deux ans minimum sur Sherlock. Une fois qu’il y aura eu le tome 2 on va faire une autre enquête après…
C.L. : Nan, mais même encore plus (rires) ! Parce qu'effectivement il va y avoir le tome 2 et nos éditrices nous ont demandé de réfléchir à une autre histoire. Celle en cours sera bouclée à la fin du tome 2 mais comme on voudrait faire un one-shot et probablement un 62 pages, pour ne pas faire à chaque fois ce système, de faire attendre les lecteurs à chaque fois, tu mettras plus d’un an à le dessiner !
B.D. : Oui, tout à fait. Alors je corrige ma phrase, au moins deux ans et demi (rires) ! Donc du coup, on s’interdit un peu de penser à d’autres projets pour le moment. Je vais être bien occupé déjà mais après sinon, sur Psycho-Investigateur on a encore des idées avec Erwan Courbier et on pourrait continuer. Donc, peut-être, un jour…
À quoi ressemble une journée de travail type pour vous ?
B.D. : Tout va dépendre des moments où il y a besoin de plus de concentration ou non. Toute la partie créative, les esquisses, les crayonnés, même les crayonnés propres, j’écoute plutôt de la musique d’ambiance genre musique que films et entre autre ceux liés à Sherlock, mais pas que… Quand je passe à l’encrage, là c’est la partie où je relâche le cerveau, il n’y a plus qu’a se concentrer pour faire un truc joli et c’est tout, alors là j’écoute des livres audios, ou si je m’endors, de la musique extrêmement péchue qui n’a plus rien à voir avec l’aire victorienne et pour les couleurs c’est un peu pareil. Ça dépend des différentes phases et souvent, c’est vrai que je ne travaille pas que le soir, c’est toute la journée, mais le soir on est un peu plus au calme, ambiance plus propice à la concentration.
C.L. : Alors déjà il y a deux phases puisqu’il y a les phases de brainstorming tous les deux où là il n’est pas question d’avoir de la musique. On se met sur la table dans mon salon et on travaille toute la journée. On boit généralement beaucoup de thé pendant cette séance, quelques fois on mange des Michoko et là on va vraiment discuter des pages, de comment on va les agencer, comment on va distiller les indices, faire les premiers jets de dialogues. Après, moi, quand je retravaille les dialogues de mon coté quand il y a besoin, j’aime bien aussi me mettre une musique à très faible niveau, une musique douce, musique de film, et souvent je mets la même piste en boucle, je suis un peu dans une bulle et ça va m’aider à me concentrer et après j’entends les personnages parler vraiment. C’est à dire que je me mets dans la scène, dans la situation, et j’essaye d’entendre leurs voix et comment ils réagiraient, quel vocabulaire ils utiliseraient…
B.D. : C’est pour ça qu’on va le faire soigner (rires)…
C.L. : C’est pour ça qu’il essaye de rentrer dans ma tête (rires) ! Voilà, donc pour ces phases là c’est pour ça que je me mets un peu de musique aussi mais vraiment à très bas niveau.
B.D. : Et il refait le plein de Michoko (rires)… En fait les Michoko c'était déjà le cas sur Psycho-Investigateur parce que Erwan c’est le plus grand mangeur de Michoko du monde, tous nos albums sont faits aux Michoko, c’est le fioul de nos albums !
C.L. : On n’en est pas encore à la bière, on en est juste aux Michoko (rires) ! Avec l’album on devrait en offrir un paquet en fait !